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                        31 - Le double sens du mot centurie dans 
                        les éditions parisiennes de la Ligue 
                        
                        Dans les éditions parisiennes de la Ligue, 
                        la centurie VII ne comporte que (cf. Benazra, RCN, pp. 
                        118 et seq), des quatrains des almanachs. Comme le note 
                        R. Benazra : 
                        
                        « Prophéties de M. Nostradamus adioustées 
                        nouvellement. Centurie septiesme.(…) Dans cette Centurie 
                        , on a inséré 12 quatrains qui n’’en ont jamais fait 
                        partie. ». Sauf en ce qui concerne le premier, 
                        ajoute-t-il, ce « sont ceux qui devaient être publiés 
                        comme présages pour l’almanach pour 1561. ». 
                         
                        
                        Pourquoi avoir classés ces quatrains 
                        d’almanach sous le titre de « centurie »  et pourquoi 
                        cette « centurie » ne comporte que 12 quatrains, ce qui 
                        correspond au nombre de quatrains figurant dans chaque 
                        almanach (certains almanachs ayant droit à un quatrain 
                        supplémentaire pour l’année) ? 
                        
                        Selon nous, deux acceptions du mot « centurie » 
                        s’entrechoquent ici. Il semble bien que les quatrains 
                        des almanachs de Nostradamus aient été réédités sous la 
                        forme de « dix centuries » (cf. la 
                        Bibliothèque 
                        de Du Verdier, 1584) et que les éditeurs des éditions 
                        parisiennes des « Prophéties » en aient repris la série 
                        pour l’année 1561 (année qui par ailleurs figure au 
                        titre)/ 
                        
                        On a longtemps cru que la mention des 
                        centuries dans la dit Bibliothèque 
                        témoignait de l’existence dès cette époque des 
                        « Centuries » au sens qui sera en vigueur à partir de la 
                        fin du XVIe siècle. Mais, selon nous, la référence ne 
                        visait que les quatrains des almanachs qui furent la 
                        première étape d’un revival nostradamique. Et d’ailleurs, 
                        si une telle parution des quatrains des almanachs 
                        n’avait pas eu lieu, on se demande comment les éditeurs 
                        parisiens des années 1588-1589 auraient pu les 
                        reproduire. 
                        
                        En fait, selon nous, la première 
                        acception, dans le contexte nostradamique, du mot « centurie » 
                        s’appliquait aux « présages », nom sous lequel seront 
                        par la suite désignés les quatrains des almanachs, 
                        lesquels présages continueront figurer au xVIIe siècle, 
                        dans les éditions troyennes notamment. 
                        
                        Cela n’aurait été que dans un second 
                        temps, que l’on aurait fait paraitre sous le même terme 
                        de « centurie » de tout autres quatrains, en 
                        remplacement des premiers et en nombre bien plus 
                        considérable prenant cette fois le terme centurie comme 
                        désignant cent quatrains. 
                        
                        Et encore, faut-il préciser, qu’il 
                        s’agissait au départ d’une série de 349 quatrains pas 
                        encore classés en centuries (cf. l’édition Rouen du 
                        Petit Val, 1588, non pas en son titre mais en son 
                        contenu, tel que décrit par D. Ruzo dans son Testament de Nostradamus 
                        (1982)/ 
                        
                        L’idée de présenter les dits quatrains 
                        d’un nouveau genre regroupés en centuries fit son chemin. 
                        Mais encore faut-il préciser que la quatrième « centurie » 
                        ne comprenait que 49 quatrains, ce qui montre bien que 
                        le terme centurie ne désignait pas nécessairement une 
                        série de 100 quatrains. La pseudo édition Macé Bonhomme, 
                        quant à elle, se termine par une quatrième centurie à 53 
                        quatrains. Idem pour la pseudo édition Antoine du Rosne 
                        1557, avec une centurie VII à 40 quatrains (exemplaire 
                        Budapest) et à 42 quatrains (exemplaire Utrecht). 
                        
                        En conclusion, nous dirons que les 
                        éditions parisiennes constituent un chainon manquant 
                        entre les deux acceptions des centuries dans la mesure 
                        où le mot « centurie » désigne tantôt une série de 
                        nouveaux quatrains, tantôt une série de « présages ». 
                        Par la suite, le lien entre centuries et « présages » 
                        d’almanachs ne sera plus attesté. Mais les éditions du 
                        XVIIe siècle (Troyes, Du Ruau etc ) ne renonceront pas à 
                        indiquer en annexe de la centurie VII, les quatrains de 
                        l’almanach pour 1561. Finalement, ces quatrains 
                        d’almanachs seront désignés sous le nom de « Présage » 
                        tandis que le mot « centurie » cessera de leur être 
                        associé : « Présages tirez de ceux faits par M. 
                        Nostradamus es années mil cinq cens cinquante cinq & 
                        suyvantes », avec une présentation année par année. 
                        
                        Ce mélange entre deux catégories de 
                        « centuries » sera particulière mt manifeste dans le Janus Gallicus 
                        (1594, dix ans après la 
                        Bibliothèque 
                        de Du Verdier) qui entremêle les quatrains des deux 
                        types de « centuries ». 
                        
                        Nous dirons donc que les quatrains des 
                        centuries (au sens des contrefaçons de 1555, 1557 et 
                        1568) se seront substitués aux quatrains des centuries, 
                        au sens de séries de quatrains des almanachs. D’ailleurs, 
                        autant les quatrains des almanachs constituent-ils un 
                        ensemble cohérent, articulé sur l’ordre 12 mois de 
                        l’année, autant les quatrains des « prophéties » n’ont 
                        aucune assise astronomique d’ensemble et l’exégèse 
                        nostradamique ne s’y est pas trompée qui ne respecte 
                        aucun agencement quant à l’ordre des dits quatrains 
                        prophétiques. 
                        
                        On ne dispose pas de cette édition 
                        Benoist Rigaud des « Centuries » de présages mais le 
                        manuscrit du Recueil de Présages Prosaïques 
                        est bel et bien conservé (Lyon La Part Dieu) et a été en 
                        partie édité par B. Chevignard (Présages 
                        de Nostradamus, 
                        Seuil, 1999). Une parution, par les soins de Chavigny, 
                        semble avoir été programmée pour 1589. C’est à partir 
                        d’un tel manuscrit que le recueil de centuries, tel que 
                        signalé par Du Verdier, dont nous traitons ici a pu être 
                        réalisé, ce qui constituerait une sorte de diptyque : 
                        présages en vers, présages en prose. Mais si le volume 
                        de présages-quatrains occupe une certaine place, au vrai 
                        assez modeste, dans les éditions des Prophéties,(Janus 
                        Gallicus, 
                        éditions troyennes Du Ruau, mais pas chez Chevillot) 
                        celui des présages en prose est surtout important dans 
                        les Pléiades 
                        du dit Chavigny, qui commencèrent à paraitre, au début 
                        du XVIIe siècle, à partir de 1603 (cf RCN, p. 154) 
                        
                        32 Une édition fâcheusement négligée : 
                        Cahors 1590 
                        
                        Si l’on a pu déplorer de ne pas disposer 
                        de l’édition Rouen du Petit Val 1588, il est d’autant 
                        plus étonnant de devoir noter qu’une édition qui est 
                        devenue très accessible n’a pas été exploitée comme elle 
                        aurait du l’être. 
                        
                        En effet, une des éditions les moins bien 
                        connues et les plus imparfaitement décrites, à ce jour, 
                        est probablement celle parue à Cahors, chez Jaques 
                        Rousseau. Benazra n’indique même pas le nombre de 
                        quatrains de la VIIe centurie. (cf RCN, pp. 126 et seq) 
                        ce qui permet de douter sérieusement qu’il l’ait eu 
                        entre les mains. Il n’en précise pas moins qu’elle 
                        ‘reproduit les éditions de Benoit Rigaud » du fait 
                        qu’elle est la première en date – du moins dans les 
                        années 1580- à comporter deux volets. En fait Benazra ne 
                        fait, tout comme Chomarat, que de reprendre ce qu’en dit 
                        Ruzo.(cf Chomarat, Bibliographie Nostradamus, 
                        p. 81). Qu’en est-il vraiment ? Il se trouve que nous 
                        avons obtenu de la Société des Lettres de Rodez la 
                        photocopie d’extraits des deux volets et notamment des 
                        épitres. Mais Mario Gregorio reproduit l’intégralité de 
                        l’ouvrage sur son site propheties.it, à partir d’un 
                        exemplaire suédois. ( 
                        Kungliga biblioteket KBKATALOG1955SPI (078766). 
                        
                        Nous sommes en fait en presence de 
                        l’édition la plus ancienne qui ait été conservée, si 
                        l’on met à part l’épitre très bréve reprise par Antoine 
                        Besson, dans les années 1590 et qui selon nous aura été 
                        considérablement augmentée. Selon nous, ce sont les 
                        pseudo éditions Rigaud 1568 qui sont dérivées de celle 
                        de Cahors et nullement l’inverse, même si nous avons par 
                        ailleurs des doutes sur la date de parution du second 
                        volet qui nous intéressera au premier chef. 
                        
                        Plusieurs arguments seront évoqués et 
                        nous nous intéresserons particulièrement aux données 
                        chiffrées ou datées qui attirent d’ailleurs l’attention 
                        plus aisément.  
                        
                        Il en est ainsi tout particulièrement 
                        d’un passage fort connu relatif à l’année 1606. Dans 
                        toutes les éditions disponibles, le texte est celui-ci :
                         
                        
                        « espérant de laisser par escrit les ans, 
                        villes, citez , regions où la plupart adviendra, mesmes 
                        de l’année 1585 & de l’année 1606 accomençant depuis le 
                        temps present, qui est le 14. de Mars 1557 ». Notons la 
                        présence du point après le chiffre, qui fait passer du 
                        cardinal à l’ordinal : il faut lire le quatorziéme de 
                        Mars. On aura l’occasion d’y revenir. 
                        
                        La version Cahors 1590 diffère : 
                        
                        . »mesmes de l’année 1585.1606 (sic) 
                        commençant depuis le quatorziesme de Mars 1557 ». 
                        
