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Researches 181-190

181 - Kepler, prétendu émule de Nostradamus et sa contribution au débat sur l’astrologie au XVIIe siècle
Par Jacques Halbronn

En 1649, sous la Fronde, le nom de Kepler est associé à celui de Nostradamus. Il s’agit d’une mazarinade intitulée Propheties sur les affaires du temps present et advenir. Tirée(sic) de la centurie II. Prop.. 34/35 de M. Nostradamus. Et ce que dit Kepler pour la présente année 1649/(Bibl. Arsenal). Comme le note Benazra (RCN, p. 212), il s’agit en fait des sixains 34 et 35, dont l’attribution à Nostradamus est contestée mais qui ont certainement beaucoup contribué à la fortune de Nostradamus au XVIIe siècle, vu que l’on pensa d’abord que les centuries ne valaient que jusqu’à la fin du XVIe siècle (cf l’Epitre de Vincent Séve à Henri IV, datée de 1605[1], qui donne comme terme 1597)... Un certain nombre de quatrains sont attribués ainsi à Kepler (mort en 1630).

Propheties de Kepler pour l’année 164 :
Huict, Quatre ne produira [cela vise 1648]
Rien que rage rien que fureur
Grands & petits, chacun perira
A servir l’Estat peu d’honneur

Ianvier verra l’emotion
Que Février apaisera
Mars les armes ralumera
En Avril grande sedition
(…)
Alors que tu verras chanter
Le Roy Gauloi six cinq & trois[1653]
Un homme tu verras monter
Sur l’échaffaut de Roys »

1649 est une année, au demeurant, importante, pour les Centuries que l’on associe volontiers à la mort sur l’échafaud de Charles Ier Stuart, à Londres[2], au point que la vignette représentant cet événement figurera dans plusieurs éditions des Centuries, à partir des années 1660[3]
En 1649, on voit apparaitre le nom de Kepler au titre de certaines publications troyennes:
Observations astrologiques ou Almanach, pour l'annee 1649 Par lequel on cognoistra les changemens de l'air, affaires du monde & révolutions plus remarquables de l'Europe. Et sous l'elevation des 48. degrez du pole artique. Diligemment supputé suivant le calcul de Tichó, & Kepler, & des meilleurs autheurs, qui ont escrit de cette science, par François Commelet, natif du Bassigny au comté de Champagne. Dedié au Roy Tres-Chrestien Louys. XIV.
Jouxte sur la copie imprimée à Troyes. A Paris. Chez la veufve d'André Musnier, au mont S. Hilaire, en la cour d'Albret. 1649. Avec permission.


C’est pour nous l’occasion de revenir sur la dimension astrologique de cet astronome qui dans les années 1640 était considéré par le milieu astrologique européen comme un réformateur providentiel, apte à mener à bien une « critique astrologique » comme il y aura une critique nostradamique et une critique biblique, dans le cours du siècle[4]. On abordera, dans un second temps, la réaction, la réplique, de Kepler, en tant qu’astrologue, face aux découvertes astronomiques de Galilée, avec sa lunette qui vient bouleverser les représentations traditionnelles de l’astronomie en usage chez les astrologues...


I Les « nouveaux aspects » de Kepler et l’Astrologie des années 1640-1650.
Si Galilée[5] (cf infra) pose le problème du nombre d’astres à considérer, Kepler, quant à lui, se soucie plutôt d’accroitre les interactions entre les astres existants en refondant la tradition des aspects.Ce sont là deux défis qui interpellent les astrologues et qui montrent que l’astrologie du XVIIe siècle garde encore le contact avec la vie scientifique du temps si on la compare à la situation crépusculaire[6] du siècle suivant.[7]
On ne peut connaitre l’impact d’une œuvre que si l’on étudie sa fortune et sa réception. C’est ce qui manque probablement à la thèse de Gérard Simon, publiée en 1979, chez Gallimard, Kepler, astrologue, astronome.
L’apport principal de Kepler pour les astrologues des décennies suivant celles de ses publications concerne, en effet, les « nouveaux aspects », - comme on les appelle alors[8] .
On s’intéressera particulièrement ici au fait que la proposition de Kepler d’augmenter le nombre des aspects en astrologie aura rencontré un certain écho dans les années 1640-1650 et notre intention n’est nullement de recenser toutes les occurrences à ce sujet mais de nous arrêter sur quatre astrologues, deux français (Bourdin et Morin), un italien (Placidus), un anglais (Lilly) qui réagissent diversement et simultanément (cf infra) aux idées de Johannes Kepler, qui commencent à être exposée au tout début du siècle, lesquelles accroissent l’arsenal astrologique mais lesquels astrologues ne font guère écho à celles du dit Keplerus, en revanche, qui entendent en réduire la voilure[9]..
Mais commençons par l’agacement de Morin de Villefranche face à cette vogue des nouveaux aspects, en ses Remarques Astrologiques. C’est dans un « Advertissement » placé entre les aphorismes XXIV et XXV que Morin écrit « Nous avons cassé tout le reste inventé par Kepler et autres ignorants des vrais principes de l’astrologie comme on verra dans le I7e livre de l’Astrologia Gallica » qui est tout de ses aspects »(rappelons que l’A. G. a été composée à la fin des années 40, probablement achevée en 1648).
Morin de Villefranche en Beaujolais, comme il sera désigné par son biographe, mais qui ne se présente pas de lui-même ainsi.
En, fait, il s’agit du XVIe Livre, ce qui nous inciterait à nous demander si le plan de l’Astrologia Gallica n’a pas quelque peu évolué avant son impression..
Mais avant de nous reporter à son magnum opus, voyons ce que Nicolas Bourdin dit de Kepler et de ses aspects dans son Centilogue (sic) de 1651[10]- – que Morin nomme toujours Monsieur de Villennes (ville de la banlieue parisienne, non loin de Poissy)- il est noble – marquis- comme nombre d’astrologues du temps, qui se veulent avocats d’une telle cause (de Blaise de Pagan à Eustache Lenoble, baron de Saint Georges sans oublier le comte Henry de Boulainvillers)
A l’occasion du commentaire sur l’aphorisme XVIII du Centiloque, Bourdin, qui réagira également à ce qu’apporte Galilée (cf infra), traducteur dès 1640, de la Tétrabible de Ptolémée, exprime ses doutes à propos des aspects képlériens tels qu’on les trouve exposés dans les Ephémérides que l’astronome publie : « Quant à dire pourquoy les dodectils & les quintiles ne sont pas aspects (sic) (afin que je ne parle de la multiplicité de ceux de Keppler (sic), c’est à cause qu’ils ne sont ny en égale distance d’un des quatre principes sus dits ny de mesme nature ; ny de mesme condition & de cette sorte qu’ils n’ont aucun rapport ensemble, comme il se void par expérience »
On apprend, en lisant ce que dit Bourdin, que le débat sur les nouveaux aspects ne se limite pas à Kepler, que c’est dans le Zeitgeist : et si certains intervalles astrologiques manquaient dont l’apport confèrerait à l’astrologie une efficace plus grande ?
Jean-Baptiste Morin, dans son œuvre, cite Kepler de manière assez récurrente et il nous renseigne sur le fait que l’exposé des « nouveaux aspects » est particulièrement marquant dans les Ephémérides que publie Kepler (et auxquelles Bourdin se référait).
Au XVIe Livre de l’Astrologia Gallica, « De Astrorum radiis & aspectibus » (pp. 349 et seq), Morin cite la préface à l’Ephéméride de 1617 : « quintilem 72 gradum, biquintilem 144 & semisextum 30 gr. ». Morin rejette ces aspects comme étant fictifs :
“Commendat Praefatione in Ephemeridum anni 1620 favet igitur mihi Keplerus pro & quod in illis introducendis me non parum confirmavit, sed ejus quintilem, biquentilem, sesquadrum & alios omnes rejicio ut ficticios qui nullum in duodenaria circulu divisione supraposita locum sibi vendicant »’
Etrangement, Morin, en 1650 publie, étant son propre éditeur, des*Tabulae Rudophinae ad accuratum & facile compendium redacta. Or, ce titre reprend, à 27 ans d’écart, celui de Kepler : Tabulae rudolphinae quibus astronomicae scientiae temporum longinquitate collapsae restauratio continetur, a... Tychone ex... Braheorum in regno Daniae familia oriundo equite... Tabulas ipsas, jam et nuncupatas, et affectas, sed morte authoris sui anno 1601 desertas... ex fundamentis observationum relictarum, ad exemplum fere partium jam exstructarum, continuis multorum annorum speculationibus et computationibus... perfecit, absolvit, adque causarum et calculi perennis formulam traduxit Joannes Keplerus,... Ulm, : J. Saurii, 1627 (BNF)
Morin n’y signale pas Kepler au titre mais Uraniborg, l’observatoire de Tycho Brahé mais seulement dans l’epitre à Nicolas Goulas, un proche de Gaston d’Orléans, frère du roi, un acteur majeur de la Fronde.. Les Tabulae de Morin seront rééditées, en 1657, à sa mort par Pierre Ménard (cf Bibl. Arsenal) qui reprennent le titre d’une publication de Kepler, « mathématicien impérial » (auprès de Rodolphe II, à Prague, où plusieurs de ses textes paraissent).
Mais c’est surtout dans les éphémérides que Kepler diffuse ses idées. On signalera notamment en 1616 ; IV » De novis aspectibus » (pp. 33 et seq) in Ephemerides novae Motuum Coelestium ab anno vulgaris aerae MDCXVII, Linz. (Bib. Arsenal). Kepler décrit ainsi la longue maturation de son travail,20 années durant, sur la question stratégique des aspects[11] :
« Quoique j’aie assez disserté sur « ces nouveaux aspects : d’abord dans le Mystère Cosmographique 20 ans avant, ensuite dans les Fondements plus sûrs de l’Astrologie 14 ans avant et dans le Livre au sujet de l’étoile nouvelle 10 ans avant, de nouveau dans un troisième intervenant 7 ans avant et enfin dans la Dissertation avec le Nouveau Messager Céleste de Galilée, 6 ans avant, (..) on doit dire quelque chose en ce lieu »
On voit que Kepler dans son débat avec Galilée met en avant la question des « nouveaux aspects ».
[12]. On apprend que ces nouveaux aspects ne s’appliquent pas à la Lune probablement parce que du fait de sa vitesse, cela ne ferait guère sens et son parcours en serait par trop « saucissonné » et balisé.
Mais si en France, les avis restent assez réservés, il n’en est pas de même, en ces années 1640, tant Outre Manche qu’en Autriche où officie le moine italien Placide de Titis. Nous nous contenterons comme on l’a dit de ce qui figure de Kepler dans la Christian Astrology modestly treated in three Books ; Londres, 1647 et dans « Questionum Physiomathematicarum Libri Tres in quibus ex naturae principiis hujusque desideratis demonstratur Astrologia etc », Milan, 1647.

Quelle place Lilly accorde-t-il aux « nouveaux aspects » ? Dans son « Introduction to Astrologie » (en tête de la Christian Astrology), on lit un exposé sur la manière de lire des Ephémérides, à la colonne « aspects » (pp.30 et seq)- et ce sont celles de Kepler qui semblent faire autorité ; « Le quintile correspond à 2 signes plus 12° » (ce qui donne 72° qui est le cinquiéme de 360°). Lilly mentionne le nom de Kepler, « un homme savant défunt » qui a ajouté « le semi-sextile (SS), le quintile (Q), le Tredecile (Td), soit 108°, le biquintile(Bq), soit 144° (le double du quintile), et le quinconce, soit 150° »(p ; 32) Mais Lilly ne s’avance pas davantage, il entend simplement informer son lecteur s’il tombe sur ces sigles.
On peut penser que la fortune de ces nouveaux aspects est largement due au fait que Kepler les ait introduits dans ses éphémérides lesquelles connaissaient un certain écho dans toute l’Europe, plutôt que dans quelque traité.