                        Nous sommes en présence d’une 
                        interpolation, avec l’addition de 1606 après 1585, qui 
                        évoluera vers la forme moins maladroite « mesmes de 
                        l’année 1585 & de l’année 1606 », ce qui laisse entendre 
                        que l’Epitre était d’abord orientée vers 1585, ce qui 
                        nous place au début de la Ligue. Mais encore faut-il 
                        rappeler que cette Epitre ne figure pas en tête du 
                        premier volet des Centuries mais bien du second, sur 
                        lequel on dispose de bien moins d’informations avant 
                        précisément 1590. Les deux volets ont d’abord connu des 
                        destinées paralléles avant de se retrouver au milieu des 
                        années 1590 rassemblées et rédirigées vers une nouvelle 
                        échéance, celle de 1606. Croire que cette année 1606 
                        était déjà en ligne de mire en 1568 serait déjà beaucoup 
                        demander. En 1590, l’an 1585 étant déjà passé, cela fait 
                        sensiblement plus sens, même si nous pensons qu’un tel 
                        diptyque n’a pu exister avant 1594. 
                        
                        La disposition des quatrains est en tout 
                        état de cause totalement différente dans les deux volets : 
                        dans le premier, les quatrains sont numérotés en 
                        chiffres romains et dans le second en chiffres dits 
                        arabes. Dans le premier cas, le numéro des quatrains est 
                        situé au dessus de chaque quatrain, dans le second, le 
                        numéro des quatrains est situé au niveau du premier 
                        verset du quatrain. Les quatrains du premier volet 
                        Cahors sont en police droite et ceux du second volet 
                        Cahors en italique. Précisions aussitôt que dans les 
                        éditions Rigaud, le second volet est aligné sur le 
                        premier, ce qui fait que les volets n’offrent aucune 
                        différence, ce qui correspond à nouveau à une volonté 
                        d’harmonisation et de dissimulation des différences 
                        initiales. 
                        
                        La présentation des pages de titre est 
                        identique dans notre édition Cahors et dans les 
                        multiples éditions Benoist Rigaud 1568, en revanche, n’a 
                        pas été harmonisée et chaque volet garde sa spécificité, 
                        y compris dans les éditions Rigaud, sauf dans la partie 
                        supérieure qui est identique : 
                        
                        Premier volet 
                        
                        Les Prophéties de M. Michel Nostradamus. 
                        Dont il y en a trois cens qui n’ont encore iamais esté 
                        imprimées. Adioustées de nouveau par ledict Autheur 
                        
                        On notera l’insistance à attribuer toutes 
                        les additions à Nostradamus. 
                        
                        Second volet 
                        
                        Les Prophéties de M. Michel Nostradamus. 
                        Centuries VIII. IX. X. Qui n’ont encores iamais esté 
                        imprimées. 
                        
                        On notera que l’on laisse entendre 
                        qu’elles avaient jusque là circulé en manuscrit. 
                        
                        Le terme « centuries » ne figure pas sur 
                        la page de titre du premier volet et les nombres 
                        indiquées au premier volet concernent les Prophéties. 
                        Autrement dit, le mode de calcul diffère d’un volet à 
                        l’autre. D’un côté, on nous parle de 300 prophéties et 
                        de l’autre, ce qui revient au même, de trois centuries. 
                        
                        On notera également que la présentation 
                        Rigaud de la Préface à César obéit strictement aux mêmes 
                        codes de mise en page que pour Cahors 1590. En revanche, 
                        l’épître à Henri II Rigaud 1568 comporte une 
                        présentation fort différente à savoir qu’on n’y marque 
                        aucune différence entre le texte français et les 
                        passages en latin, à la différence de Cahors 1590 et du 
                        dit premier volet Rigaud.  
                        
                        Tant dans Cahors que dans Rigaud, la 
                        centurie VI ne comporte pas le quatrains 100 et l’on y 
                        trouve, comme dans Utrecht 1557, un avertissement latin 
                        intitulé « Cantio » (au lieu de Cautio) 
                        
                        Passons à présent à d’autres observations 
                        qui viennent confirmer que l’édition de Cahors est moins 
                        corrompue que ne le sont les éditions Rigaud, ce qui est 
                        un critère généralement admis sauf si, hâtons-nous de le 
                        préciser, il s’est agi d’une volonté d’harmonisation. 
                        Mais ces deux procédés cohabitent. 
                        
                        Une des bévues les plus flagrantes 
                        se,situe dans la liste des latitudes telles que 
                        celles-ci figurent au sein de l’Epître centurique à 
                        Henri II. 
                        
                        Pseudo Editions 1568 
                        
                        « Seront diverses sectes par main 
                        militaire, délaissant le 50. & 52. degrez de hauteur & 
                        feront tous hommaige des religions (sic) loingtaines aux 
                        regions de l’Europe de Septentrion de (sic) 48. degrez 
                        d’hauteur 
                        
                        Editions Cahors 1590 
                        
                        «délaissant le 50. & 52. degrez de 
                        hauteur & feront tous hommage de régions loingtaines  au 
                        regions de l’Europe de Septentrion du 48. degrez de 
                        hauteur » 
                        
                        On trouve « religions’ au lieu de « régions » 
                        dans les pseudo-éditiins Rigaud et « de 48. degrez «  au 
                        lieu de «  du 48. degrez », le maintien du point rendant 
                        l’expression tout à fait incongrue. Il suffit d’aileurs 
                        d’examiner la phrase précédenete pour comprendre que 
                        c’est une numérotation ordinale. : cinquantiéme et 
                        cinquante-deuxiéme degrés…. Quarante-huitiéme degrez de 
                        hauteur ». 
                        
                        D’ailleurs, la forme quarante huitiéme 
                        degré figure quelques lignes plus bas : « tellement que 
                        la venue du Sainct Esprit procédant du quarante huitiéme 
                        degrez » (Cahors) , « du 48. degrez » (Rigaud) 
                        
                        Il est clair qu’une édition critique de 
                        l’épître à Henri II devra s’effectuer à partir de 
                        l’édition Cahors. Les chercheurs qui ont comparé ces 
                        éditions ont surtout, comme P. Guinard, étudié la 
                        préface à César. Pour Guinard, l’édition Cahors est à 
                        rapprocher de l’édition « X » Rigaud, selon son propre 
                        catalogage. Cela ne vaut pas, en tout cas, pour l’Epitre 
                        au Roi. 
                        
                        Ajoutons que cette édition Cahors 
                        comporte 42 quatrains à laVII, elle est très semblable à 
                        .Utrecht a 42 quatrains à la VII – dont la page de titre 
                        est identique avec la mention au premier volet «  
                        Adioustées de nouveau », ce qui en fait renvoie au 
                        second volet disparu. En fait, la présence de cette 
                        mention sur la page de titre du premier volet montre que 
                        l’édition Cahors que nous connaissons était à deux 
                        volets, à l’instar de l’édition Utrecht. Mais il est 
                        probable que l’harmonisation n’ait concerné que la page 
                        de titre, tant les différences entre les deux volets 
                        Cahors sont évidentes. Cette pratique consistant à 
                        changer les pages de titre tout en conservant un contenu, 
                        au niveau de la forme et/ou du fond- à déjà été signalée 
                        notamment pour la période de la Ligue. La date de 1590 
                        peut avoir fait sens pour le premier volet et aura été 
                        maintenue mais il faut reporter de trois, quatre ans, au 
                        moins la mise en place de cette édition à deux volets, 
                        soit à l’avénement et au sacre d’Henri IV qui changera 
                        la donne.. 
                        
                        On notera également que Cahors 1590 ne 
                        comporte de mots en majuscules que pour le premier volet 
                        mais aucune pour le second volet à une exception près, à 
                        savoir le premier mot de la première centurie du second 
                        volet (VIII, 1) : PAU, Nay, Loron . En revanche, Rigaud 
                        1568 met ces trois noms en capitales. On peut le 
                        vérifier sur le site propheties.it qui reproduit Cahors 
                        1590 en fac simile. Cette pratique des majuscules n’est 
                        aucunement attestée sous la Ligue (Paris, Rouen, Anvers) 
                        . Elle semble n’avoir été instaurée que dans le cours 
                        des années 1590. Elle est attestée dans Macé Bonhomme 
                        1555, Antoine du Rosne 1557 (Budapest-Utrecht) et dans 
                        toutes les éditions Rigaud 1568. La pratique des 
                        capitales est en tout cas largement attestée dans le Janus Gallicus de 1594. On ne trouve pas cependant en 
                        1672 ce procédé des mots en capitales dans la traduction 
                        anglaise de Théophile de Garencières. Est-ce Chavigny 
                        qui aura lancé cette mode ou bien dépend-il d’éditions 
                        l’ayant déjà adopté partiellement comme Cahors 1590, au 
                        premier volet ?. On retrouve cette pratique dans Utrecht 
                        1557 alors que l’édition Rosne-Budapest 1557 ne comporte 
                        pas de capitales et correspondrait donc au modèle des Grandes et Merveilleuses Prédictions 
                        (Rouen et Anvers, cette dernière se référant à une 
                        édition 1555 et l’édition Rouen 1589 étant tronquée dans 
                        ses dernières feuilles). 
                        
                        On nous objectera que Cahors 1590 
                        comporte 42 quatrains à la centurie VII alors que Rigaud 
                        1568 n’en a que 40. N’est-ce pas le signe que l’une 
                        serait postérieure à l’autre du fait qu’elle comporte 
                        une telle addition ? On retrouve cette question (cf 
                        supra) avec les deux éditions Du Rosne 1557. Il est 
                        probable que sous la forme d’un seul volet, les éditions 
                        n’aient comporté que 40 quatrains à la VIIe centurie. 
                        Mais sous la forme de deux volets, la norme nous semble 
                        avoir été 42 quatrains à la VII et nous incluons dans 
                        cette catégorie l’édition Utrecht du fait qu’elle 
                        comporte en son titre référence au second volet, que 
                        celui-ci ait été ou non conservé. Dès lors, nous pensons 
                        que la formule « Rigaud’ est une cote mal taillée, 
                        c'est-à-dire que pour quelque raison, on aura pris une 
                        édition à un seul volet et donc à 40 quatrains à la VII 
                        (genre Rosne 1557 Budapest) puis qu’on y aura ajouté le 
                        second volet (genre Utrecht 1557) sans se rendre compte 
                        que les éditions à 2 volets comportaient 42 quatrains au 
                        premier volet. En cela, on ne peut dire que Rigaud 1568 
                        à 2 volets est calqué sur Cahors 1590 à 2 volets. Rigaud 
                        1568 est donc atypique comparé à Pierre Chevillot (Troyes, 
                        XVIIe siècle) comportant 42 quatrains à la VII qui nous 
                        semble être la forme aboutie que n’a pu atteindre Rigaud 
                        1568 mais elle correspond très probablement à Rosne 1557 
                        à 42 quatrains à la VII, dont le second volet ne nous 
                        est pas parvenu. La perte de ce volet aura eu des 
                        conséquences importantes sur la représentation de la 
                        chronologie des éditions centuriques à commencer par le 
                        fait qu’elle devait comporter l’épitre à Henri II sous 
                        une forme qui pourrait être plus proche de Cahors 1590 
                        que de Rigaud 1568, c'est-à-dire sans les défauts de 
                        cette dernière, signalés plus haut.(notamment religions 
                        à la place de régions). On aurait aimé étudier dans ce 
                        volet perdu le doublet 1585/1606. D’aucuns pensent qu’il 
                        n’a pu exister une édition de l’Epître à Henri II datée 
                        d’avant 1568. Mais rappelons que pour nous, toutes ces 
                        éditions 1555-1557-1568 sont antidatées et que nous 
                        sommes face à une chronologie fictive qui n’en est pas 
                        moins à restituer/reconstituer. Mais cela implique que 
                        le second volet n’ait pas été daté de 1557 mais de 1558 
                        date de l’épitre au roi. Il n’y aurait rien d’illogique, 
                        bien au contraire, à ce que les deux volets ne portent 
                        pas la même année, puisqu’il est question d’additions. 
                        Seules des rééditions sont conduites à conférer une même 
                        année à deux volets successifs. Dans le cas Rigaud, on 
                        notera que le second volet n’est pas daté, ce qui n’est 
                        pas une solution du moins si l’on devait considérer 
                        Rigaud 1568 comme la première édition du second volet 
                        car la dite première édition aurait du porter une date 
                        qui lui soit propre. L’absence d’une telle date sur la 
                        page de titre du volet additionnel trahit le caractère 
                        tardif du diptyque Rigaud...  
                          
                        
                          
                          
                          33 Nouvelles réflexions sur les méthodes de 
                          fabrication de faux centuriques antidatés 
                          
                        
                          
                          
                          Nous voudrions insister sur deux points : d’une part, 
                          l’utilisation de documents d’époque permettant de 
                          conférer au faux un cachet ancien, une patine et 
                          d’autre part, le principe d’une sorte de « double 
                          comptabilité », à savoir que les contrefaçons sont 
                          doublement datées et que l’on modifie seulement les 
                          pages de titre pour disposer à la fois d’une date 
                          présente –ou d’une absence de date – et d’une date 
                          ancienne. Certains ont contesté ce second point en 
                          soulignant que les éditions antidatées (1555-1568) 
                          n’ont pas leur pendant exact à la fin du XVIe ou au 
                          début du XVIIe siècles.  
                        
                          
                          
                          I La préparation des fausses éditions antidatées.  
                        
                          
                          
                          Certains nostradamologues ont montré à quel point 
                          certaines éditions datées du vivant de Nostradamus et 
                          censées avoir été publiées chez tel ou tel libraire/éditeur 
                          sont, au niveau de leur présentation respectent un 
                          certain nombre de traits caractéristiques des 
                          libraires concernés (bandeaux, lettrine etc.). Patrice 
                          Guinard a dévolu beaucoup de temps à mettre ce point 
                          en évidence en faisant appel évidemment à d’autres 
                          documents que les documents centuriques, à des fins de 
                          comparaison. Mais en même temps, ce faisant, il est à 
                          craindre qu’il ne nous montre surtout comment les 
                          faussaires eux-mêmes auront procédés, en se servant 
                          des mêmes données qu’il aura mises en évidence. Dans 
                          notre travail consacré à la prophétie de Saint 
                          Malachie (Papes et prophéties, Ed. Axiome, 
                          2005), nous avons montré que ce sont les mêmes 
                          documents qui servent à valider le texte et qui 
                          servent à la constituer, à savoir des Histoires de la 
                          Papauté.  
                        
                          
                          
                          Prenons le cas du privilège figurant en tête des 
                          éditions Macé Bonhomme 1555. C’est probablement un cas 
                          unique de privilège figurant au sein d’une édition 
                          centuriques des XVIe ou XVIIe siècle alors même que 
                          les almanachs et pronostications sont très fréquemment 
                          accompagnés de privilèges de tous ordres. 
                          . Au verso de la page de titre comportant « La 
                          permission est insérée à la page suivante. AVEC 
                          PRIVILEGE » on trouve un Extraict des registres de la 
                          Sénéchaussée de Lyon ». Or, il faut savoir que ce type 
                          de document est attesté au sein de pronostications. On 
                          a le cas de l’édition de la Pronostication nouvelle 
                          pour 1558, Lyon, Jean Brotot et Antoine Volant.(cf 
                          Catalogue Scheler, op. cit. p 24) qui diffère 
                          d’ailleurs de l’édition (que nous avions retrouvée à 
                          la Bibl. de La Haye), reprise par B. Chevignard (in 
                          Présages de Nostradamus, op. cit.,p. 442) parue, quant 
                          à elle, à Paris, chez Guillaume Le Noir. Il n’était 
                          pas bien difficile de recycler un tel Extraict et de 
                          le retoucher pour le placer en tête de l’édition Macé 
                          Bonhomme 1555 si ce n’est que les privilèges accordés 
                          aux libraires éditant Nostradamus ne visaient jamais, 
                          à notre connaissance, un ouvrage particulier mais 
                          plusieurs catégories, au nombre de trois : Almanachs, 
                          pronostications, présages. (cf. nos Documents, p. 
                          201). 
                          
                        
                          
                          
                          Cela dit, quand on examine le privilège concernant les
                          Prophéties datées de l’an 1569 dédiées à la 
                          puissance divine & la Nation Française de « M. 
                          Anthoine Crespin Nostradamus », il vise cet unique 
                          ouvrage (cf. Documents, p. 206) comme pour Macé 
                          Bonhomme 1555  où sont uniquement visées « Les 
                          Prophéties de Michel Nostradamus ». Le parallèle 
                          est d’ailleurs intéressant entre ces deux « Prophéties », 
                          vu que, selon nous, Crespin représentait le camp 
                          protestant et Michel Nostradamus, par delà la mort, le 
                          camp ligueur jusqu’à ce que toutes ces pièces 
                          antidatées, les unes comme les autres, soient fondues 
                          en un seul volume, néanmoins divisé en deux volets 
                          distincts, le second n’étant d’ailleurs, en règle 
                          générale, pas daté. On ne doit pas sous estimer la 
                          surenchère entre les deux camps quant à la production 
                          de documents de plus en plus anciens ou de plus en 
                          plus en expansion quantitative, faisant dire et 
                          prédire à Nostradamus ou à Crespin Nostradamus ce qui 
                          convenait au camp concerné.  
                        
                          
                          
                          II La double « comptabilité » des éditions centuriques  
                        
                          
                          
                          Nous commencerons par l’étude des éditions Benoist 
                          Rigaud. Le catalogue Scheler comporte (pp. 56 et 58) 
                          un exemplaire que nous avons pu examiner et qui 
                          d’ailleurs détermine les limites chronologiques du 
                          titre du dit catalogue, dressé par Michel Scognamillo : 
                          « 1555-1591 ». Cette date de 1591 ne correspond à 
                          aucune date présente sur l’édition non datée Benoist 
                          Rigaud dont il s’agit. Il s’agit d’une estimation 
                          proposée par certains bibliographes. Date éminemment 
                          improbable car venant trop tôt pour rendre compte de 
                          l’existence du quatrain IX, 86, au second volet, 
                          relatif, selon nous, au couronnement de Chartres qui 
                          ne fut pas planifié avant la fin de 1593.. Et plus 
                          généralement, nous dirons que les éditions à deux 
                          volets ne parurent pas avant la fin du XVIe siècle, 
                          probablement lors de la constitution de ce que l’on 
                          pourrait appeler le « canon troyen », visant à 
                          rassembler tout ce qui a à voir, par delà les 
                          sensibilités politiques, avec le prophétisme 
                          nostradamiens (quatrains et épitres), dans la suite de 
                          l’entreprise également globale du Janus Gallicus, 
                          s’ouvrant aux dix centuries mais aussi aux quatrains 
                          des almanachs de Nostradamus (cf. le Recueil des 
                          Présages Prosaïques édité par le même personnage, 
                          Jean Aimé de Chavigny).  
                        
                          
                          
                          Si l’on examine cette édition, en la comparant à une 
                          édition datée de 1568, sous la houlette du même 
                          libraire (cf. page de titre des deux volets, catalogue 
                          Thomas Scheler, pp.41 et 44) les similitudes sont 
                          frappantes : mêmes vignettes spécifiques à chaque 
                          volet, même mise en page, même vignette centrale, 
                          reprise selon nous des pages de titre des almanachs de 
                          Barbe Regnault. Bien plus, les seconds volets sont 
                          strictement identiques puisqu’ils ne comportent de 
                          date, ni l’un ni l’autre. On comprend mieux d’ailleurs 
                          l’absence de date : soit on ne mettait pas de date, 
                          soit l’on plaçait la date dans un espace vide. Il 
                          n’était donc pas nécessaire de changer la date et de 
                          toute façon, cela n’affectait que le premier volet, 
                          qui correspond en fait à la page de titre de tout 
                          l’ensemble, le second volet n’ayant d’autonomie. 
                          Malheureusement, l’on n’a pas conservé le second volet 
                          de l’édition Antoine du Rosne Bibl. Utrecht. Il était 
                          probablement daté du fait qu’il comportait l’Epitre à 
                          Henri II de juin 1558. Mais par la suite, pour les 
                          éditions postérieures, cela ne s’avéra plus utile.  
                        
                          
                          
                          Il suffisait donc de glisser 1568 dans certaines pages 
                          de titre ou de laisser en blanc :  
                        
                        
                        
                        
                        
                          
                          
                          Cette dernière formule ne correspondant en fait à 
                          aucun document, dans le corps du texte, tant pour les 
                          éditions 1568 que les éditions sans date. C’était 
                          d’ailleurs préférable car il aurait fallu deux 
                          « permissions » différentes selon que l’on se situait 
                          en 1568 ou à la fin du siècle.  
                        