Quelle est l’attitude de Placidus de Titis, rénovateur de la méthode de domification, lequel, à sa façon, propose, quant à lui, de réformer le mode de calcul des maisons, et donc d’améliorer la qualité des prédictions astrologiques lesquelles dépendent du dit calcul. Si l’on ne découpe pas correctement les maisons, comment obtiendrait-on de bons résultats ? Mais Placidus admet qu’il est bon de « diriger » le thème natal en se servant des « nouveaux aspects » qui donneront des dates que les anciens aspects n’auraient pas donné. Dans la IIIe partie consacrée à cette question, (canon XXIX), l’astrologue et cosmographe Italien, dont le systéme de domification allait s’imposer, à partir du XIXe siècle[13], aborde le quintile, le sesqui-carré et le biquintile, il se réfère à la référence musicale qui fonde le système képlérien des aspects. Suit un long exposé sur l’usage de ces aspects qui viennent s’ajouter à la panoplie traditionnelle.[14] et qu’il entend expérimenter.
Rappelons que l’astrologie ne s’est pas arrétée d’exister en 1700. En 1717, Boulainviller, dans un texte resté manuscrit il est vrai (édition 1947) commente la question des nouveaux aspects dans sa Pratique Abrége des jugemens astronomiques sur les Nativitez (qui reprend le titre du traité d’Auger Ferrier, un best seller qui parut de 1550 à 1625) :
« Les Modernes ont imaginé des aspects d’une dénomination toute nouvelle , différente de tous ceux qui ont de tout temps été reconnus et expérimentés par les maîtres de la science (…) et l’on peut dire qu’ils n’ont eu recours à la fiction des quintiles, bi-quintiles et bi-sextiles que pour couvrir par quelque prétexte des erreurs de leurs jugemens ». Kepler est visé. (p. 45)



II Le Messager Céleste et l’Astrologie de Kepler.

L’historien des textes est à la merci d’un document qui lui échappe, ce qui parfois contribue à corriger les perspectives[15]. Un ouvrage aussi touffu que celui que Bourdin consacre au Centiloque ne nous avait pas livré tous ses trésors quand nous l’avions réédité, il y a vingt ans. Etrangement, c’est l’année d’avant, 1992, que plusieurs ouvrages consacrés à Galilée étaient parus. En fait, c’est notre intérêt pour les étoiles fixes qui nous conduisit récemment à réexaminer ce corpus et de fait il n’y a rien d’étonnant à ce que les sentences du Centiloque relatives aux étoiles fassent référence à Galilée. On mentionne volontiers les «planétes » Médicis, qui sont en fait les satellites de Jupiter qui apparaissent grâce à la lunette mais le choc principal semble avoir concerné la question des étoiles. Pour la troisième fois, en quarante ans, Nicolas Bourdin se retrouvait ainsi sur notre route, lui que nous avons déjà abordé plus haut à propos des « nouveaux aspects ». La première fois, par l’intermédiaire de Jean-Baptiste Morin (dit de Villefranche, en Beaujolais), un astrologue dont on disait qu’il n’avait publié qu’en latin. La deuxième fois, en publiant le traité auquel Morin s’en était pris du Marquis de Vilennes, dans l’intention de mettre en évidence une dimension exégétique qui nous avait fortement occupés, notamment à l’occasion de notre travail sur l’astrologie juive. Et enfin, cette dernière fois, à propos d’une traduction, certes partielle, non signalée du Messager Céleste de Galilée, datée de 1651, que nous avons mise en parallèle avec celle effectuée par Alexandre Tinelis, sieur du Castelet, trente ans plus tard, ces deux auteurs réfléchissant sur les implications de la lunette sur l’astrologie, ce qui faisait le lien avec notre travail sur l’astrologie à la fin du XVIIIe siècle [16], qui ne fait sens en définitive que dans le prolongement de l’impact galiléen dont la fortune française n’avait pas été suffisamment appréhendée..
Le Centiloque est un ensemble de cent propositions astrologiques, d’ordre technique, qui n’est pas sans faire écho à nos recherches autour des Centuries (cf. notre étude autour du Centiloque que nous publions en parallèle, sur le site grande-conjonction.org). Deux ensembles qui ont fait l’objet de moult commentaires et dont la paternité officiellement affichée fait débat.

On trouve dans le Centiloque, entre autres, deux aphorismes (XXVIII et XXIX) relatifs aux étoiles fixes, lesquelles, à l’instar de l’astrologie horaire ont été largement délaissées par l’astrologie contemporaine, la mettant quelque peu en porte à faux avec les textes classiques. Le premier texte, précise Morin « est de pratique pour les élections ».
Mais c’est surtout le commentaire de Nicolas Bourdin qui retiendra notre attention car il met le doigt sur un problème assez peu abordé, à notre connaissance, concernant les répercussions de l’usage astronomique de la lunette par Galilée sur l’astrologie du XVIIe siècle. Nous verrons le peu qu’en dit Morin de Villefranche, dans son commentaire du commentaire du Marquis de Vilennes alias Nicolas de Bourdin.
La sentence XXVIII est ainsi rendue par Bourdin, précédemment traducteur de la Tétrabible : « Lors que tu ne pourras faire en sorte que tu conioignes la Lune à deux Estoiles, fais de telle façon que tu la conioignes à une étoile fixe, laquelle ait le mélange de ces deux »
Nous sommes ici dans la situation d’un astrologue qui se doit de trouver la configuration idéale pour une entreprise et qui n’en trouve pas en vue s’il ne doit compter que sur les planétes (ou estoiles errantes). Le centiloque –dont Albumasar serait le compilateur selon Richard Lemay[17], au Ixe siècle- propose de choisir parmi les étoiles fixes, pratique totalement abandonnée de nos jours à laquelle on préfère notamment le recours aux « maîtrises ». Bourdin mentionne notamment « Calb el crabs qui est le cœur du Scorpion » (à savoir Antarés, une des étoiles royales). Ailleurs : « Les Estoiles fixes apportent des felicitez irraisonnables & admirables que pour la plus grande part elles rendent remarquables par les infortunes, si ce n’est que les Planètes s’accordent à cette félicité »’
Bourdin situe le débat à son époque : « Mais à présent qu’on a trouvé des yeux pour en voir des troupes innombrables, où trouvera-t-on des noms assez dans la Fable et dans l’Histoire pour les adapter ? Au dessous des Estoiles de la sixiesme grandeur (dit Galilée en son Ambassadeur des Astres) vous en verrez par le moyen des lunettes, un troupeau si nombreux d’autres qui suyvent la veue naturelle qu’à grand peine est-il croyable etc « Et Bourdin de poursuivre sur cette lancée « Ainsi, nous avons bien plus de besogne que nous ne pensions ; les constellations sont plus contigues qu’on ne s’estoit figuré & si l’on y regarde de près, on trouvera quatre pieds au Taureau & peut estre cinq au Bélier si nous voulons que toutes les Estoiles composent de ces figures Astrées. Veu qu’aux trois qui sont au Baudrier & aux six qui sont en l’espée d’Orion, Galilée en a trouvé huitante autres (…) Il a trouvé quarante six filles d’Atlas en la poussinière ».

Un autre passage plus ample du Messager est rendu en français, il concerne la Voie Lactée, le « Cercle de lait », selon la traduction de Bourdin.[18] pour « Lactei Circuli »
Or, il apparait que cette traduction très partielle du Messager Céleste de Galilée n’avait pas été signalée jusque là et que l’on s’en était tenu jusque là à l’année 1681, date avancée par Emile Namer, en 1964[19], puis, en 1992, par Isabelle Pantin[20], Cette traduction française du Sidereus Nuncius de 1610, dédié à Cosme Médicis, qui ne date que de 1681 est due à Alexandre Tinelis, sieur du Castelet ; elle figure, suivie de développements critiques, au sein du Messager céleste contenant toutes les nouvelles découvertes qui ont esté faites dans les astres depuis l'invention de la lunette d'approche, avec des réflexions sur les utilitez qu'on en peut tirer pour la conservation de la vie. Premier extraordinaire du Journal de médecine, publié le premier octobre 1681 Paris, Académie des nouvelles découvertes de médecine (BNF)
L’ouvrage est préfacé par Nicolas de Blégny. A propos de l’auteur « je l’ay porté (..) à traduire le Nuncius Sidereus de Galilée » d’où le titre « diverses pièces curieuses de la traduction & de la composition de M. Alexandre Tinelis, (…) sieur de Castelet »[21], où l’ on trouve in fine une « Dissertation contenant des reflexions curieuses et nouvelles sur la question si l’Astrologie judiciaire doit estre d’usage dans la pratique de la Médecine pp. 163 et seq » dans laquelle l’abbé de Castelet aborde les répercussions galiléennes sur le statut de l’astrologie. : « raison assez forte qu’on a opposée aux astrologues depuis l’invention de la lunete (sic) ».
On retiendra notamment que le problème ne se pose pas uniquement pour ce qui est des planétes pouvant se trouver au-delà de Saturne mais aussi et peut être surtout pour les planétes se situant en deçà de Saturne mais que l’on n’aurait point découvertes jusque là, ce qui sera confirmé en 1801 avec la découverte de Cérès, placé entre Mars et Jupiter.
Castelet se demande si les travaux de Galilée ne viennent pas saper les fondements mêmes de l’astrologie et cela n’est pas sans évoquer un autre argument plus connu qui sera avancé à la même époque sur la précession des équinoxes (cf la Logique de Port Royal), suivant une stratégie de déstabilisation.
« Nous voyons mesme de nouvelles planètes (sic) inconnues à toute l’Antiquité. N’est-ce donc pas une chose bien certaine, dit-on, qu’il n’y a jamais eu, au moins avant ce siecle, aucun horoscope, aucun theme celeste, ou pour me servir de termes plus intelligibles, aucune figure astrologique de la situation des astres, qui n’ait esté defectueuse . (sinon) tout l’édifice tombe & la prediction n’est plus soumise aux regles de l’Art. Où seront donc les expériences de cet Art merveilleux qui ne peut être fondé que sur elles. Ont-ils bonne grâce après cela de vouloir nous etaler avec tant de fastes leurs observations de plus de deux mille ans » (p. 229)
Mais Castelet, beau joueur, reconnait qu’un tel argument n’est pas décisif : « Les astrologues, dit-il, n’ont jamais attribué de fortes influences aux étoiles fixes ; ils ne leur accordent presque aucun pouvoir si elles ne sont dans le zodiaque & dans quelque lieu qu’elles puissent estre ils considerent toujours infiniment plus les Planetes » Il croit avoir mieux à offrir : Castelet s’en prend à la probabilité de l’existence de planétes inconnues et en cela l’avenir lui donnera raison. Cette seule possibilité, selon l’abbé, fait problème, du fait des interrelations astrales qui sont au cœur de la démarche astrologique. « On croyait que le nombre de planètes estoit limité à celuy de sept & on ne s’avisoit pas de doubter qu’il pût estre plus grand. On trouvoit mesme dans ce nombre de sept quantités de mysteres (..)on croyoit voir certaines sympathies entre chaque planète & chaque genre des métaux, à qui les Chymistes (alchimistes) donnent encore le nom des planettes (…)Mais tous ces mystères ne sont plus de saison (..) L’astrologie judiciaire s’est pourtant fondée sur cette trompeuse limitation ainsi que sur l’incorruptibilité des Cieux : la chute de ces deux appuis nous peut donner de grandes prises sur elle » (p. 238 et seq). Tinelis-Castelet conclut « plusieurs planetes invisibles dont les astrologues avoient tres faussement supposé l’impossibilité, peuvent avoir esté la cause des mauvais succés que ces Messieurs ont si souvent éprouvé »

Il conviendrait donc de remettre en question une telle chronologie galiléenne, vu un décalage de plus de 25 ans. En fait, le texte de 1681 fait pendant à celui de 1651, à exactement trente ans d’intervalle. Les deux textes ne sont pas sans offrir une certaine similitude si ce n’est que Bourdin est un avocat de l’astrologie et Tinelis un pourfendeur. Face au choc des découvertes du cosmos par la lunette (à partir de 1610), l’abbé du Castelet et le marquis de Vilennes ont le sentiment que l’Astrologie est visée par cette nouvelle donne, qu’il s’agisse de la rénover ou de la condamner définitivement..