                          
                          
                          Dans les autres cas, l’analyse est sensiblement plus 
                          complexe et un tel parallèle au titre est rare. Un des 
                          parallèles les plus simples est celui de l’édition 
                          parisienne Veuve N. Buffet (également au Catalogue 
                          Thomas Scheler p. 49) datée de 1561 mais quasiment 
                          superposable sur les éditions parisiennes datées 
                          de1588- 1589, (Veuve Nicolas Roffet, Pierre Ménier, 
                          Charles Roger) tant au titre qu’au contenu. Quelques 
                          différences cependant assez mineures, il nous semble : 
                          38 articles « additionnés », dans l’édition 1561 au 
                          lieu de 39 au titre des éditions ligueuses, une 
                          centurie VIII de 6 quatrains sous la Ligue, 
                          inexistante dans l’édition 1561. En revanche, le même 
                          étrange décalage entre titre et contenu est 
                          observable.  
                        
                          
                          
                          Prenons d’autres exemples concernant les éditions 
                          Antoine du Rosne 1557. A peu de choses près, 
                          l’exemplaire de la Bibl. de Budapest correspond à 
                          l’édition d’Anvers 1590, si ce n’est la présence de 5 
                          quatrains supplémentaires à la VIIIe centurie. Même 
                          absence d’avertissement latin et de quatrain 100 de la 
                          centurie VI, outre le fait que ces éditions sont à un 
                          seul volet. En revanche, les pages de titre différent 
                          du fait que l’édition d’Anvers ne comporte pas en son 
                          titre de vignette nostradamique mais la marque du 
                          libraire. Le texte est proche à part le fait que dans 
                          un cas l’on a Les grandes et merveilleuses prédictions 
                          et dans l’autre Prophéties mais à la dernière page, il 
                          est renvoyé à une édition des « Professies » (sic), 
                          Avignon 1555. La même erreur grammaticale est en outre 
                          observable au titre « dont il en y a trois cens » au 
                          lieu de ‘dont il y en a », comme dans les éditions 
                          Benoist Rigaud. Et bien entendu, le libraire n’est pas 
                          le même alors qu’avec Benoist Rigaud, l’on disposait 
                          d’un libraire dont la carrière s’étendait sur une 
                          trentaine d’années mais selon nous les éditions Rigaud 
                          sont toutes postérieures à la mort du dit Rigaud en 
                          1597.  
                        
                          
                          
                          En ce qui concerne Antoine du Rosne, 1557 Utrecht, on 
                          a affaire à deux volets calqués sur les éditions 
                          Benoist Rigaud, passées par le moule troyen : on y 
                          rétablit l’avertissement latin et on ajoute 2 
                          quatrains à la VIIe centurie. Les éditions Rigaud ne 
                          sont en fait, dans ce système, que la réédition 
                          d’Antoine du Rosne Utrecht, ce qui explique qu’elles 
                          ne comportent aucun trait posthume par rapport à la 
                          récente mort de Nostradamus. Mais c’est finalement 
                          l’option 1568 qui aura prévalu sur l’option 1557, d’où 
                          la multiplicité des éditions Benoist Rigaud, recensée 
                          et classée par Patrice Guinard, lequel s’en tient à la 
                          thèse d’une véritable parution en 1568, donc avant 
                          tout le processus enclenché sous la Ligue, dont selon 
                          nous les dites éditions Rigaud sont l’aboutissement, 
                          la thèse inverse voulant que le processus ligueur 
                          aurait été une dégradation des éditions Rigaud à deux 
                          volets. Un scénario bien différents et impliquant non 
                          plus une dynamique constructive mais une dynamique 
                          destructive.  
                        
                          
                          
                          Terminons avec le cas de Macé Bonhomme 1555. De quelle 
                          édition est-issue une telle édition ? On dispose 
                          certes d’une édition 1588 Rouen Raphaël du Petit Val 
                          « divisée en 4 centuries », du moins est-ce qui est 
                          indiqué au titre, son ancien possesseur Daniel Ruzo 
                          assurant – (Testament de Nostradamus, op. cit, 
                          p. 282) qu’il n’y a pas trace de division en centuries 
                          à l’intérieur. En cela, le contenu se distingue de la 
                          présentation Macé Bonhomme en 4 centuries, laquelle 
                          correspond en revanche au titre de 1588. Inversement, 
                          le titre Macé Bonhomme, lui n’indique pas de 
                          centuries, en son titre et correspond dès lors au 
                          contenu de l’édition Rouen 1588. Tout se passe comme 
                          si l’on avait interverti les titres. Mais cette fois, 
                          le titre correspond à une antidatation et non pas à 
                          une postdatation. On en arrive à supposer que ces 
                          décalages entre titre et contenu ne relèvent pas 
                          nécessairement d’une quelconque stratégie mais bien 
                          d’un manque de maîtrise du domaine, de confusions et 
                          d’interversions de toutes sortes commises par les 
                          faussaires et leurs éventuels assistants, noyés dans 
                          la masse de la documentation comme le sont d’ailleurs 
                          de nos jours ceux qui abordent la délicate et fort 
                          intriquée et embrouillée question de l’histoire des 
                          éditions centuriques..  
                        
                          
                          
                          On ne connait pas, en définitive, d’édition des années 
                          1588 qui corresponde à la division en 4 centuries, 
                          avec 53 quatrains à la IV mais les éditions ligueuses- 
                          y compris l’édition Veuve Buffet, 1561 qui fait 
                          absolument partie de cet ensemble- ont gardé la trace 
                          d’une telle édition puisqu’elle signale une addition à 
                          la IV, commençant au 54e 
                          quatrain. Chez la veuve Buffet, l’addition commence 
                          une page nouvelle alors que pour les trois autres 
                          éditions parisiennes, dont celle-ci dérive, l’addition 
                          s’effectue sur la même page que la partie d’origine. 
                          Mais l’édition Macé Bonhomme à 4 centuries n’en reste 
                          pas moins plus tardive, par son contenu, que l’édition 
                          De Rouen 1588 qui n’a que 49 quatrains à la IV. Ce qui 
                          nous amène à la réflexion suivante : les éditions 
                          antidatées ne représentent qu’une petite part de 
                          toutes les éditions produites à partir des années 
                          1580.En aucune façon, il ne faudrait croire qu’à 
                          chaque édition de cette période (1580-1600) correspond 
                          nécessairement une édition antidatée des années 
                          1550-1560. En revanche, à chaque édition antidatée 
                          correspond ou devrait correspondre, une édition plus 
                          tardive dont elle est issue car il ne ferait pas sens 
                          qu’une progression de contenu ne se produise qu’au 
                          niveau des éditions antidatées, cela déséquilibrerait 
                          le processus global de formation.  
                        
                          
                          
                          Pour conclure, nous donnerons ci-dessous la 
                          chronologie des titres des éditions centuriques, pour 
                          le premier volet, sans fournir de dates mais en citant 
                          les éditions attestant des dits titres. Il n’est pas 
                          ici question du contenu des éditions de référence mais 
                          uniquement du titre.  
                        
                          
                          
                          1 Les Prophéties de M. Michel Nostradamus. (-cf. Macé 
                          Bonhomme 1555 et permission)  
                        
                          
                          
                          Note : on n’est pas encore dans un découpage 
                          centurique d’où cette centurie IV qui tient au fait de 
                          ce non découpage.  
                        
                          
                          
                          2 Les Grandes et Merveilleuses prédictions de M. 
                          Michel Nostradamus, divisées en 4 centuries (Rouen 
                          Raphael du Petit Val, 1588)  
                        
                          
                          
                          Note : on entame une Ive Centurie à 49/53 quatrains.  
                        
                          
                          
                          3 Les Centuries et merveilleuses prédictions contenant 
                          six centuries  
                        
                          
                          
                          Note ; sur le modèle Pierre Valentin 1611 
                          indiquant au titre sept et non six centuries) et qui 
                          n’implique pas encore 600 quatrains. Il s’agit ici du 
                          contenu des éditions ligueuses à mi-chemin entre 
                          quatre centuries et six centuries pleines, la VIe 
                          centurie s’arrêtant à 71 quatrains.(‘cf. Benazra, RCN, 
                          p. 121 qui envisage une édition s’arrêtant à ce stade, 
                          sans le supplément de quatrains, présenté sous le 
                          terme « septiesme centurie » et qui ne parvient pas à 
                          compléter la Vie centurie.  
                        
                          
                          
                          4 Les Prophéties de M. Michel Nostradamus dont il y en 
                          a trois cens qui n’ont encores iamais esté imprimées 
                          (page de titre édition Antoine du Rosne Budapest 
                          1557 ; Rouen 1589, Anvers, 1590 avec le titre Grandes 
                          et merveilleuses prédictions)  
                        
                          
                          
                          Note : on passe de 353 quatrains à 600 en comptant les 
                          53 quatrains de la IV.  
                        
                          
                          
                          5 Les Prophéties de M. Michel Nostradamus dont il y en 
                          a trois cens qui n’ont encores jamais esté imprimées 
                          (..) Revues & additionnées par l’Autheur pour l’an mil 
                          cinq cens soyxante & un de trente huit/neuf articles ( 
                          Buffet 1561, Ed ligueuses1588-1589)  
                        
                          
                          
                          Note : on ajoute une centurie VII à 35/38/39/40/42 
                          quatrains aux 6 centuries. L’édition à 38 articles 
                          serait postérieure au contenu de l’édition Anvers 1590 
                          à 35 quatrains à la VII.  
                        
                          
                          
                          6 Les Centuries et merveilleuses prédictions de M. 
                          Michel Nostradamus contenant sept centuries ; dont il 
                          en y a trois cens qui n’ont encores iamais esté 
                          imprimées (cf Ed. Valentin, Rouen 1611)  
                        
                          
                          
                          Note : titre assez bancal.  
                        
                          
                          
                          7 Les Prophéties de M. Michel Nostradamus dont il y en 
                          a trois cens qui n’ont encores iamais esté imprimées. 
                          Adioustées de nouveau par ledict Autheur (page de 
                          titre Edition Antoine du Rosne, Utrecht, 1557, Benoist 
                          Rigaud 1568) . Cette présentation annonce un second 
                          volet à la suite.  
                        
                          
                          
                          Note : ce titre du premier volet ne rend pas compte de 
                          la septième centurie comme le faisait le titre n° 4..  
                        
                          
                          
                          Pour en revenir aux Editions Benoist Rigaud dont il a 
                          été question au début de notre étude, l’’on ne peut 
                          que constater que la thèse d’une première édition à 10 
                          centuries effectuée en 1568 ne tient pas puisqu’il est 
                          précisé « Adioustées de nouveau par ledict Autheur », 
                          ce qui implique que cela se produise de son vivant, 
                          donc au plus tard en 1566. En ce sens, le choix de 
                          l’année 1566 pour les éditions Pierre Rigaud se 
                          révélait assez judicieux – en ce qu’il laissait encore 
                          possible le fait que Nostradamus ait procédé à une 
                          ultime addition. Il permettait aussi d’intégrer 
                          l’addition de 1560, ce qui n’était pas le cas pour 
                          Antoine du Rosne 1557 qui comportait, sans le 
                          signaler, au titre, une centurie VII. En fait, 
                          l’édition Antoine du Rosne, au regard de son contenu, 
                          devrait porter le titre 4.  
                        
                        
                         
  
                        
                        JHB 
                        
                        18. 05.11 
                        
                          
                        
                        34 
                        - Réflexions méthodologiques autour du 
                        corpus nostradamique. 
                        
                        Par Jacques Halbronn 
                        
                        Nous appelons « chronéme » (voir 
                        l’introduction du Texte Prophétique en France), un 
                        critère permettant de dater ou de redater un document, 
                        un événement. Signaler un chronéme, c’est contribuer à 
                        une meilleure chronologie. Mais certaines « preuves » se 
                        révèlent discutables, elles vont au-delà de ce que l’on 
                        est en mesure d’extraire raisonnablement de telle ou 
                        telle pièce 
                        
                          
                        Cela atteint des sommets quand à partir de textes dont 
                        la datation est sujette à caution, tel biographe 
                        n’hésite pas à affirmer qu’en telle année Nostradamus a 
                        écrit ceci ou publié cela. Mais un des cas les plus 
                        remarquables est peut être celui qui consiste à affirmer 
                        que Nostradamus a lui-même rédigé des centaines de 
                        quatrains alors même que ce point fait débat. Que ces 
                        quatrains aient quelque valeur prophétique prouve-t-il 
                        qu’ils sont de cet auteur, sous prétexte que cet auteur 
                        aurait le monopole de tout ce qui est prophétique ? Il 
                        est évident que tout serait plus simple si certaines 
                        pièces ne manquaient pas, si face à un faux l’on pouvait 
                        placer l’œuvre qui est reprise. Mais de là à profiter de 
                        certaines lacunes du corpus pour valider des positions 
                        qui ne tiennent que du fait des dites lacunes…. Il est 
                        dommage que l’on dépense beaucoup d’énergie à accorder 
                        des données disparates et manifestement insuffisantes au 
                        lieu de prendre le temps de partir de ce que l’on sait 
                        pour dégager ce que l’on ne sait pas, complétant ainsi 
                        le puzzle. 
                        
                        Il ne faut pas trop s’étonner de voir que 
                        certains chercheurs, sur le dossier Nostradamus, 
                        puissent se laisser tenter par les mirages de l’exégèse 
                        des quatrains. En effet, dans un cas comme dans l’autre, 
                        on assiste à des rapprochements douteux. 
                        
                        C’est ainsi que lorsqu’il s’agit de 
                        montrer que telle œuvre de Nostradamus est bien parue en 
                        telle année, il en est qui se satisfont de bien peu. Un 
                        des cas les plus remarquables concerne les «preuves » de 
                        la parution d’une édition Macé Bonhomme, en 1515, en 
                        dehors de l’existence d’éditions portant une telle 
                        mention. Comme nous le disions plus haut, c’est la même 
                        attitude que l’on peut observer en ce qui concerne tel 
                        rapprochement entre un quatrain et un événement, un 
                        personnage auxquels il serait fait allusion. 
                        
                        . On sait qu’Antoine Couillard cite – une 
                        seule fois- le nom de César, au détour d’une phrase dans 
                        ses Prophéties, datées de 1556 et que par ailleurs il 
                        parle d’un Epitre « espouvantable » qu’aurait publiée 
                        Michel de Nostredame. Il n’en faut pas davantage pour 
                        que d’aucuns en concluent que nous avons là un 
                        témoignage de premier choix validant une épitre à César 
                        et dans la foulée, puisque la dite épitre ne nous est 
                        connue qu’en tant qu’introduisant les « Centuries », et 
                        puisque l’on dispose d’exemplaires datés de 1555 des « Prophéties », 
                        titre repris parodiquement par le dit Couillard, que 
                        peut-on vouloir de plus ? 
                        
                        Or, il ne s’agit là que d’un montage qui 
                        ne tient pas très longtemps ses promesses quand on y 
                        regarde de plus près.  
                        
                        Citons le passage relatif à César chez 
                        Couillard : 
                        
                        «Ne veux comme  Nostradamus, en son 
                        epistre espouventable taire les ans de César son fils » 
                        (fol 8 v). 
                        
                        Qu’est-ce à dire ? Que Nostradamus a 
                        dédié cette épitre à son jeune fils César ? Ce n’est pas 
                        ce qui est indiqué ! On ne nous dit pas que cette épitre 
                        que reprend partiellement Couillard, était dédiée à 
                        César. Que le texte en question nous soit connu par 
                        ailleurs sous la forme d’une Préface à César ne change 
                        rien à l’affaire. Ce qui ressort, c’est bien plus 
                        probablement que le texte décrit par Couillard aura été 
                        remanié par la suite pour aboutir à une Préface à César, 
                        dont le nom justement est cité, à un certain endroit et, 
                        d’une façon selon nous fortuite, à proximité immédiate 
                        du passage se référant à une « épitre épouvantable ». 
                        
                        Tout le début de l’Epitre aura, selon 
                        nous, été ajouté pour donner crédit à cette dédicace : 
                        « Ton tard avènement etc. » Cette fois, Nostradamus 
                        s’adresse à son fils directement. Il ne se contente pas 
                        d’évoquer sa récente naissance. Et il est peu probable 
                        que cette présentation ait existé avant les années 1580 
                        lorsque l’on retrouvera ce texte en tête d’un certain 
                        nombre de quatrains prophétiques distincts des quatrains 
                        des almanachs.  
                        
                        D’ailleurs, un tel recyclage ne se fait 
                        pas sans quelque maladresse et les traces de la première 
                        mouture n’ont pas été totalement évacuées. C’est le cas, 
                        notamment, des Vaticinations Perpétuelles, formule 
                        attestée par Couillard mais qui ne correspond guère au 
                        contenu des quatrains, ne serait-ce que parce que le 
                        principe d’un tel genre est de relier les textes à des 
                        années, de façon systématique et récurrente. Ce genre se 
                        perpétuera notamment au XVIIIE siècle autour du 
                        personnage fictif de Thomas Moult, sous le titre de 
                        Prophéties Perpétuelles. En 1866, une édition parisienne 
                        regroupera sous un seul volume, les Prophéties de 
                        Nostradamus, le Recueil issu du Mirabilis Liber et les 
                        dites « Vaticinations ». A. Volguine a publié un texte 
                        associant Nostradamus et Moult. Toujours est-il que l’on 
                        n’a pas retrouvé cet ouvrage dont selon nous Couillard – 
                        et Videl après lui, en 1558, mais sans même citer le nom 
                        de César- fait le commentaire et qui se référait à l’an 
                        3797, ce qui relève en effet d’une forme de prophétie « perpétuelle » 
                        (chiffre repris par le dit Videl). En revanche, des 
                        imitateurs et successeurs, plus ou moins attitrés, (Nostradamus 
                        le Jeune, Crespin Archidamus etc) de Nostradamus feront 
                        paraitre de telles « prophéties » étalées sur plusieurs 
                        années. Rappelons que pour l’Epitre à Henri II, nous 
                        disposons d’une première mouture placée en tête d’un 
                        tout autre texte que les « Centuries », à savoir les 
                        Présages Merveilleux pour 1557 et qu’en 1572, Crespin 
                        citait une épitre au Roi non plus datée de 1556 mais de 
                        1558 et qui, probablement, n’était pas encore associée 
                        avec le second volet des centurie. Il est possible que 
                        cette Epitre de 1558 ait connu une certaine carrière 
                        avant d’être remaniée pour introduire des quatrains 
                        prophétiques, en profitant d’ailleurs pour cite une « préface 
                        à César ». Citons «  Dedans l’Epistre que ses (sic, pour 
                        ces, c'est-à-dire récemment) ans passez ay dédié à mon 
                        fils César Nostradamus » (Epitre à Henri II, datée de 
                        juin 1558). .. Il suffit que telle édition soit datée de 
                        la date d’une épitre pour lui conférer un cachet 
                        d’authenticité (1555, 1605 et probablement 1558, volet 
                        disparu (Bib. Utrecht) 
                        
                        Passons à présent au commentaire des 
                        quatrains et voyons si l’on n’assiste pas à la même 
                        démarche consistant à prendre la partie pour le tout, à 
                        extrapoler à partir d’un mot, d’un nom pour en déduire 
                        l’existence d’un ensemble sensiblement plus vaste. C’est 
                        toute la question des allusions. Le Janus Gallicus a 
                        donné, dès 1594, l’exemple de rapprochements 
                        contestables, ce qui se fait d’autant plus aisément par 
                        le biais de traductions, de français en latin ou au 
                        siècle suivant de français en anglais. 
                        
                        Mais ce qui nous intéresse ici se situe 
                        sur un autre plan, celui de la contrefaçon déjà à 
                        l’œuvre avec la traduction. La problématique est 
                        d’autant plus complexe, en effet, que les quatrains 
                        considérés peuvent avoir été réalisés après coup ou 
                        plutôt avoir fait l’objet d’interpolations suffisant à 
                        créditer tout un verset, voire tout un quatrain ou 
                        sixain. C’est ainsi que nous-mêmes avons signalé 
                        l’interpolation d’un verset sur Tours à IV, 46, quatrain 
                        qui ne figure pas encore dans l’édition Rouen Raphaël du 
                        Petit Val, 1588 (cf. RCN, pp.122-123) ou d’un autre sur 
                        Chartres en IX 86 (quand on compare avec la Guide des 
                        Chemins de France). Un tel procédé fait merveille chez 
                        des esprits cherchant à tout prix à établir des 
                        connexions entre centuries et événements. 
                        
                        En effet, les faussaires spéculent sur le 
                        penchant pour les allusions des lecteurs. Ils sèment 
                        ainsi quelques « indices » pour renforcer les 
                        convictions. On emploiera ainsi sciemment le mot « Prophéties » 
                        pour désigner les Centuries, parce que Nostradamus 
                        publia des Prophéties (perpétuelles, où chaque présage 
                        est lié à un certain nombre d’années), on croit que le 
                        mot Centurie, utilisé en 1585, renvoie nécessairement à 
                        des quatrains prophétiques alors que selon nous il 
                        s’agit de séries de quatrains d’almanachs sans parler de 
                        toutes sortes d’emprunts à des matériels de librairie ou 
                        à des noms de libraires (Rigaud, Chevillot etc) pour 
                        conférer un vernis d’authenticité et une fourchette de 
                        temps certaine, avec le cas extrême des éditions Pierre 
                        Rigaud 1566, fabriqués en Avignon en 1716, 150 ans plus 
                        tard... 
                        