On aurait pu s’étonner qu’il ait fallu 70 ans (entre 1610 et 1681) pour que le texte ait été traduit en français si ce n’est que le latin reste en France la langue savante tout au long du premier XVIIe siècle, ce dont témoigne la production d’un Gassendi mais aussi d’un Morin de Villefranche, dont l’Astrologia Gallica parait à La Haye en 1661, ouvrage dont les Remarques Astrologiques sur le commentaire du centiloque de Ptolémée constituent un prélude en langue « vulgaire. »
Bourdin, certes, ne restitue qu’une faible partie de l’ouvrage de Galilée en français (pp. 92 et seq), mais la teneur du Messager céleste est telle que ces quelques extraits suffisent à marquer les esprits qui n’auraient pas eu accès au latin. D’ailleurs, Bourdin ne s’est-il pas donné pour mission, par ses traductions, de faire du français une langue scientifique ?
Bourdin désigne l’ouvrage de Galilée sous le titre d’Ambassadeur des Astres, ce qui touche à un débat entre spécialistes sur la signification ambiguë du mot Nuncius: Messager ou Message ?
.On ignore d’où l’astrologue Nicolas Bourdin, marquis de Vilennes, lui-même traducteur de Ptolémée- a tiré cette traduction ni s’il s’agit d’un extrait d’une traduction existante ou d’une traduction partielle pour les besoins de son livre..
Bourdin s’interroge et s’inquiète vis-à-vis des astrologues ; « Dans un si estrange nombre d’estoiles, qui sera donc celuy qui demeslera la diversité des effets, si toutes contribuent à en produire (..) ? (…) Néanmoins parce que la tardiveté de leurs mouvements & les rares expériences qu’on en a de ce qu’ils produisent chez nous, en rend la preuve plus difficile, on admire les evenemens qu’ils ameinent »
Morin ajoute dans ses Remarques, qui connurent deux éditions successives en 1654, chez l’auteur, à Paris, et après sa mort, en 1657 ; à Paris, chez Pierre Ménard « L’ignorance de la propre nature et vertu des étoiles fixes nous est un grand défaut en l’Astrologie »
Mais Morin – qui ne reprend pas explicitement la référence à Galilée – veut considérer les fixes comme un épiphénomène : «en ces remarques (…) je me contenterai de dire qu’encores que toutes les étoiles fixes seraient anéanties, le Soleil ne laisserait pour cela de causer les quatre saisons de l’année et les autres planètes d’agir comme elles sont de par leur propre vertu, laquelle elles ne tiennent pas des étoiles fixes »
Kepler lui-même avait répliqué (-1610, Prague) au Sidereus Nuncius au regard de l’astrologie, dans une Dissertatio cum Nuncio Sidereo :
« Il y a des hommes en effet pour qui notre astrologie terrestre semble vaine ou que je dise philosophiquement, la doctrine sur les aspects puisque nous avons ignoré jusqu’à ce jour le nombre des planètes faisant les aspects (..)Et de cette manière l’astrologie demeure en son lieu et il est visible en même temps que ces quatre nouveaux sont accouplés non pour nous vivant sur l’insigne Terre mais sans aucun doute pour les habitants autour du globe de Jupiter (…) Il est donc tout à fait ainsi que ce qu’est notre Lune pour nous sur la Terre n’est pas pour les autres globes » [22]

On peut s’étonner en effet que ce passage concernant le Messager Céleste n’ait pas été signalé tout au long du XXe siècle[23]. On pouvait en effet, raisonnablement, s’attendre, à ce que la littérature astrologique se fasse l’écho des découvertes faites au moyen de la lunette, ce qui aurait donc justifié d’explorer les textes astrologiques du cours du XVIIe siècle, ce qui aurait conduit, de fil en aiguille, à un Nicolas Bourdin, d’autant que dès 1975 nous avions publié sinon son Commentaire du moins les Remarques de Morin à son sujet..
Les observations de Bourdin ou relayées par lui sont importantes pour l’histoire de l’astrologie contemporaine et pour mieux appréhender la crise par laquelle l’astrologie va passer à partir de la fin du XVIIe siècle. On n’en est pas encore à découvrir de nouvelles planétes – ce sera le cas en 1781 avec Herschell/Uranus et en 1801 avec Cérès- mais déjà se profile un ébranlement du savoir astrologique. On peut d’ailleurs en déduire que l’astrologie va prendre ses distances avec les étoiles, d’où l’affirmation par Morin du caractère marginal des étoiles fixes, ce qui, à terme, aura pour effet, d’évacuer progressivement les fixes du champ de l’astrologie, tout en conservant les constellations en tant qu’ensembles, avec le rejet d’un zodiaque qui s’ancrerait sur une certaine étoile fixe, située dans la constellation du Bélier. Le problème posé par la lunette de Galilée aura été esquivé du fait de cette mise à l’écart des étoiles fixes dans le discours astrologique mais on ne saurait sous estimer l’impact qu’a pu représenter une telle avancée dans l’observation du ciel pour l’astrologie de l’époque. En repoussant le choc à la fin du XVIIIe siècle, autour de la découverte de la première transsaturnienne , l’on risque de fausser les représentations car c’est bien déjà au XVIIe siècle que l’ astrologie est impactée. A la fin du siècle suivant, les dommages collatéraux sont déjà marquants. [24]
Ajoutons que Castelet met en avant (p. 97) le travail de Jean- Baptiste Porta, en son » Traité de magie naturelle » (au chapitre 17 du Livre IV), en ce qui concerne l’usage de miroirs pour l’observation des astres, ce qui en ferait un précurseur de Galilée.
Ce ne serait donc pas l’héliocentrisme de Copernic qui aurait tant déstabilisé l’astrologie que l’ébranlement de l’inventaire astronomique. Mais l’on sait que l’astrologie contemporaine relèvera le défi et intègrera les nouvelles planétes au sein de ses dispositifs traditionnels[25]. Quant aux étoiles fixes, à trente ans d’intervalle, entre 1651 et 1681, leur place au sein du savoir astrologique aura singulièrement décru. Il n’en reste pas moins que dans les faits, le déclin de l’Astrologie, du moins au regard des instances scientifiques, à commencer par l’Académie Royale des Sciences, se verra entériné, comme si l’astronomie s’était rendu compte, à quel point ses liens avec l’astrologie étaient une entrave potentielle à son progrès, le procès de Galilée, nouvelle pomme de discorde- ne faisant que creuser le fossé entre science et croyance..Les années 1650 constituent un tournant probablement plus important que les années 1680, pour l’avenir de l’astrologie. On pense notamment à la polémique entre Morin et Gassendi – qui est notamment très présente dans les Remarques Astrologiques –à laquelle il convient désormais d’ajouter les doutes de Bourdin face à une astrologie qui se voit singulièrement hypothéquée par le fait d’une astronomie devenue imprévisible, posant ainsi un dilemme aux astrologues face à une modernité qui vient plomber un savoir qui, comme le rappelle Tinélis, avait pour lui son ancienneté..

Conclusion

La première décennie du XVIIe siècle aurait pu être perçue comme le temps d’une renaissance de l’astrologie à l’aune des apports d’un Kepler et d’un Galilée. L’historien de l’astrologie moderne, avec le recul, ne peut que considérablement relativiser les effets d’un tel impact et en fait, c’est bien à ce moment là que se précise le divorce entre astronomie et astrologie, dans la mesure même où l’astrologie ne « suit » pas.. Bien plus, on peut penser que c’est l’astrologie, elle-même, qui « décroche », troublée par une astronomie qui lui semble de plus en plus étrangère et qui finit par se radicaliser du fait même des nouvelles perspectives qui s’ouvrent à elle..
Nostradamus n’aurait probablement pas été indifférent à de tels enjeux. Non pas, certes, l’homme des « Centuries » mais celui de l’éclipse de 1567 qui pensait que l’astrologie avait mission d’éclairer l’Humanité sur le devenir du monde. Il aurait été, nul doute, intéressé par les réflexions de Kepler sur les astralités liées à la naissance de Jésus Christ.
En fait, dans les années 1640, on voit toutes sortes de remèdes proposés pour corriger les insuffisances de l’astrologie. Jean-Baptiste Morin, dans sa monumentale Astrologia Gallica n’entend pas être de reste. Pour ce professeur de mathématiques au Collège Royal (le futur Collège de France), il faut dénoncer ces astrologues qui donnent des consultations sans se référer systématiquement à la figure natale. C’est de là que viendrait le mal dont souffre l’astrologie. Au fond, tout le monde s’accorde pour dire que l’astrologie est malade mais chacun y va de sa solution et les découvertes de Galilée ne font qu’ajouter à la confusion. La notion d’adversaire de l’astrologie tend à devenir insaisissable tant les astrologues eux-mêmes se portent des coups les uns aux autres, sans qu’il soit besoin qu’intervienne un Pierre Gassendi qui, à la différence de Kepler (au titre de son Tertius Interveniens de 1610, en allemand) demande à ce que l’on ne jette pas le bébé avec l’eau du bain. Les attaques d’un Jean-Baptiste Morin contre Nicolas Bourdin –il consacre un ouvrage à relever toutes les incongruités de son confrère (Remarques Astrologiques) donnent quelque idée du climat délétère qui règne dans les années 1650, à la veille de la fondation en 1666 de l’Académie Royale des Sciences, même si la thèse d’un « édit de Colbert » interdisant l’astrologie est un mythe. En fait, ce n’est que vers 1699, que l’Académie décida de ne plus examiner de travaux relatifs à l’astrologie, ce qu’elle avait fait jusque là, en quelques occasions.[26]. En fait, la production astrologique française sera plus dense dans le dernier tiers du XVIIe siècle, avec notamment l’œuvre d’un Eustache Lenoble laquelle sera publiée, sous diverses formes, tout au long du XVIIIe siècle[27].