                        On peut penser que les « Centuries » ont 
                        été largement « complétées » par toute une série 
                        d’adjonctions qui avaient des vertus évocatrices mais 
                        pour certains esprits, même un quatrain apparemment 
                        quelconque peut se révéler devoir être associé à tel 
                        événement comme la Révolution Française. 
                         
                        
                        Au bout du compte, le champ nostradamique 
                        attirer des esprits qui, pour certains, passeront 
                        allégrement du commentaire des quatrains à l’histoire du 
                        phénomène, ou vice versa, en maintenant dans un cas 
                        comme dans l’autre le même talent consistant à prendre 
                        des vessies pour des lanternes. On notera d’ailleurs le 
                        même travers chez les astrologues aussi peu rigoureux et 
                        regardants qu’il s’agisse d’interpréter un thème que 
                        d’enseigner un savoir largement corrompu ou de dresser 
                        un historique de l’Astrologie, notamment en croyant un 
                        peu vite qu’astrologie et astronomie ne faisaient qu’un, 
                        sous prétexte que l’on y trouve employés les mêmes dieux, 
                        signalées les mêmes planètes, utilisés les mêmes signes 
                        du zodiaque. C’est en vérité aller un peu vite en 
                        besogne. Mais le cas le plus flagrant est encore à 
                        observer dans le cadre de l’interprétation des données 
                        astrologiques, que ce soit au niveau individuel ou 
                        collectif. Le client qui entendra ou lira tel ou tel mot 
                        qui fait sens pour lui n’hésitera guère à y voir la 
                        preuve que tout ce qui se dit au nom de l’astrologie 
                        fait sens. L’astrologie ne vise-t-elle pas en effet à 
                        rapprocher deux discours en en soulignant les 
                        convergences : le discours du client sur lui-même et 
                        celui de l’astrologue sur le client etc. ? Tout l’art de 
                        l’astrologue consisterait à montrer que ce qui a été dit 
                        au nom de l’astrologie ou ce qui a été exprimé par le 
                        client se rejoint et là encore cela exige une aptitude à 
                        relier les choses entre elles avec plus ou moins de 
                        talent 
                        
                        Mais comment éviter de tels écueils ? Il 
                        faut chercher là où le rapprochement proposé correspond 
                        fréquemment à quelque trucage soit du fait de ceux qui 
                        ont fabriqué la « preuve », soit du fait de ceux qui ont 
                        instrumenté tel document pour lui faire dire plus qu’il 
                        ne dit. La question de l’extrapolation est récurrente. 
                        
                        Nous dirons que ce qui importe, au bout 
                        du compte, ce n’est pas tant ce qui vient confirmer mais 
                        ce qui vient infirmer. Trop souvent, on se contente, en 
                        effet, de souligner ce qui semble correspondre en 
                        négligeant ce qui tend à contredire. En ce qui nous 
                        concerne, les éléments que nous avons présentés en tant 
                        que rapprochements concluants ne revêtaient un intérêt 
                        que dans la mesure où nous avions déjà déblayé le 
                        terrain en mettant en évidence un certain nombre 
                        d’incohérences chronologiques comme de dater de 1611 un 
                        document se référant à l’année 1642 (dans le Recueil des 
                        Prophéties et Révélations), alors que cette date ne 
                        faisait visiblement sens qu’après coup, c'est-à-dire au 
                        moment des morts successives de Richelieu et de Louis 
                        XIII. Il convient également de ne pas se satisfaire de 
                        la présence de certains éléments mais de relever 
                        également les absences. Une des absences les plus 
                        troublantes, dans le champ nostradamologique, concernant 
                        le fait que tous ces « témoins » que l’on met en avant 
                        ne citent jamais le moindre quatrain, qu’il s’agisse 
                        d’ailleurs d’un quatrain d’almanach ou d’un quatrain « centurique », 
                        ce qui montre à quel point, de son vivant, on 
                        n’attachait guère d’importance aux quatrains annuels 
                        paraissant sous le nom de Nostradamus. En revanche, 
                        Couillard reproduit dans ses Prophéties, en 1556, 
                        plusieurs pages de présages d’une ligne typiques des 
                        Prophéties Perpétuelles. Mais c’est la prose de 
                        Nostradamus qui est commentée par un Videl, en 1558.. De 
                        même, l’on doit s’interroger sur l’absence d’éditions 
                        entre 1568 et 1588, ce qui ouvre la voie à la thèse 
                        d’éditions antidatées situées du temps de Nostradamus. 
                        Quant aux quatrains « absents » dans certaines éditions 
                        ligueuses, il est bien plus probable qu’il s’agisse de 
                        quatrains qui n’avaient pas encore été composés ou 
                        récupérés dans les œuvres d’autres auteurs. 
                        
                        Au chapitre des manques, il ne faudrait 
                        cependant pas négliger le fait que le corpus 
                        nostradamique ne nous est pas parvenu complet. Mais il y 
                        a aussi des documents qui ne sont pas exploités comme 
                        ils le mériteraient sous prétexte que l’on ne dispose 
                        plus d’une copie d’un exemplaire. On pense évidemment au 
                        cas de l’édition datée de 1588 (Rouen, Raphael du Petit 
                        Val, dite « à quatre centuries ») qui comporte un 
                        ensemble de quatrains qui ne sont pas classées en 
                        centuries. Cette édition a pourtant été largement 
                        décrite (sauf pour le contenu de la Préface à César) par 
                        Daniel Ruzo, qui signale d’ailleurs l’absence de 
                        quelques quatrains à la Ive Centurie (dont IV, 46). Ruzo 
                        reproduit la page de titre de cette édition dans son 
                        Testament de Nostradamus et en 1985 quand il vint au 
                        Colloque de Salon de Provence, il présenta une copie à 
                        quelques chercheurs dont Robert Benazra (RCN, pp. 
                        122-123) et Michel Chomarat (Bibliographie Nostradamus , 
                        p. 77-78, n° 141) lesquels ont omis de reproduire les 
                        notices que le dit Ruzo avait consacré dans le cours de 
                        son « Testament » de 1982 à cette édition, négligeant 
                        ainsi de nous préciser que la dite édition n’était pas 
                        encore « centurisée ». Il est clair que ce point aurait 
                        du être signalé dans l’introduction de Benazra au 
                        reprint Macé Bonhomme 1555, paru en 1983. En effet, le 
                        fait que l’édition de 1555 soit « centurisée » et pas 
                        celle de 1588 aurait du hypothéquer le dossier de la 
                        dite édition Macé Bonhomme et relativiser d’autant la 
                        valeur de certains rapprochements. Il aura fallu 30 ans, 
                        depuis 1982 (mais l’édition espagnole date de 1975, 
                        Barcelone, Ed. Plaza & Janés, cf reproduction de la 
                        couverture, ci dessous ! Une édition en langue anglaise 
                        est parue sous le titre « The Authentic Testimony » On 
                        notera que l’epithète « authentique » ne figure pas dans 
                        le titre de l’édition française), pour que cette 
                        information quant à une édition non centurisée soit 
                        correctement exploitée. On peut regretter qu’il ait 
                        fallu également près de 25 ans pour que la découverte 
                        des emprunts de quatrains à la Guide des Chemins de 
                        France de Charles Estienne permette de déceler des 
                        variantes dans les Centuries, par rapport à la 
                        « source », c’est ce qui nous a permis de montrer ( IX 
                        86 que Chastres était dans le dit quatrain devenu 
                        Chartres et de là à dater les éditions comportant 
                        Chatres comme ne pouvant être antérieures à 1593/.1594, 
                        années de l’avénement d’Henri IV.  
                        
                        
                        
                        
                        
                        
                        
                        
                        
                        
                        
                        
                        
                        
                        
                        
                        35 - Antoine Crespin, le poulain 
                        nostradamique du camp d’Henri de Navarre. 
                        
                        
                         
                        
                        La thèse principale de la présente étude 
                        consistera, à l’issue d’une réflexion globale sur les 
                        processus d’antidatation et de postdatation, qui se 
                        chevauchent, à montrer que l’un des successeurs attitrés 
                        de Nostradamus, Antoine Crespin, dit Archidamus, dit 
                        Nostradamus, censé avoir produit tout au long des années 
                        1570 toutes sortes de « prophéties », d’’’épitres », et 
                        correspondant à une seconde génération, ayant pris le 
                        relais de Michel de Nostredame, serait une création du 
                        camp d’Henri de Navarre, faisant ainsi pendant au 
                        revival de Michel de Nostredame orchestré par le camp 
                        ligueur. 
                        
                        Au phénomène d’antidatation que nous 
                        signalions depuis près de vingt ans, est venue, 
                        progressivement, se greffer la prise de conscience d’un 
                        phénomène, en quelque sorte, inverse de post-datation et 
                        c’est la conjonction des deux phénomènes qui aura rendu 
                        la bibliographie centurique un exercice à haut risque, 
                        aussi bien chez ceux qui se contentent de noter les 
                        informations au premier degré que chez ceux, comme 
                        Daniel Ruzo et nous-mêmes, qui s’efforcent de 
                        réorganiser en profondeur l’ensemble des données. La 
                        vigilance est de rigueur dans ce domaine, ce qui 
                        implique de ne rien laisser passer d’insolite et de 
                        suivre toutes les pistes, de tester toutes les 
                        hypothèses, bref de dresser un inventaire extrêmement 
                        exigeant, permettant notamment de faire ressortir des 
                        chainons manquants, lesquels ne manquent pas, ce qui 
                        vient encore compliquer la tâche du nostradamologue 
                        averti et consciencieux. Nous verrons si le problème 
                        affecte également d’autres pièces que les éditions 
                        centuriques proprement dites. 
                        
                        Le phénomène de post-datation est 
                        beaucoup plus familier et même franchement banal que 
                        celui d’antidatation mais il prend dans le cas des 
                        éditions centuriques une dimension assez extraordinaire 
                        et l’on peut dire que cela a pour effet de brouiller les 
                        pistes. On connait tous le procédé des rééditions lequel 
                        s’apparente, peu ou prou, à une forme de postdatation 
                        assez bénigne comme est en apparence innocente le fait 
                        de vouloir retracer l’historique d’un domaine, ce qui 
                        peut se rapprocher de l’antidatation. Le distinguo n’est 
                        pas toujours aisé entre contrefaçons et initiatives 
                        visant à replacer les choses dans une juste perspective 
                        et rétrospective. 
                        
                        S’il fallait classer les éditions 
                        centuriques qui nous sont parvenues en ne gardant que 
                        celles qui ne relèvent ni de l’antidatation, ni de la 
                        postdatation, stricto sensu, 
                        il ne resterait plus grand-chose. On pourrait poser la 
                        question à l’envers : qu’est-ce qu’une édition 
                        centurique qui ne serait ni antidatée, ni postdatée ? 
                        Nous répondrons de façon assez tranchée, sur la base de 
                        nos travaux à ce jour, qu’aucune édition datée du vivant 
                        de Nostradamus ne peut échapper au qualificatif 
                        d’antidatée et que les éditions plus tardives des années 
                        1580 sont de pseudo-éditions postdatées, puisque se 
                        présentant comme des rééditions de quelque document déjà 
                        paru antérieurement. Autrement dit, de telles prétendues 
                        rééditions seraient en fait des éditions ni antidatées, 
                        ni postdatées, dès lors qu’elles ne se présenteraient 
                        pas comme des rééditions, ce qui n’est d’ailleurs pas 
                        nécessairement le cas. 
                        
                        Prenons le cas de l’édition de Rouen, 
                        parue chez le libraire Raphaël du Petit Val (et dont on 
                        ne dispose actuellement d’aucun exemplaire mais qui n’en 
                        est pas moins décrite par son ancien possesseur, Daniel 
                        Ruzo, comme il le reconnait dans son Testament de Nostradamus (Ed. 
                        du Rocher 1982). Cette édition se présente comme « divisée 
                        en 4 centuries » en son titre. Or, selon Ruzo, l’ouvrage 
                        n’est pas réellement structuré ainsi, les quatrains se 
                        suivant sans découpage. Voilà un exemple, dont nous 
                        verrons qu’il est assez courant, d’une édition postdatée 
                        du fait de son titre. Autrement dit, son contenu est 
                        plus ancien que son titre lequel concerne un contenu 
                        différent et plus structuré (en 4 centuries). De la 
                        sorte, reconnaissons que nous faisons coup double 
                        puisque nous avons en quelque sorte deux documents pour 
                        le prix d’un seul comme si le dit document était à 
                        cheval sur deux versions successives ou peut-être pas 
                        tout à fait des éditions centuriques. En fait, l’on peut 
                        conclure que le contenu de cette édition de 1588 doit 
                        être antidaté d’un voire de deux ans, tant il semble 
                        invraisemblable que l’on soit passé en l’espace d’un an 
                        d’une édition à 4 centuries à une édition (celle de 
                        1589, chez le même libraire rouennais) qui en est à 7 
                        centuries et sans même marque de passage entre le début 
                        et la fin de la centurie IV, encore que son état de 
                        conservation ne nous permette pas d’affirmer qu’elle 
                        avait ou non gardé l’avertissement latin ni combien de 
                        quatrains elle avait dans la centurie VII (fort 
                        probablement moins de 40) 
                        
                        Les exemples de décalage, de mismatch, de décalage,
                        entre contenant et contenu sont nombreux 
                        et lorsque l’on ne connait que la page de titre d’un 
                        ouvrage, mieux vaut ne pas sauter aux conclusions 
                        concernant son contenu, en tout cas dans le champ 
                        centurique. Un autre cas que nous avons déjà eu 
                        l’occasion de signaler est celui des éditions 
                        parisiennes datées de 1588 et 1589, qui correspondent à 
                        trois libraires s’étant en quelque sorte partagé la 
                        distribution. Il est plus que probable que le contenu de 
                        ces éditions soit antérieur à celui des années en 
                        question et notamment quelle différence entre Rouen 1589 
                        et Paris 1589 : 
                        plusieurs stades séparent ces éditions apparemment mais 
                        apparemment seulement exactement contemporaines. C’est 
                        dire que si l’on se concentre sur tout ce qui est daté 
                        1588 et 1589, on obtient un ensemble excessivement 
                        hétérogène, du fait de la post-datation par le biais des 
                        pages de titre, ce qui n’exclut nullement un changement 
                        de libraire entre un état et un autre. Donc avant de 
                        qualifier de « parisiennes » les éditions de 1588-1589, 
                        il convient d’être sur ses gardes car seules les pages 
                        de titre font ici foi et c’est bien insuffisant dans le 
                        contexte qui est celui des éditions centuriques. 
                        
                        Que dire de la traduction anglaise de 
                        1672 ? C’est le type d’une réédition en même temps que 
                        d’une traduction, plus d’un siècle après la mort de 
                        Michel de Nostredame. Mais cette réédition s’avère 
                        extrêmement précieuse car elle nous permet, selon notre 
                        analyse du texte en prose, de restituer un état premier 
                        de la Préface à César, antérieur à celui figurant dans 
                        la totalité des éditions centuriques connues. 
                         
                        
                        Ces post-datations, à quoi tiennent-elles ? 
                        Quel intérêt a-t-on à indiquer un état qui n’est pas 
                        celui du contenu de l’édition ? Nous pensons que cela 
                        peut concerner des stocks d’invendues, rendus obsolètes 
                        par la mise en avant de nouveaux éléments. Pour donner 
                        le change, on va mettre en vente une marchandise 
                        dévaluée en se contentant de remanier la page de titre. 
                        Le tour est joué, et le procédé est si efficace qu’il 
                        continue à faire des victimes parmi les libraires et 
                        leurs lecteurs, mais aussi chez historiens et bio-bibliographes 
                        qui n’y voient que du feu. On ne peut donc pas vraiment 
                        dire qu’il y a, au départ, une volonté de fausser les 
                        représentations de l’histoire des centuries mais cela 
                        peut fort bien produire de facto 
                        un tel résultat, vu que ce ne sont là que des 
                        considérations d’ordre commercial. Il peut s’agir aussi 
                        de libraires qui rachètent à bas prix des stocks 
                        d’invendus et les écoulent – ou du moins tentent de les 
                        écouler-(en changeant la page de titre). Mais on conçoit 
                        que l’historien des textes ne puisse que se réjouir 
                        quand il tombe sur de tels arrangements car cela permet 
                        de combler des lacunes de son corpus en dédoublant 
                        l’information. 
                        
                        A priori, le travail des éditeurs 
                        implique le plus souvent une forme d’antidatation et de 
                        postdatation. En effet, il est normal de rééditer des 
                        documents plus ou moins anciens, de les inscrire dans 
                        une nouvelle modernité tout comme cela l’est de replacer 
                        les choses dans leur contexte d’origine. A quel moment, 
                        alors, peut-on parler d’abus de droits ? C’est le cas 
                        lorsque un document est présenté comme plus récent qu’il 
                        ne l’est ainsi que lorsque un document est présenté 
                        comme plus ancien qu’il ne l’est véritablement. Mais 
                        dans le cas de Nostradamus, la question revêt une plus 
                        grande complexité : les années 1580 sont celles d’un revival nostradamique, après une parenthèse d’une 
                        quinzaine d’années (entre 1569 et 1584 environ), sous la 
                        forme d’ouvrages qui sont censés avoir été composés, par 
                        définition, du vivant de leur auteur. On est donc ipso 
                        facto dans la post-datation. Mais à partir du moment où 
                        l’on attribue au dit Nostradamus des publications qui en 
                        fait datent des dites années 80 et au-delà, on bascule 
                        dans l’antidatation, surtout quand des éditions se 
                        voulant d’époque sont carrément produites. En même 
                        temps, les libraires recyclent des documents bel et bien 
                        parus du vivant de Nostradamus comme l’Epitre à Henri II 
                        mais considérablement retouchés, ils publient des 
                        quatrains inspirés de la Guide des Chemins de France 
                        de Charles Estienne et d’autres ouvrages 
                        du même genre et du même auteur, parus dans les années 
                        1550 mais les dits quatrains sont retouchés pour 
                        s’ajuster avec ce qui se passe dans les années 1590. Les 
                        libraires publient également la Préface à César qui n’a 
                        pas été inventée de toutes pièces mais probablement 
                        reçue et conservée par le dit César. 
                        
                        Le plagiat est un outil important de ce 
                        processus de postdatation-antidatation. Les contrefaçons 
                        recourent volontiers à une forme de recyclage, 
                        donc de postdatation. Ainsi utiliser des passages 
                        d’Estienne pour exhumer de prétendus textes posthumes 
                        pour ensuite prétendre que les dits textes posthumes 
                        sont en fait parus précédemment du vivant de Nostradamus, 
                        recourt aux deux procédés apparemment contradictoires. 
                        Quand Barbe Regnault publie de faux almanachs de 
                        Nostradamus, dans les années 1560, elle se sert, comme 
                        l’a noté R. Benazra (sur l’almanach pour 1563 (Bibl. Mun. 
                        Lille), cf. RCN, pp. 58 et seq), de quatrains 
                        d’almanachs des années antérieures. Quand l’on met en 
                        place au milieu des années 1580 les premières 
                        productions centuriques, l’on se sert pour les centuries 
                        VI et VII ; de quatrains issus de l’almanach de 
                        Nostradamus pour 1561, ce qui ne sera pas conservé dans 
                        les éditions rouennaises et dans les éditions Antoine du 
                        Rosne 1557 (Budapest/Utrecht) mais qui sera repris dans 
                        les éditions troyennes du siècle suivant, lesquelles ne 
                        veulent rien négliger qui relève de près ou de loin de 
                        la production nostradamique, à l’instar de ce que feront 
                        Chomarat et Benazra, dans les années 80 du XXe siècle, 
                        dans leurs bibliographies respectives... 
                         
                        
                        Un autre aspect que l’on ne saurait 
                        ignorer concerne la production se présentant comme 
                        extra-centurique. On a du mal, au départ, à imaginer que 
                        des faussaires prennent la peine de produire des 
                        ouvrages dans le seul but de conforter l’authenticité 
                        des éditions centuriques antidatées. 
                        