JHB
19. 02.13

[1] Cf Documents inexploités sur le phénoméne Nostradamus, Ed. Ramkat, 2002
[2] “The Importance of Comets for the Cause of Astrology: the Case of Pierre Bayle in the Years 1680-1705” “in Collectif Astrology and the Academy, dir N. Campion, 2003
[3]« L’astrologie sous Cromwell et Mazarin », in Politica Hermetican 2003
[4] Cf Giffré de Réchac et la naissance de la critique nostradamique au XVIIe siècle, Post Doctorat, EPHE Ve section, 2007,
[5] N. Campion, N. Kollestrom, Galileo’s Astrology, numéro spécial de la revue Culture and Cosmos, 2003n vol 7
[6] « L’empire déchu ou l’astrologie au XVIIe siècle », Politica Hermetica, 1997 n°11, « Les résurgences du savoir astrologique au sein des textes alchimiques dans la France du XVIIe siècle, in Aspects de la tradition alchimique au XVIIe siècle, dir. F. Greiner, Milan, Arché, 1998
[7] Cf « Recherches sur l’Histoire de l’Astrologie et du Tarot, » Paris, Trédaniel, Grande Conjonction, 1993. Postface à Etteila L’astrologie du livre de Toth. (1785)
[8] On s’y référe e de nos jours en tant qu’aspects « mineurs »
[9] Cf Les historiens des sciences face à l’activité astrologique de Kepler, Congrès des Sociétés Savantes, 1979
[10] Réed 1993 en reprint, Ed. Trédaniel –Grande Conjonction
[11] Cf G. Simon Kepler, astronome, astrologue, Paris, 1979 G. Simon 1979, pp. 169 et seq. On y signale que L’Harmonie du Monde ,1619, réhabilite le semi-sextile.(30°), aspect dont le sort avait été discuté et qui avait été doté d’un icône repris de celui du sextile.(60°)
[12] Ephemerides Ans 1617 à 1636 compris, trad Jean Peyroux, Paris Blanchard 1994
[13] Placidus de Titis, mathématicien de Léopold Guillaume, archiduc d'Autriche, 1601-1668). « Texte
[10] Primum Mobile, Placidus de Titis, publié par la Fédération des Astrologues Francophones (FDAF), Paris, 1998. préface R/ Amadou.
[14] Cf fac simile de la traduction anglaise , Londres 1983, pp. 79 et seq, Sur Kepler cf p. l’introduction de Michael Baigent
[15] Voir aussi notre récente étude sur la réception de l’astrologie de Kepler dans les années 1640, site grande-conjonction.org
[16] Cf nos Recherches sur l’Histoire de l’Astrologie et du Tarot, Paris, Trédaniel, La Grande Conjonction, 1993
[17] ↑ Richard Lemay, Origin and success of the Kitab Thamara of Abu Ja'far Ahmad ibn Yusuf, in Proceedings of the 1st International Symposium for the History of Arabic Science, University of Aleppo (1976), Alep 1978
[18] Passage latin reproduit en fac simile in Sur les traces de Galilée,dir A. Brémond, ed. des Traboules, 2009, p. 97
[19] Galilée. Sidereus Nuncius. Le Messager Céleste, Paris, Gauthier Villars 1964, p. 49, note 1
[20] Cf Ed Belles Lettres, 1992. soit un an avant notre édition de l’ouvrage de Bourdin comportant un passage d’une première traduction française désignée par Bourdin « Ambassadeur des Astres »
[21] Nous avions déjà signalé cette dissertation dans le CATAF. (grande-conjonction.org)
[22] 1989 trad Jean Peyroux, Paris, A. Blanchard, p. 75
[23] Cf dès 1986, ce que nous écrivions sur l’impact de Galilée en Astrologie, in L’étrange Histoire de l’astrologie, avec S. Hutin, pp. 62 et seq.
[24] Cf J. Halbronn, La Vie astrologique, il y a cent ans, Paris, Trédaniel La Grande Conjonction, 1992
[25] . J. Halbronn, “L’évolution de la pensée astrologique face aux découvertes des nouvelles planètes du système solaire (1781-1930)”, Actes du 103e congrès national des sociétés savantes, Nancy 1978, Sciences, fasc. V, pp. 145-146, “La communication du savoir astrologique”, Actes du Colloque La magie et ses langages, dir. Margaret Jones-Davies, Lille, PUL, 1980.
[26] Cf nos Etudes autour des éditions ptolémaïques de Nicolas de Bourdin (1640-1651), en postface au CEntiloque de Bourdin, Paris, Ed Trédaniel-Grande Conjonction, 1993, dont les éléments ont été repris par H . Drévillon dans sa thèse (1993) publiée sous le titre Lire et écrire l'avenir. L'astrologie dans la France du Grand Siècle (1610-1715). Ed Champvallon, 1996
[27] Cf nos Recherches sur l’Histoire de l’astrologie et du Tarot, op. cit.
 
182 - Contrefaçon et culte posthume au regard du canon centurique
Par Jacques Halbronn

La notion de contrefaçon est indissociable d’une prétention unitaire. Il s’agit de faire de l’un avec du multiple, de faire passer le multiple comme ne faisant qu’un.
Cela nous conduit d’ailleurs à élargir la notion de contrefaçon à toute forme de compilation qui ne dirait pas son nom. On peut aussi vouloir se faire passer pour ce que l’on n’est pas. Dans le cas de Nostradamus, la question se pose ainsi : la disparité propre à certains documents est-elle le fait de faussaires ou bien Nostradamus est-il lui-même un plagiaire, pillant sans scrupules diverses sources ? Jusqu’à présent, c’est la seconde thèse qui semble avoir prédominé, ce qui n’est évidemment pas à l’honneur de Nostradamus. Dilemme donc : soit Nostradamus est son propre faussaire, soit ce que l’on désigne sous le nom de « corpus Nostradamus » est en fait un ensemble qui englobe à la fois pièces authentiques composées par Nostradamus et contrefaçons dues à d’autres que Nostradamus.
Un des premiers à avoir abordé la question des sources de Nostradamus est l’abbé Torné-Chavigny mais il ne conclut pas à une contrefaçon « externe » mais opte pour l’image d’un Nostradamus quelque peu torturé jouant sur plusieurs tableaux.
A partir du moment où l’idée d’un Nostradamus comme personnage assez douteux, rien ne surprend plus. On trouve alors « normal » que certains textes soient marqués par des juxtapositions, des contradictions. Cela conduit à une recherche nostradamologique qui stagne et qui ne traite plus que de questions de détail assez insignifiantes.
Il importe, selon nous, que les chercheurs en histoire des textes, en textologie, reçoivent une formation en bonne et due forme sur la contrefaçon. Ce qui est loin d’être le cas. Il convient aussi de comprendre quels sont les ressorts et les méthodes de la contrefaçon.
Pour dire les choses brièvement, nous poserons le principe suivant : soit l’on va du simple au multiple, soit du multiple au simple. Entendons par là qu’il est normal qu’un texte fasse l’objet de divers commentaires ; en aval, de traductions, de citations voire d’emprunts. Mais autre chose, le fait qu’un texte soit constitué de toutes sortes d’éléments épars par ailleurs aisément reconnaissables tant ils relèvent d’un « copié-collé » plus ou moins habile.
Est-il par exemple « normal » que l’on trouve des quatrains, comme l’a montré Chantal Liaroutzo (1986), pris de la Guide des Chemins de France de Charles Estienne ? Pour cette chercheuse, ce constat signifiait-il que ces quatrains étaient des faux ou bien que Nostradamus composait « ses » quatrains centuriques en recourant à de tels procédés ? Si l’on revient à Torné Chavigny, qui signale des emprunts à l’Eclipsium ou à l’Ephemeridum de C. Leovitius dans les Significations de l’Eclipse qui sera le 16 septembre 1559, est-ce le signe que ce texte est un faux ou bien que Nostradamus reprenait à son compte les travaux de ses confrères ? Idem quand le même Torné note que la Préface à César reprend nettement un texte de Savonarole figurant au sein du Mirabilis Liber de 1522 ? et l’on ne parle pas des diverses sources que les uns et les autres ont découvertes ici et là, notamment quand il s’agissait d’événements révolus déjà du temps de Nostradamus. On pense notamment au travail de Roger Prevost (Laffont, 1999). Force est de constater que dans l’ensemble, de telles observations n’auront pas conduit à l’idée de contrefaçons « externes », tout au plus de contrefaçons « internes » dues à Nostradamus lui-même, pour quelque raison que ce soit.
En fait tout dépend d’une certaine éthique de l’observateur. Si le dit observateur est lui-même coutumier de certains agissements dans son propre travail de recherche, empruntant à tel ou tel sans trop de scrupules, il faut s’attendre à ce qu’il ait quelque difficulté à déceler une contrefaçon. Inversement, si le chercheur est marqué par une certaine rigidité, ne risque-t-il pas de découvrir des facteurs de fraude un peu trop promptement (hypercritique) ?
Récemment, le cas de la Préface à César nous est apparu particulièrement suspect et cela au vu justement des sources. Car, en fait, le problème n’est pas tant celui d’un emprunt ponctuel mais d’une pluralité d’emprunts n’ayant pas fait l’objet d’un véritable processus de digestion, de refonte. Cela dit, il faut bien reconnaitre que tout le monde est marqué par des influences, des lectures mais ce qui caractérise, notamment, le plagiaire, c’est le quasi mot pour mot ou en musique, note pour note.. Au fond, ce qui serait authentique serait ce qui a su gérer intelligemment le processus d’imitation auquel nous sommes tous confrontés et qui nous invite à développer en nous certaines dispositions, faute de quoi l’on en reste à une duplication servile..
Or, dans la Préface à César, si on la rapproche du traité de Trithème sur les causes secondes, on note que tout se passe comme si l’on avait effectué quelques emprunts assez désordonnés, ne donnant qu’une idée très confuse de l’ouvrage de référence sans pour autant y substituer une nouvelle cohérence propre à l’auteur. On est là en face de fragments, de bribes, «sans queue ni tête ». La Préface à César est un texte qui n’est pas maîtrisé et qui n’est d’ailleurs pas compris par ceux qui le commentent et le transmettent. C’est ainsi que lorsque Trithème déclare qu’il reste 17 ans à courir avant de changer de « planète », se référant à 1508, qui est la date de rédaction, 17 devient 177 et la date de 1508 qui n’est d’ailleurs pas reprise est remplacée par une date plus tardive, à commencer par 1555 qui est la date de rédaction indiquée de la dite Préface. On ne saurait concevoir emprunt plus maladroit. Mais ce n’est pas tout quelques lignes plus loin, il est dit que l’on est déjà entré dans la période de la planète suivante. Il y a donc là un hiatus temporel : on attend l’âge de la Lune mais en fait on s’y trouve déjà (depuis 20 ans si l’on en croit tel quatrain de la première centurie)
Comment qualifier un tel objet ? Premier constat : on veut nous faire croire que Nostradamus en est l’auteur. Deuxième constat : on rassemble des éléments en vrac. Selon nous, la meilleure explication, c’est qu’il s’agit de notes trouvées dans les papiers de Nostradamus et que l’on aura mises bout à bout, un peu à la façon de certaines publications posthumes, tant sous la forme d’épitres que sous la forme de quatrains, les deux modes d’expression puisant dans le même corpus de notes éparses. On a le même désordre en prose et en vers.
Dans ce cas, peut-on parler de contrefaçon ? Oui, dès lors que l’on publie quelque chose qui est de la plume de l’auteur mais qui n’est pas nécessairement destiné à publication et qui, de surcroit, est tout à fait incomplet : à la fois notes de lecture et observations de l’auteur se mélangeant. Or, c’est bien ce « canon » qui aura survécu à toute la production de Nostradamus, c'est-à-dire du brouillon, cela reléve d’une sorte de culte où tout ce qui émane de Nostradamus aurait valeur prophétique et serait recueilli religieusement, telle une relique.
De telles observations nous conduisent à un nouveau regard sur le statut posthume de Nostradamus. Seul un personnage doté d’une aura remarquable aurait pu donner lieu à une conservation aussi incongrue de ses « papiers ». Même les faussaires les plus maladroits et pressés n’auraient pu aboutir à un tel résultat. Rappelons qu’il est probable que Nostradamus aura traduit le texte latin de Savonarole et que c’est à ce titre que le dit texte lui est imputé et intégré au sein de la dite Préface à César. On sait aussi que Nostradamus a traduit la Paraphrase de Galien – il en est question dans sa correspondance- et que cette traduction sera publiée, non pas, pensons nous de son vivant mais avec certaines éditions des Centuries, prétendument chez le même libraire (Antoine du Rosne), avec la même vignette au titre, et aux mêmes années.(1557-1558), ce qui constitue un ensemble posthume plus complet que les seules centuries.
Le cas de l’Epitre à Henri II présente les mêmes stigmates de documents rassemblés après la mort d’un auteur. Là encore, des éléments dispersés : deux chronologies parallèles du monde, des données astronomiques dont on ne nous donne même pas l’année.Tout cela est à la fois redondant et lacunaire.
Et il faudrait probablement ajouter à cette collection posthume les Significations de l’éclipse avec ce fort emprunt mentionné à Leovitius qui se juxtapose fort mal à d’autres données. Ces significations qui sont incluses dans le Recueil des Présages Prosaïques, qui est aussi un ensemble posthume manuscrit –comme sa correspondance- mais qui a fait l’objet d’impressions du vivant de Nostradamus..
Nous serions là face à l’exercice d’un culte nostradamique dont on peut se demander s’il ne se suffisait pas à lui-même en tant que celébration d’un saint homme. L’existence d’une Vie de Nostradamus vient compléter l’ensemble, avec notamment l’épitaphe...
Cela dit, on ne saurait exclure que l’on ait par la suite fabriqué de fausses reliques et notamment des quatrains (et des sixains) qui n’auraient même plus été issus de sa « bibliothèque », à laquelle il renvoie dans son testament. Qui se chargea d’une telle besogne ? Le testament indique que Nostradamus n’était pas encore fixé à ce sujet, que l’on verra, que l’on avisera. On sait que parurent certains documents de par la diligence de Michel Nostradamus le Jeune, dont on peut penser qu’il fut le fils ainé de Nostradamus, disparu dans les années 1570. On a montré que ce personnage avait récupéré une série de prédictions de Panfilio Riccius dont il ne donne pas le nom et qu’il dit avoir retrouvé dans la bibliothèque de son père mais qu’il ne lui attribue pas.
On sait aussi que Jean Aimé de Chavigny, le « collecteur » du Janus Gallicus (1594) dans lequel figure le « Brief Discours sur la Vie de Michel Nostradamus », récupéra divers dossiers, sans oublier des personnages comme Jean de Chevigny et Jean Dorat. Et puis il y a aussi César de Nostredame, le dédicataire de la Préface aux premières centuries, qui n’avait que 13 ans à la mort de son père mais qui a certainement été de mèche dans les années 1580 avec certains protagonistes.
Il est assez clair que par la suite, l’on continuera à se référer à des documents inédits et ce jusque dans l’épitre de 1605 à Henri IV, ouvrant sur 58 sixains. Il y a certainement eu des interpolations consistant à retoucher certains quatrains voire en créer de nouveaux de toutes pièces. On pense notamment au quatrain IX, 86 qui est constitué de passages de la Guide des Chemins de France mais où la ville de Chastres (actuel Arpajon) est devenue Chartres, ce qui désigne la cathédrale du couronnement d’Henri IV en 1594.
Le contraste est saisissant, en tout cas, entre les textes que Nostradamus a réellement publiés en connaissance de cause et qui relèvent d’une réflexion sur des données astronomiques, liées à une datation rigoureuse et ceux qu’on lui attribue et qui, même s’ils ont été notés de sa propre main, ne sauraient constituer au départ une œuvre digne de ce nom.
Or, l’on sait à quel point la thèse posthume aura été combattu par les nostradamologues, universitaires ou non, au point de vouloir à tout prix valider les fausses éditions des centuries de 1555 et 1557, pour laisser entendre que Nostradamus avait publié ces textes de son vivant, ce qui revient à mettre sur le même pied ces deux séries de documents. On assiste donc à une contrefaçon consistant à antidater des pièces posthumes et dont la désorganisation ne fait sens, ne se conçoit, que parce qu’elles le sont.
L’édition Benoist Rigaud 1568 à 10 centuries et deux épitres, est certes posthume quant à la date mais elle ne se présente pas pour autant comme telle, comme si Nostradamus n’était pas encore mort alors. Elle contraste avec d’autres publications parue en cette même année 1568 et qui notent clairement le décès, ce qui montre qu’elle est bien plus tardive. Nous pensons qu’elle fut réalisée par des gens qui ignoraient la date de décès de Nostradamus (1566), tout comme au début du XVIIIe siècle, on ne savait plus à quelle date avait officié Pierre Rigaud, le fils de Benoist, en lui attribuant une édition datée de 1566, soit une trentaine d’années trop tôt.
En fait, il semble que Nostradamus soit passé par des extrêmes : tantôt il s’exprime trop clairement, comme dans ses almanachs au risque d’ailleurs d’être censuré, tantôt, il reconnait – c’est du moins ce qu’on lui fait dire- dans ses épitres centuriques, qu’il est abscons, ce qui est une façon de dire que le canon nostradamique est délibérément obscur et fouillis et non pas du fait que l’on aura voulu faire un ensemble d’un seul tenant à partir d’un matériau inconsistant et virtuellement irrécupérable, pour le moins « non finito », prôné par Michel Ange au XVe siècle. De fait, la lecture du canon centurique peut atteindre une sorte de fureur prophétique en fonction même de ses dissonances, « a work in progress »..


JHB
07. 02. 13
 
 
183 - Le dossier Nostradamus au prisme de Pascal et de Nietzsche.
Par Jacques Halbronn

Nous avons souvent pensé qu’il pouvait être aussi éclairant de rechercher des informations en aval qu’en amont, privilégiant volontiers une approche sociologique sur une approche historique, la première étant plus systématique et la seconde plus anecdotique et fragmentaire.[1]

Nous nous proposons ici d’éclairer l’aventure des centuries en établissant certaines comparaisons avec deux cas célèbres, celui de Blaise Pascal, au XVIIe siècle et celui de Friedrich Nietzsche, à la charnière du XXe siècle[2]. On ne peut avancer, en effet, sans une approche comparative, d’autant que quelque soit le siècle des situations semblables tendent à se représenter. Nous observerons à ce propos que certaines zones d’ombre du dossier Nostradamus peuvent être ainsi clarifiées, en ce qui concerne le traitement des papiers disponibles à la mort d’un auteur et le sort qui leur est dévolu par les proches. Nous aborderons donc successivement le cas Pascal et le cas Nietzsche ce qui sera l’occasion d’un certain sentiment de déjà par rapport à ce que nous avons précédemment développé autour de Nostradamus et de la dimension posthume occultée de ce que la postérité a retenu le concernant.

I Le cas Pascal

Pascal meurt en 1662, laissant derrière lui un grand nombre de papiers. En 1670, les premières éditions des Pensées paraissent, donc sept-huit ans après. Le titre complet est révélateur : Pensées de M. Pascal sur la religion et sur quelques autres sujets qui ont été trouvées après sa mort parmi ses papiers.
On trouve des intitulés comparables en 1568, un siècle plus tôt, autour de Nostradamus (cf. R. Benazra, RCN, p. 90, p. 97-98) au titre des ouvrages publiés à l’initiative de M. de Nostradamus le Jeune et autres variantes, qui ne se présentent d’ailleurs pas comme étant de Nostradamus mais « trouvés en sa bibliothèque ». On notera que parmi ces textes, on trouve une référence à l’Eclipse de Soleil de 1654[3]
Ces Pensées sont présentées comme ayant eu pour projet de constituer une « Apologie pour la vérité de la religion chrétienne », où est notamment exposé le fameux « pari de Pascal ».
Dans sa Préface figurant dès la première édition Etienne Périer, le fils de la sœur de Pascal écrit :
« Il prenait le premier morceau de papier qu’il trouvoit sous sa main sur lequel il mettoit sa pensée en peu de mots & fort souvent même à demi-mot car il ne l’écrivoit que pour lui & c’est pourquoi il se contentoit de le faire fort legerement pour ne pas se fatiguer l’esprit (..) C’est ainsi qu’il a fait la plupart des fragmens qu’on trouvera dans ce Recueil (…) On les trouva tous ensemble enfilez en diverses liasses mais sans aucun ordre, sans aucune suite (…)On fut fort longtemps sans penser du tout à les faire imprimer (..) Mais enfin on fut obligé de ceder à l’impatience & au grand désir que tout le monde temoignoit de les voir imprimés »
On peut tout à fait imaginer Michel de Nostredame procéder de la même façon et laisser à sa mort des papiers ainsi « enfilez en diverses liasses ». On notera la forme « à la supplication de plusieurs ont esté à tres grande diligence reveues & mises en lumière » dans le cas des éditons censées publiées par Nostradamus le Jeune », que l’on retrouve presque à l’identique à propos des Pensées de Pascal.
La sœur de Pascal, quant à elle, se chargea de rédiger une « Vie » de l’auteur, dans une approche nécrologique que l’on retrouve dans le Janus Gallicus, mais bien après la mort de Nostradamus, puisque n’étant paru qu’en, 1594 : Brief Discours sur la Vie de M. Michell de Nostredame ». On la trouve en tête des éditions des Pensées.
Le mot « Recueil » est utilisé par Etienne Périer et l’on rappellera que l’on a conservé de Nostradamus un manuscrit de ses publications annuelles intitulé Recueil des Présages Prosaïques
On s’accordait à l’époque pour reconnaitre que même si Pascal avait achevé son travail, il n’eut été accessible qu’à un petit nombre.



II Le cas Nietzsche

Michel Onfray ( La construction du surhomme ; Paris, Grasset, 2011, pp. 197, 324 et seq) rappelle le scandale du dernier livre dont Nietzsche serait l’auteur, La Volonté de Puissance, en s’appuyant notamment sur les travaux de Mazzino Montinaro, du fait des agissements de sa sœur Elisabeth Förster Nietzsche[4].. Le résumé qu’en donne Onfray pourrait en grande partie être repris pour Michel de Nostredame, à trois siècle d’intervalle :
La Volonté de puissance, écrit-il, est « un livre qui n’existe pas (..) et repose sur un faux grossier construit par sa sœur (…) qui rassemble des textes de Nietzsche auxquels elle ajoute des faux de sa main, des aphorismes tronqués, démembrés, des passages bien écrits de la main de son frère, mais qui sont des copies de citations d’auteurs (plus d’une vingtaine sont de Tolstoï et elles sont prises pour des affirmations de Nietzsche !) ou des notes de lecture, des morceaux sortis de leur contexte- le tout publié pour faire de l’argent et créer le culte de son frère qu’elle veut présenter en précurseur du national-socialisme (…) Nietzsche a bien projeté un livre qui se serait appelé La Volonté de Puissance. Mais les projets abondent dans les notes, les plans se succèdent (…) Des lettres écrites entre le 26 août et le 3 septembre témoignent clairement de l’abandon de ce projet (…) L’écriture du philosophe ne prouve pas qu’il s’agit bien de la pensée du philosophe : la preuve, une série de textes constitués par des prises de notes effectuées par Nietzsche lors de ses nombreuses et abondantes lectures. Ici ou là, une note manuscrite où se reconnaît la main du philosophe est… d’un écrivain ou d’un penseur inconnu (…) Et puis que dire de ces éditions d’un prétendu même livre sous un titre toujours identique depuis 1901, la première édition, La Volonté de puissance qui ici se constitue de 483 fragments, là de 1067, ailleurs de 696 ou bien encore de 491, à moins qu’il n’agisse d’une dernière forte de 2397 morceaux »
Il s’agit d’une sélection de cahiers de notes prises par Nietzsche au cours des années 1883 à 1888. La Volonté de Puissance a fait l’objet d’un grand nombre d’éditions et de commentaires, ce qui a permis notamment d’établir que des notes de lecture ont été prises de l’ouvrage Ma religion, de Tolstoï (1885)


Conclusion
Le cas de Nostradamus nous apparait en comparaison dans toute son étrangeté éditoriale puisque la dimension posthume des Centuries n’émerge que de façon assez marginale, comme dans le cas de l’épitre à Henri IV de 1605 ou dans les derniers paragraphes du « Brief Discours » déjà cité. On veut nous faire croire que dans le cas des Centuries, pour ce qui est des dix premières, celles-ci étaient parues du vivant de Nostradamus, avec éditions à l’appui. On pourrait, à titre de comparaison, imaginer que l’on nous présente des éditions des Pensées de Pascal censées parues de son vivant et de même pour la Volonté de Puissance de Nietzsche. On n’a pas osé, apparemment, se prêter à une telle supercherie.
Si le rôle de la famille est assez bien connu dans le cas de Pascal et de Nietzsche, il est assez mal défini concernant Nostradamus. Il y a certes Nostradamus le Jeune qui se présente comme publiant des pièces retrouvées, on l’a vu, dans la bibliothèque du défunt mais nombre de nostradamologues contestent qu’il ait pu être le fils de Michel de Nostredame. Il y a des «vies » de Nostradamus qui le présentent comme l’ainé de la fratrie et d’autres d’où son nom est absent. Quant au cas de César, qui est souvent campé comme l’ainé (né en 1553), une « préface » placée en tête des premières centuries, et datée de 1555, lui est dédiée sans que le dit César, par la suite, ne se soit mis en avant comme auteur de la Vie de Nostradamus ou comme préfacier des Centuries.
Les dites Centuries, à la différence des cas de Pascal et de Nietzsche ne nous sont pas connues par le biais de manuscrits mais uniquement d’imprimés[5].
On songe évidemment au rôle assez mal défini de César de Nostredame, fils de Michel Nosradamus, dédicataire supposé d’un ensemble posthume qui ne se reconnait pas ou plus comme tel.
Le choix même de la formule des « centuries » se prête, au vrai, assez bien pour un recueil de fragments. D’ailleurs les Pensées de Pascal firent immédiatement l’objet d’une table des matières avec indication permettant de retrouver tel ou tel thème, à l’instar de ce que l’on trouve dans le Janus Gallicus, sélection de quatrains collectée et commentée par Jean Aimé de Chavigny.
Tout comme pour les textes posthumes de Pascal et de Nietzsche- du moins pendant une partie du XXe siècle, les Centuries tendent à éclipser le reste de l’œuvre de Nostradamus. On pourrait en dire autant de l’Astrologia Gallicia de Jean Baptiste Morin, un astrologue contemporaine de Pascal, mort en 1656, et qui eut droit en 1660 à une « Vie » dont le privilège désigne les « héritiers » de l’auteur.
Actuellement, la thèse d’une parution posthume des Centuries semble devoir l’emporter, en raison de toutes sortes d’invraisemblances relevées. Mais l’on peut par ailleurs admettre que les dites Centuries ne sont pas des contrefaçons mais plutôt toutes sortes de notes prises par Nostradamus, reprises d’ailleurs dans le plus grand désordre dans les épitres en prose à César et à Henri II, sans que l’on ne puisse exclure toutes sortes d’additions et de retouches. Ces notes, comme il a été indiqué plus haut pour la Volonté de Puissance sont éparses, prises probablement à l’occasion de lectures puis carrément attribuées à Nostradamus lui-même. Comme il a été relevé, bien que le problème ne se pose guère puisque les manuscrits manquent, le fait que des notes aient pu être de la main même de Nostradamus ne prouverait de toute façon pas qu’elles soient l’expression de sa pensée.
On reste perplexe sur la fortune exceptionnelle de ces trois corpus posthumes, dont le caractère de collection de fragments est patent, dans chaque cas.Mais dans le cas des Centuries, l’existence d’éditions qui seraient parues dès les années 1550 constitue un cas de figure assez étonnant qui aura retardé considérablement l’intégration du corpus Nostradamus dans le genre posthume auquel, pourtant, selon nous, il appartient à part entière.
Les publications nostradamiques parues à la mort de Nostradamus et jusqu’au début des années 1570, sont marquées par l’évocation de la mort de Nostradamus, survenue en 1566, à l’exception d’ailleurs de l’édition 1568 des Centuries (Lyon, Benoist Rigaud). Il semble que deux écoles se soient entrecroisées, dans les décennies qui suivirent la mort de Nostradamus, et notamment sous la Ligue : l’une optant pour la version posthume et l’autre s’y refusant, l’une mettant en avant un fils, Michel, l’autre son frère César..
Il semble que dans un premier temps, il ne se soit agi que de rééditer le manuscrit intitulé Recueil des Présages Prosaïques[6] ou plutôt de le mettre en ordre, par le biais d’une sélection, agrémentée de commentaires. Cela donnera , en 1594, le Janus Gallicus, si l’on fait abstraction de l’addition de quatrains centuriques qui y restent minoritaires. Mais ce projet sera radicalement modifié en 1656 par Jean Giffré de Réchac avec son Eclaircissement des véritables quatrains de Maistre Michel Nostradamus,[7], ouvrage qui évacue les quatrains du dit manuscrit conservé actuellement à Lyon Part Dieu pour les remplacer par les « véritables quatrains » que seraient ceux des centuries..

JHB
14.02.13

[1] Cf Le texte prophétique en France. Ed. du Septentrion, 1999, Papes et prophéties, ed Axiome, 2005
[2] Sur cette périiode charnière, voir Le sionisme et ses avatars au tournant du XXe siècle, Ed . Ramkat, 2002,, sur Les Protocoles des Sages de Sion, prétendue transcription de débats
[3] Cf E. Labrousse, L’entrée de Saturne au Lion, Ed . Nijhoff, 1974
[4] « La volonté de puissance « n’existe pas / L’Eclat 1996
[5] Voir les fac simile des papiers de Pascal, Original des Pensées de Pascal, Présention de Leon Brunschwicg, Paris Hachette 1905
[6] Cf B. Chevignard, Présages de Nostradamus, Paris, Seuil, 1999 ; le second volume n’est pas sorti. Chavigny aurait envisagé une édition en 1589, du dit manuscrit dans son intégralité.
[7] Cf Giffré de Réchac et la naissance de la crtitique nostradamique au XVIIe siècle, EPHE 2007, en ligne sur propheties.it
 
184 - Nostradamus et Wikipedia en français et en anglais
Par Jacques Halbronn

Quelle valeur faut-il accorder aux notices (non signées) de Wikipedia consacrées à Nostradamus ? Les notices française et anglaise sont-elles compatibles, complémentaires ? Nous nous fondons sur l’état des notices au 14 mars 2013, à 19 heures, en France, sachant que leur contenu est susceptible d’évoluer d’un jour à l’autre.
Une des formules les plus étonnantes dans la mouture actuellement en ligne concerne l’édition Macé Bonhomme 1555 dont on nous dit qu’elle est constituée de « prédictions perpétuelles », sur la base d’un passage de la Préface à César annonçant de « perpétuelles vaticinations ».
Wikipedia : « il publie des prédictions perpétuelles (et donc en théorie, selon l'usage de l'époque, cycliques)[ dans un ouvrage de plus grande envergure et presque sans dates ciblées, publié par l’imprimeur lyonnais Macé (Matthieu) Bonhomme. Ce sont les Prophéties, l'ouvrage qui fait l'essentiel de sa gloire auprès de la postérité. »
Tel serait donc l’aboutissement actuel de la dite notice. Il suffit que figure dans le corps de la préface la mention de « vaticinations perpétuelles » pour que la formule soit associée aux « Prophéties ».
C’est ne pas être conscient de l’état disparate de la dite Préface. Nous avons montré récemment que les 177 années de la préface à César viennent d’une mention fautive de 17 ans – qui deviennent 177 ans - dans le Traité des causes secondes de Trithème. Attribuer à Nostradamus cette préface nous semble bien risqué. Quant à croire que les Centuries qui suivent la Préface sont des « vaticinations perpétuelles » parce que cette formue figure dans la dite Préface nous semble tout aussi hasardeux d’autant que ce genre exige un cadre chronologique qui n’existe pas dans les Centuries.
Quant à laisser entendre que les Prophéties seraient parus du vivant de Nostradamus, cela eut mérité également une grande prudence, étant donné les éléments caractéristiques d’un texte posthume de la dite Epitre. Tout au plus, pourrait-on dire que le texte a été rédigé en 1555 mais certainement pas qu’il serait paru à cette date, ce qui est le propre de toute forme de testament.
Si l’on passe à l’article Nostradamus, en anglais, sur Wikipedia, l’on ne retrouve pas une telle mention des « prédictions perpétuelles » mais alors que la version française considérait comme douteuse la possibilité d’une édition du second volet en 1558, date de l’épitre à Henri II, la version anglaise, a contrario, indique cette édition 1558 comme un fait, du fait évidemment de la date de l’épitre au roi.
Un passage retient notre attention ‘en ce qu’il se réfère à l’almanach pour 1562 et à l’emprisonnement de l’’année précédente :
“Some accounts of Nostradamus's life state that he was afraid of being persecuted for heresy by the Inquisition, but neither prophecy nor astrology fell in this bracket, and he would have been in danger only if he had practiced magic to support them. In fact, his relationship with the Church was always excellent. His brief imprisonment at Marignane in late 1561 came about purely because he had published his 1562 almanac without the prior permission of a bishop, contrary to a recent royal decree”””
Certes, l’édit d’Orléans de 1560 exigeait-il le contrôle préalable d’un évêque pour la parution d’un almanach. Mais telle n’est pas la raison de cette sanction. Il convient de se référer aux textes pour comprendre de quoi il retourne.
On connait une édition imprimée de cet « Almanach Nouveau » et un manuscrit de dit almanach. Force est de constater que l’imprimé est largement expurgé d’un long développement relatif à l’avènement de l’Antéchrist au cours de la décennie. On connait aussi ce texte par sa traduction italienne qui fit l’obet de pluisieurs éditions imprimées. Une telle censure aura eu comme effet d’occulter tout un pan prophétique de la production nostradamique, à base de considérations sur les éclipses et notamment celle d’avril 1567 dont on trouve un écho dans certains quatrains comportant le mot « macelin » en notant que ces textes de 1561 sont adressés au pape Pie IV.
Que l’on juge par la présentation des Centuries :
Nostradamus “began his project of writing a book of one thousand mainly French quatrains which constitute the largely undated prophecies for which he is most famous today. Feeling vulnerable to opposition on religious grounds[ however, he devised a method of obscuring his meaning by using "Virgilianized" syntax, word games and a mixture of other languages such as Greek, Italian, Latin, and Provençal. For technical reasons connected with their publication in three installments (the publisher of the third and last installment seems to have been unwilling to start it in the middle of a "Century," or book of 100 verses), the last fifty-eight quatrains of the seventh "
On essaie de nous faire croire que Nostradamus avait dès le départ le “projet” de publier 1000 quatrains. Il y a bien sûr le cas de la centurie VII qui est « incompléte » et qui ne dépasse pas les 42 « articles ». On sera passé ensuite à la VIIIe centurie. En réalité, il n’y a jamais eu un tel projet chez Nostradamus de « prophéties non datées » ( !). A sa mort, on aura retrouvé des notes éparses que l’on aura décidé de classer sous forme de centuries, ce qui n’est qu’un mode de présentation commode et qui doit normalement être accompagné d’un index qui ne figure pas dans les éditions connues.
La version anglaise signale diverses sources dans lesquelles les Centuries auraient puisé mais précisément, l’examen de celle-ci montre bien qu’il ne s’agit pas là d’un projet prophétique mais de notes de lecture n’ayant pas vocation à paraitre. Ceux qui mirent en évidence ces sources furent les premiers à s’étonner de la mention d’événements déjà passés du temps de Nostradamus..
Il semble bien que les auteurs de ces articles Wikipedia ne connaissent que les éditions des centuries et aucunement les autres pièces du corpus. Les références bibliographiques fournies ne garantissent aucunement que les ouvrages aient été pris en compte dans le corps de l’ouvrage. C’est d’ailleurs le probléme de cette formule : souvent la bibliographie, complétée par les uns et les autres va bien au-delà du niveau de la rédaction de l’article. On y cite notamment nos travaux académiques mais sans plus. Les rédacteurs semblent bien incapables de suivre le débat sur l’authenticité des éditions. Dans l’édition française, on se contente d’indiquer que nos positions quant au caractère de contrefaçon antidatée des éditions sont très peu « suivies » chez les spécialistes, ce qui est un jugement de seconde ou de troisiéme main. Il ne semble pas que le niveau scientifique de ces articles soit très élevé- c’est un travail d’amateurs- et l’on se demande si c’est là une exception ou non dans le cas des articles Wikipedia. Nous avons essayé de signaler l’existence des Halbronn’s researches mais cela a été censuré.

JHB
14.03. 13
 
185 - La question des éditions additionnelles des Centuries
par Jacques Halbronn

Roger Chartier, professeur au Collége de France, dans son étude des éditions successives
des Essais de Montaigne signale la pratique des additions en vue de prolonger les priviléges des libraires. Cela aurait été également le cas des éditions de Rabelais. En revanche, Chartier ne signale pas le cas des Centuries nostradamiques, ce qui peut sembler étrange car on a là un cas assez emblématique.
Si l'on rebondit sur les observations de Roger Chartier, l'on est conduit à observer la succession des éditions des "Prophéties", à la fin du XVIe siècle - donc à une période contemporaine de la publications des éditions successives des Essais de Montaigne- sous un nouvel angle que nous n'avions pas envisagé jusques à présent.
Selon Chartier, la réglementation en vigueur exigeait pour que les droits d'un privilége se prolongeassent, qu'une augmentation susbstantielle du volume de l'ouvrage fût intervenue. Dans le cas des Centuries, force est de constater deux périodes addditionnelles, la première qui conduit à passer de 4 à 7 centuries - mais l'on pourrait évidemment affiner le découpage en nous arrêtant à un ensemble de six centuries, augmenté par la suite de quelques dizaines de quatrains (VIIe centurie) et la seconde qui conduit à passer de 7 à 10 centuries, avec une épitre supplémentaire adressée à Henri II et datée de 1558.
Si l'on s'en tient aux informations fournies par Roger Chartier - et nous n'entrerons pas ici sur les délais et les volumes prévus- l'on peut penser que l'on aura voulu prolonger un premier privilége d'édition accordé au début des années 1580 et ayant un statut posthume par des centuries supplémentaires aboutissant à une amplification du "premier volet" correspondant aux exigences liées à la prolongation du privilége. Cela pourrait recouper la période de la fin des années 1580 et du début des années 1590, avec un passage progressif à 7 centuries.
Puis, dans un troisiéme temps, toujours pour préserver les droits d'édition, l'on aura ajouté un second volet qui est en fait un troisiéme temps majeur. Le passage du premier au deuxiéme temps n'a pas occasionné une épitre de plus(on en reste à la préface à César datée de 1555) à la différence du passage du deuxiéme au troisiéme temps, pour des raisons qui sont probablement assez aléatoires.
Quelles conclusions tirer de ces réflexions? Elles viennent, au vrai, renforcer la thèse de la production de contrefaçons,du moins pour le deuxiéme et le troisiéme temps. Un quatriéme temps correspondrait à l'adjonction de sixains et d'une épitre de 1605 à Henri IV.
La thèse selon laquelle on aurait successivement retrouvé des papiers supplémentaires de Nostradamus semble dès lors moins concevable que celle d'un production ad hoc, liée à des nécessités dues à la réglementation de l'édition.
Revenons sur les points suivants:
1 il semble exclus que l'édition augmentée à 7 centuries ait suivi l'édition à 4 centuries, à trois ans d'intervalle vu que le délai de prolongement du privilège dépasse largement cette durée, selon ce que note Roger Chartier
2 l'étude des titres des éditions prend une autre tournure dans cette nouvelle approche du sujet:
A on a une édition sans marque d'addition au titre, dans le genre Macé Bonhomme 1555.Si dès le départ, on avait prévu une suite, on l'aurait indiqué (cf notre analyse du corpus de l'Aureum Vellus et des additions successives, parue dans la Revue Française d'Histoire du Livre 2012)
B Le titre des éditions à 7 centuries est le suivant:
Les prophéties (..) dont il y en a trois cens qui n'ont encores iamais esté imprimées
ce qui fait directement écho à la réglementation
C LE titre du second volet va dans le même sens:
Les prophéties (..)Centuries VIII. IX. X qui n'ont encore iamais esté imprimées
C'est ce critère du "encore jamais imprimé" qui est déterminant pour la prorogation des privilèges de librairie et qui a d'ailleurs encouragé de facto la production de contrefaçons prétendument dues au même auteur.
Si l'on étudie les intitulés des éditions des Essais de Michel Seigneur de Montaigne
nous trouvons des formules assez proches dans celles réalisées à Paris par Abel L'Angelier. L'édition de 1588 comporte "Cinquieme édition augmentée d'un troisiemse livre et de six cens additions aux deux premiers. Le privilége de 1594 pour l'éditin Angelier de 1595 mentionne " reveuz & augmentez de plus dutiers par le mesme autheur" et a pour titre "Edition nouvelle trouvée après le décez de l'autheur (..)augmentez de plus du tiers plus qu'aux précédentes impressions"
Quant aux éditions successives de Rabelais, l'on note que les deux premiers livres ne sont pas signés de Rabelais mais d'un anagramme Alcofribas (Nasier) et ne sont pas numérotés. On passe ensuite au Tiers Livre, au Quart Livre, au Cinquiesme Livre, cette fois portant le nom de Rabelais. Ce dernier a fait l'objet d'un débat quant à son authenticité. Il semble qu'actuellement, cette attribution ne soit plus guère remise en cause (notamment depuis les travaux de Mireille Huchon). On notera que le "Prologue du Quart Livre Pantagruel"[1548] comporte une vignette fort proche de celle des pronostications de Nostradamus et de celle des faux almanachs Barbe Regnault qui serviront pour orner les pages de titre des édtions centuriques antidatées (1555, 1557) (cf reproduction in ed de la Bibliothèque de la Pléiade, p.713, intr. et notes Mireille Huchon Paris, Gallimard, 1994

JHB
25. 04. 2013
 
186 - La question des brouillons chez Nostradamus et chez Rabelais
par Jacques Halbronn


Citons ce passage de Mireille Huchon (in Rabelais grammairien. De l'histoire du texte aux problèmes d'authenticité, Genéve, Droz, 1981, pp. 488-489):
"Il existait donc deux séries de brouillons sans rapport l'une avec l'autre. La première, c'est à dire les seize premiers chapitres du Cinquiesme Livre et le chapitre des Apedeftes vraisemblablement d'une autre écriture est hétérogéne et correspondait à un premier essai de navigation utilisant les données de l'actualité et à une suite de la première rédaction du Quart Livre. (...)L'éditeur du Cinquiesme Livre et le copiste du manuscrit en plus de ces brouillons se rapportant au Tiers Livre, composé de la première version du prologue et du voyage que Rabelais avait initialement projeté à la fin de cet ouvrage (..)Les éditeurs n'ont pas voulu abuser le public en lui présentant un livre qui ne serait pas de l'auteur : ils l'ont néanmoins fait en faisant prendre pour un Ve Livre ce qui n'était que des brouillons des livres antérieurs ou des notes de lecture qu'ils ont eu le plus souvent la plus grande peine du monde à déchiffrer. Ils ont pourtant généralement été fidéles à la lettre et ne sont intervenus que lorsqu'un texte rappelait trop manifestement les livres déjà publiés (..) Il n'en reste pas moins que le Ve Livre n'a jamais existé en tant que tel dans l'esprit de l'auteur : ce n'est qu'un montage et l'une des plus extraordinaires supercheries de l'histoire littéraire"
Nous regrettons de ne pas avoir invité Mireille Huchon dans nos jurys de thèse de 1999 (thèse d'Etat) et de 2007 (Post Doctorat).En effet, son travail vient corroborer celui que nous avons entrepris sur une autre supercherie littéraire, à savoir les Centuries de Nostradamus, à peu près à la même époque.
La thèse des brouillons nous apparait en effet comme extrémement séduisante et se préter idéalement au travail de contrefaçon, avec son subtil mélange d'authenticité et de falsification.
On peut, en effet, considérer tout le processus centurique comme une mise en ordre de brouillons et de notes (ce qui est aussi à rapprocher des Pensées de Pascal, à la fin du XVIIe siècle) à cette différence près que Pascal avait envisagé de publier un ouvrage resté inachevé alors que les Centuries ne correspondent même pas réellement à un projet de Michel de Nostredame. La forme centurique n'est d'ailleurs; en son principe, qu'un mode de classement de papiers épars; généralement accompagné d'un index, comme dans le Janus Gallicus (1594)Mais cela vaut non seulement pour les quatrains mais aussi pour les épitres dont nous avons montré dans de précédentes études qu'il s'agissait de juxtapositions de notes prises à des époques différentes et constituant un ensemble singulièrement disparate, tant dans le cas de la Préface à César que dans celui de l'Epître à Henri II. Mais il faudrait également ajouter des quatrains réalisés à partir de certains brouillons d'almanachs, comme celui consacré à l'an 1562 avec la mention du mot "macelin" ( à partir de Marcellin, personage lié à l'éclipse d'avril 1567)
En fait, la recette suivie est la même pour le corpus rabelaisien et le corpus nostradamien et il n'est pas interdit de penser qu'il puisse y avoir une influence d'une telle "méthode" d'un corpus vers l'autre.
Nous avons signalé la présence au "Prologue du Quart Livre Pantagruel"d'une vignette qui ressemble assez fortement à celle qui est utilisée pour les éditions antidatées de 1555 et 1557.(reproduit en fac simile dans l'édition de la Pléiade,1994,p. 714, édition de M. Huchon) avec un personnage assis à son étude, la plume à la main.
La récupération de ces divers brouillons explique les "plagiats" qui ne seraient que des notes de lecture, les récits de périodes antérieures qui ne font guère sens pour des prophéties et toutes sortes d'incongruités. Cela dit, on ne saurait ignorer par ailleurs les interpolations, les quatrains retouchés du fait de la pression de l'actualité. On pense notamment au quatrain qui change Chastres en Chartres pour correspondre au couronnement d'Henri IV au début de 1594 et qui est emprunté à la Guide des Chemins de France de Charles Estienne.
Mais ce qui caractérise assurément la contrefaçon nostradamique c'est bien l'antidatation qui conduit, de fil en aiguille, à produire des éditions non plus posthumes - ce qui serait logique- mais censées parues du vivant même de Nostradamus.

JHB
25.04.13
 

 
187 - L'influence de Rabelais sur Nostradamus
par Jacques Halbronn

La comparaison de la vignette du Prologue du Quart Livre de Pantagruel avec celle des Pronostications de Nostradamus fait apparaitre une certaine analogie. D'ailleurs la dite vignette est décrite par Jean Plattard, auteur d'une étude sur l'édition "partielle" (Lyon 1548), Paris, Champion, 1910 : "une vignette représentant un homme assis à son pupitre et écrivant". En comparaison, les éditions des "Prophéties" (Macé Bonhomme 1555, Antoine du Rosne, 1557) comportent une vignette sensiblement différente et notamment sans pupitre, le personnage étant placé devant une table.(cf les illustrations ci- dessous)
Il convient de rapprocher le Quart Livre de la Pantagruéline Pronostication laquelle se réfère explicitement en son titre à l'an 1547 et qui est une satire du genre. Ce texte se place à la fin d'un ensemble constitué notamment par les deux premiers livres et est suivie de la formule " Fin de l'horrible et merveilleuse histoire du preux (...) Chevalier Pantagruel". Le quart livre appartient donc à une addition au premier "volet", ce qui n'est pas sans évoquer la structure du canon centurique. Le Prologue évoque d'ailleurs une "Lune renouvelée", ce qui renvoie à des considérations astrologiques.
On a donc là une période 1547-1548 qui semble avoir marqué la démarche de Nostradamus et/ou de son entourage. Par la suite, cette vignette disparaitra des éditions des années 1552, 1553 et suivantes pour être remplacée par un nouveau Prologue. Mais elle figure encore dans la première édition des deux volets, note Plattard alors qu'initialement le quart livre était paru séparément (sur le Quart Livre, cf. la récente étude de Tristan Vigliano) On notera aussi que la formule "noble Pantagruel" est remplacée, par la suite, par "bon Pantagruel"
Par la suite, cette vignette de la Pronostication sera modifiée pour illutrer les almanachs parisiennes Barbe Regnault comportent une compilation des quatrains des almanachs de Nostradamus, au début des années 1560. Cette nouvelle vignette, représentant toujours un personnage à son étude mais avec un mobilier sensiblement différent, sera reprise à la fin du siècle pour les pages de titre des contrefaçons mises au compte de Macé Bonhomme (1555) et d'Antoine du Rosne (1557), lesquelles vignettes, si elles étaient alors parues, auraient cohabité avec celles des pronostications de Nostradamus, au dessin sensiblement différent.
Nous avions déjà, par le passé, envisagé une influence de certaines vignettes sur l'iconographie de la pronostication nostradamienne mais nous n'avions pas remarqué le cas de la vignette du Prologue du Quart Livre de Pantagruel avant de trouver celle-ci reproduite dans l'édition de la Pléiade, présentée par Mireille Huchon. Il ne semble pas qu'un tel rapprochement ait jamais été exprimé. Il existe d'ailleurs une mise en page différente de la première page du Prologue d'une édition à l'autre. Mais une telle vignette ne figure plus à partir des années 1550 dans la publication rabelaisienne.
On sait que Rabelais avait publié des almanachs ", stricto sensu, par ailleurs sous divers pseudonymes comme les anagrammes Calbarsy et Alcofribas Nasier et qu'il était passé comme Michel de Nostredame par des études de médecine à Montpellier.
Nous rappellerons certaines similitudes, déjà signalées, concernant la question des éditions augmentées qui semble bien être un trait commun à la production parue sous le nom de Rabelais comme sous celui de Nostradamus. Ce sont des productions à rallonge et à supplément qui, comme le note Roger Chartier, auraient été nécessaires pour perpétuer la durée des privilèges de libraires.
En ce qui concerne les convergences entre Rabelais et Nostradamus, on notera que Nostradamus s’en prend à ses « détracteurs » (au titre des Significatioins de l’eclipse de 1559), ce qui correspond aux « calomniateurs », auxquels réplique Rabelais.
Par ailleurs, on rappellera que le Janus Gallicus entend couvrir une période qui débute en 1534 , ce qui appartient à la décennie durant laquelles commence à paraitre la série Gargantua-Pantagruel. Certains quatrains centuriques couvrent une période sensiblement antérieure aux années 1550.

JHB
28. 04. 13
 
188 - Nostradamus : contrefaçon et plagiat
par Jacques Halbronn, Docteur es Lettres

On connait le cas des Protocoles des Sages de Sion (cf notre travail, Ed Ramkat, 2002) et le plagiat à partir d'un ouvrage de Maurice Joly. Dans le cas des contrefaçons nostradamiques antidatées, d'aucuns sont interloqués par la finition des ouvrages et le fait qu'on y trouve des éléments qui leur confèrent une apparence d'authenticité, parce que précisément on les retrouve dans d'autres ouvrages de la même époque, chez les mêmes éditeurs.(lettrines, bandeaux, présentation etc).
Or, pour nous on est là face à un phénomène de plagiat non pas du texte mais de la matérialité du livre. Emprunter les habits de quelqu'un relèverait ainsi, selon nous, du plagiat, tout comme récupérer des données matérielles de toutes sortes, ce qui ne peut que prêter à confusion. Car plagier, c'est délibérément générer de la confusion. On fait du faux avec du vrai.
Mais normalement, quand on plagie, on ne cite pas ses sources.
Cependant, quand on veut s'emparer de l'identité de quelqu'un, se faire passer pour lui, ne s'agit-il pas aussi d'une forme de plagiat? C"est dire que l'on ne saurait définir un plagiat par l'occultation de celui auquel il est emprunté. On peut parler de substitution et d'imposture, au sens de prendre la place d'autrui. On se donne les apparences d'un autre et de ce fait on lui attribue des actions qui ne sont pas de son fait.
C'est exactement ce qui s'est passé dans le cas du "plagiat" à l'encontre du libraire lyonnais Macé Bonhomme que l'on crédite ainsi d'avoir publié en 1555 les "Prophéties" de Nostradamus, libraire dont la production fut par ailleurs considérable. Le choix de ce libraire a déjà été abordé. On songe au fait qu'il avait publié à la même époque, dans les années 1550, des "centuries" de Guillaume de la Perrière. On notera toutefois que Bonhomme avait coutume de placer le même motifs sur la page de titre de toute sa production. Or, dans le cas des Prophéties, il s'agit d'une vignette qui n'aurait été utilisée par ce librairie qu'à cette seule occasion et que l'on retrouve, un peu plus tard, en 1557, dans la production d'un autre libraire, Antoine du Rosne, sensiblement moins connu. Il s'agit là encore d'une contrefaçon antidatée mais se référant à un libraire ayant exercé à la date indiquée, ce qui est de bonne guerre. Ce même libraire se voit, en outre, crédité de la publication de la traduction par Nostradamus de la Paraphrase de Galien, avec un même type de vignette. Or, cette vignette diffère sensiblement de celle qui figure au titre des Pronostications de Nostradamus, parues au cours des mêmes années. Alors que dans ces Pronostications, l'auteur est placé devant un pupitre, dans les Prophéties, il est assis à une table..Comment expliquer une telle maladresse de la part des faussaires? Cela tient au fait qu'au début des années 1560 vont circuler des éditions pirates des almanachs de Nostradamus comportant la dite vignette. On peut raisonnablement supposer que les faussaires- donc après ces années 1560- ont cru que ces almanachs étaient authentiques et pouvaient leur servir de modèle. C"est l'histoire de l'arroseur arrosé, du faussaire victime d'un précédent faussaire, tout comme un plagiaire pourrait être piégé, victime du plagiat de son modèle. On sait que la meilleure façon de coincer un faussaire, c'est quand il reprend à son compte l'erreur de celui qu'il entend imiter.
Or, quelque part, Nostradamus était lui-même un plagiaire d'un type assez particulier. Divers chercheurs ont signalé certaines sources des quatrains mais aussi de la Préface à César. Entendons par là que Nostradamus recopiait certains passages d'ouvrages qui lui passaient entre les mains mais sans aucunement l'intention de les publier tels quels car la thèse d'une publication posthume semble avérée, comme ce fut le cas pour le" Cinquiesme Livre" de la série pantagruélienne de Rabelais. On peut ainsi parler, avec Gilles Polizzi, de patchwork dont on ne saurait attribuer le mérite à Nostradamus. Dans ce cas, toute bibliothèque forme un patchwork. La thèse des brouillons semble la plus crédible. Prenant exemple sur ce qui se passa pour Rabelais, on peut penser qu'on aura voulu procéder de même pour Nostradamus pour des raisons purement pécuniaires, ne serait-ce que pour prolonger quelque "privilège", selon la thèse de Roger Chartier.
Que l'on ait élaboré un tel projet pour une publication posthume passe encore mais que l'on ait voulu faire croire que Nostradamus ait de son vivant (il ne décède qu'en 1566) fait paraître un ensemble aussi hétéroclite, dès 1555, échappe à toute vraisemblance.
Et pourtant, on trouve encore de nombreux spécialistes du XVIe siècle qui continuent à soutenir mordicus que Macé Bonhomme, pour ne citer que lui, a bien fait paraître en 1555, 453 quatrains de Nostradamus, distribués en 4 centuries et introduits par une préface à son fils daté de cette même année 1555. Le fait que l'on ait retrouvé dans les années 1580 un exemplaire de cette édition (cf le fac simile de Robert Benazra, à partir de l'exemplaire de la Bibliothèque Municipale d'Albi et l'édition critique de P. Brind'amour, Droz, 1996) aura conféré une certaine légitimité à cette publication datée de 1555.

JHB
29. 04.13
 
189 - De la Pantagruéline Prognostication de Rabelais à la Pronostication Nouvelle de Nostradamus
Par Jacques Halbronn

Dans un précédent texte, nous avions fait signalé la présence d’une vignette dans l’édition de 1548, en tête du Prologue Pantagruel. Mais cette même vignette figure sur la page de titre de la Pantagruéline Prognostication pour 1537, que reproduit Patrice Guinard (CORPUS NOSTRADAMUS 53 –« Les éditions de l'œuvre rabelaisienne pour servir à la compréhension de celles de Nostradamus ») sans faire de rapprochement avec la vignette de la Pronostication Nouvelle de Nostradamus. (cf. notre développement dans Le Texte Prophétique en France, Ed. du Septentrion, 1999, pp 955 -963) lequel n’en effectue pas moins un certain parallèle formel:
« Cette étude comparative entre deux géants de l'écriture française au XVIe siècle, tous deux médecins, lesquels se sont croisés au début des années 30 à la faculté de médecine de Montpellier et ont œuvré à vingt ans d'intervalle, a pour intérêt de montrer que des problématiques, des interrogations, et des suspicions comparables touchent l'édition et la parution de leurs ouvrages respectifs. Je me réfère principalement à la volumineuse étude de Stephen Rawles et Michael Screech parue chez Droz en 1987 (New Rabelais Bibliography, abrégée NRB). Le nombre d'éditions recensées des œuvres rabelaisiennes et pseudo-rabelaisiennes (148), de 1531 à 1626, est comparable à celui des œuvres nostradamiennes et pseudo-nostradamiennes pour une période équivalente et décalée de vingt ans. Les Prophéties à elles seules seront imprimées plus de 75 fois entre 1555 et 1650. »
C’est probablement la vignette de 1537 qui aura pu jouer un rôle de matrice iconographique pour la Prognostication Nouvelle de Nostradamus (pour 1555, 1557, 1558 notamment) et non sa reprise dans le Prologue Pantagruel du Quart Livre ( cf M. Screech, « Rabelais », Ed. Gallimard, 1979, pp 379-407)
A propos des diverses éditions de la Pantagruéline Prognostication, l’on notera que l’année concernée a été retouchée à plusieurs reprises, alors même que le texte reste le même. Dans l’édition de 1548, la dite Pantagruéline Prognostication met en avant l’année 1547 (cf l’exemplaire de la BNF, Réserve)
Guinard évoque le débat entre spécialistes de Rabelais : ». Les partisans d'un texte apocryphe s'opposent à ceux d'un texte authentique en son entier ou en partie, sans que la question ait pu faire l'objet d'un réel consensus. Une problématique comparable enveloppe les trois dernières centuries des Prophéties, encore qu'elles ont été publiées seulement deux ans après sa mort, avec une épître datée de 1558 qui renverrait à une édition perdue parue à cette date, et chez un éditeur très connu, Benoist Rigaud, contrairement aux premières éditions du Cinquième Livre de Rabelais parues sans indication du lieu. Le caractère supposé posthume du second livre des Prophéties, au prétexte qu'aucun exemplaire de ou des éditions de 1558 n'a été retrouvé, a conduit un Bruno Petey-Girard à l'exclure de son édition Flammarion en 2003 ».


Il y a certainement quelque enseignement à tirer de la comparaison entre ces deux corpus qui se font suite. Guinard conclut :
« Ainsi de faux Rabelais circulaient sous son nom ou sous son pseudonyme de son vivant et après sa mort, tout comme des contrefaçons des almanachs, pronostications et prophéties circulaient sous le nom de Nostradamus dès 1556. Et l'imposteur Mi. de Nostradamus, qui se prétend son fils et qui a piégé de nombreux commentateurs et bibliographes (cf. encore un Michel Chomarat en 1990, p.33), fait paraître une Prognostication pour l'an 1565 "calculée sus l'Orizon de Paris" avant la mort de l'astrophile provençal. »
Mais selon nous, il aura fallu attendre les années 1580 pour que les Centuries voient le jour. Comme nous l’avons exprimé, dans un texte précédent, l’ exemple des éditions du corpus Rabelais a pu inspirer les faussaires du corpus centurique. Mais on ne saurait exclure que la Prognostication Nouvelle ait pu s’inspirer, au moins sur le plan iconographiqu, point négligé par Guinard, de l’édition 1537 de la Pantagruéline Prognostication. Le personnage devant son pupitre figure sous une forme moins semblable au frontispice d’une autre édition de la Pantagruéline Prognostication, que l’on peut retrouver dans le Kalendrier et Compost des Bergiers mais c’est bien la version 1537 qui nous apparait comme étrangement semblable à celle de la Prognostication Nouvelle.
En revanche, la vignette des éditions centuriques Antoine du Rosne pourrait trouver son origine dans la « Pronostication nouvelle de Jean Sconnners » , parue chez le même Antoine Du Rosne en 1558.(cf « Nostradamus et son siècle, exceptionnel ensemble d’éditions des Prophéties et des Pronostications 1555-1591 », Intr. M. Scognamillo,, Paris, Librairie Thomas Scheler, 2010 p. 32)
On ne saurait aucunement négliger, selon nous, le témoignage iconographique. Nous proposerons donc un lien Pantagruéline Pronostication- Pronostication Nouvelle de Nostradamus et parallèlement un lien Pronostication Nouvelle Sconners- éditions centuriques antidatées 1555 et 1557.

JHB
05. 05.13
 

190 - Iconographie Rabelais

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Updated Tuesday, 07 April 2015

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