                        Nous avons plusieurs cas de 
                        « confirmations » de ce type : 
                        
                          - 
                          
                          Nostradamus Les Significations de 
                          l’Eclipse de 1559, Paris, Guillaume Le Noir (Maison de 
                          Nostradamus)  
                          - 
                          
                          Antoine Crespin Les Prophéties dédiées 
                          à la puissance divine et à la nation française (BNF 
                          Numérisation), 1572, Lyon, François Arnoullet  
                          - 
                          
                          Jean Dorat et Jean de Chevigny, son 
                          traducteur et présentateur, L’Androgyn, 1570, Lyon, 
                          Michel Jove  
                          - 
                          
                          Les Prophéties, par Antoine Couillard, 
                          1556., Paris, Antoine Le Clerc 
                            - 
                            
                            Ces quatre documents, deux censés 
                            parus du vivant de Nostradamus à Paris et deux 
                            autres, peu de temps après sa mort, à Lyon viennent 
                            tous, à des titres divers accréditer la parution, 
                            avant la date qu’ils comportent de certaines 
                            éditions centuriques alors qu’ils sont, du moins 
                            sous la forme que nous leur connaissons, des pièces 
                            antidatées.. Sur les 4, trois d’entre eux furent 
                            signalés en premier par nos soins en tant que 
                            témoignages. R. Benazra, dans le RCN, signale (p. 
                            18) que l’ouvrage de Couillard « présente une 
                            parodie des Centuries ». alors que cela ne concerne 
                            que des éléments communs avec la Préface centurique 
                            à César. Quant à Chomarat, il ne signale même pas 
                            l’ouvrage qui ne porte pas le nom Nostradamus en son 
                            titre. Benazra cite certes les Prophéties de Crespin 
                            mais seulement au fait du surnom de l’auteur indiqué 
                            et non de par son contenu. De même Benazra cite-t-il 
                            l’Endrogyn (sic) de Jean Dorat – non mentionné par 
                            Chomarat, probablement sur la seule base de la page 
                            de titre qui ne comporte pas le nom de Nostradamus - 
                            mais sans mentionner un passage de l’épitre 
                            comportant un quatrain des centuries, dument 
                            numéroté. De même pour les Significations, citées 
                            mais sans signaler un renvoie à la « seconde 
                            centurie de mes prophéties », déjà utiilisée pour 
                            l’Androgyn de 1570. Une bonne part de ces 
                            observations fut communiquée directement ou 
                            indirectement à Pierre Brind’amour qui les reprit 
                            dans ses ouvrages.(1994, 1996). Mais le probléme, 
                            c’est qu’il eut fallu tenir compte de l’enseignement 
                            crucial lié à l’édition Rouen du Petit Val, 1588 
                            qui, en dépit de son sous titre « divisée en quarte 
                            (sic) centuries n’est pas organisée en centuries. (cf 
                            D. Ruzo, Testament, 
                            p. 282). C’est ce sous titre qui aura d’ailleurs 
                            induit en erreur les faussaires lesquelles, sans 
                            nécessairement consulter le contenu et s’en tenant à 
                            la page de titre, ont pu croire que la première 
                            édition était constituée en centuries. Nous avons 
                            mis en garde, à plusieurs reprises par rapport au 
                            décalage entre titre et contenu d’une édition 
                            centurique.  
                           
                           
                         
                        
                        I Couillard 1556 
                        
                        R. Benazra et quelques autres ont 
                        consacré du temps à montrer à quel point la Préface à 
                        César se retrouvait en grande partie dans les Prophéties de Couillard.(Paris, 1556), n’hésitant 
                        pas à conclure que cela prouvait la réalité de la 
                        parution de l’édition Macé Bonhomme 1555, dont Couillard, 
                        en quelque sorte aurait fait une sorte de commentaire 
                        satirique. C’était aller un peu vite en besogne. D’une 
                        part, parce que Couillard, à aucun moment, ne signale le 
                        moindre quatrain de Nostradamus, n’utilise même le mot 
                        « centurie » (comme dans les Significations de l’éclipse 
                        de 1559). Si au moins il avait, comme dans l’Androgyn 
                        de 1570 (cf infra) repris un quatrain et avait indiqué 
                        dans quelle centurie il se trouvait, mais même pas ou 
                        s’’il avait produit un texte compilant divers versets 
                        comme le fera un Crespin (Prophéties, 
                        1572)…..Pourquoi une telle omission ? Nous avons 
                        développé, durant quelque temps, la thèse selon laquelle 
                        la Préface à César était d’abord parue en tête d’un 
                        autre texte que celui des Centuries et qu’elle avait été 
                        ensuite recyclée et retouchée, comme pour l’Epître à 
                        Henri II, d’abord présente au début des Présages Merveilleux pour 
                        1557. 
                        Le fait que l’ouvrage de Couillard se nommait Prophéties 
                        confirmait en outre que c’était bien sous ce titre – qui 
                        est celui de la série Bonhomme-Du Rosne- que les 
                        premières centuries seraient initialement parues. 
                        Restait à déterminer ce qu’une telle expression 
                        recouvrait dans le contexte de la production 
                        nostradamique des années 1550. Cependant, en 1560, quand 
                        Couillard publie ses Contreditz à Nostradamus, il ne mentionne pas 
                        davantage les centuries et ne « revient » pas sur la 
                        fameuse Préface qu’il avait brocardée 4 ans plus tôt, 
                        pas plus que Nostradamus n’évoquera dans ses autres 
                        textes la dite Préface à César..Les autres adversaires 
                        de Nostradamus, plus ou moins bien identifiés, dans les 
                        années 1550, n’avaient pas non plus signalé les 
                        centuries, visant bien plutôt les almanachs et les 
                        pronostications. Bref, ces Prophéties 
                        de Couillard étaient un cas isolé dans le contexte de 
                        l’époque alors qu’elles étaient en position centrale 
                        dans le revival des années 1580 d’un Nostradamus « ressuscité », 
                        comme on le dira en Angleterre de Claude Dariot, un 
                        médecin astrologue contemporaine de Michel de Nostredame, 
                        de confession protestante. 
                        
                        En fait, ne serait -ce point parce que le 
                        Seigneur du Pavillon, alias Antoine Couillard, s’était 
                        fait connaitre par ses Contreditz, 
                        que l’idée en serait venue aux faussaires de lui 
                        attribuer ce document authentifiant les éditions 
                        centuriques antidatées  sachant que les dits faussaires 
                        étaient fort bien achalandés concernant tout ce qui 
                        touchait de près ou de loin à Nostradamus, sans 
                        d’ailleurs eux-mêmes, savoir toujours s’y retrouver, 
                        confondant l’authentique et les contrefaçons antérieures 
                        aux leurs..Aurait-on, parallèlement, à l’annonce de 
                        l’existence d’éditions avignonnaises parues sous le nom 
                        de « Professies »- c’est le terme utilisé—dès 1555, 
                        comme cela se trouve dans certaines éditions des Grandes et Merveilleuses Prédictions 
                        (1590), mis en chantier ce faux Couillard  dans le style 
                        des Contreditz, 
                        en reprenant bien entendu le texte de la Préface tel 
                        qu’il figurait en tête de toutes les éditions ligueuses ? 
                        Mais pourquoi dans ce cas ne pas avoir évoqué, par la 
                        même occasion, les quatrains centuriques et s’être 
                        focalisé sur la seule Epitre au fils Nostradamus ?  
                        
                        La thèse pour laquelle nous optons 
                        présentement est la suivante : c’est César de Nostredame 
                        lui-même qui aurait commandité les dites Prophéties 
                        de Couillard alors même que les Centuries n’étaient pas 
                        encore parues de façon à authentifier un document qu’il 
                        aurait fait circuler par ailleurs. Rappelons qu’il 
                        n’était pas rare de publier des Epitres se suffisant à 
                        elles-mêmes, et que le terme « préface » a pu apparaitre 
                        par la suite quand ce texte sera placé en tête des 
                        Centuries. Allons plus loin : c’est précisément parce 
                        que cette Epitre à César avait circulé depuis peu qu’on 
                        décida de l’utiliser pour la placer en tête des « Prophéties ». 
                        C’est une pratique qui se confirmera dans la mouvance 
                        nostradamique ou pseudo-nostradamique que de rassembler 
                        en un seul volume des éléments d’abord parus séparément 
                        et qui atteindra son paroxysme encyclopédique avec les 
                        éditions troyennes du début du XVIIe siècle. Signalons 
                        que le texte qui paraitra alors en tête des centuries 
                        reprend largement le 
                        Compendium 
                        de Savonarole, tout en le retouchant à loisir. 
                        
                        II Significations 1559 
                        
                        Parmi les documents que nous avions 
                        signalés, au début des années Quatre Vingt Dix du siècle 
                        passé, comme faisant assez ponctuellement sinon 
                        vaguement allusion à la production centurique, les Significations 
                        de 1559, lesquelles comportaient une mention assez 
                        fugitive et qui avait échappé à nos prédécesseurs, d’une 
                        « seconde centurie », sans qu’on nous en dise beaucoup 
                        plus. Or, l’ouvrage en question – comme l’avait 
                        notamment confirmé Theo Van Berkel, un chercheur 
                        néerlandais, était un document assez hybride, ce 
                        qu’avait signalé l’abbé Torné Chavigny dans une lettre 
                        figurant dans le fac simile des Significations 
                        qui fut réalisé en 1904 (cf. Benazra, RCN), p. 448), 
                        indiquant un emprunt à l’Eclipsium
                        de Cyprian Leovitius. On y trouvait en 
                        fait une certaine diversité de documents, qui se 
                        contredisaient parfois, au niveau même du discours 
                        proprement astrologique. Il s’agissait en fait d’une 
                        épitre à Jacobo Marrasala, datée du mois d’août 1558 et 
                        donc parue, à en croire la pièce en question, sous le 
                        nom de Significations de l’Eclipse 
                        de 1559. La proximité avec la date de l’Epître, recyclée, 
                        à Henri second, passée entre temps de 1556 à juin 1558, 
                        nous oriente non plus vers le corpus ligueur comme pour 
                        la préface à César mais vers le corpus antiligueur, 
                        celui du parti d’Henri de Navarre, puisque l’on sait que 
                        l’Epître au Roi figurera en tête des centuries VIII-X, 
                        dont le contenu est farouchement hostile aux Guises et 
                        prétend annoncer le couronnement du dit Henri à Chartres 
                        (IX, 86). Nous avons émis l’hypothèse que l’Epître 
                        d’août 1558 qui signale la « seconde centurie » avait 
                        précédé celle de juin 1558, en tête de ce que l’on 
                        appellera par la suite le ‘second volet » de centuries ; 
                        Dans ce cas « seconde centurie » renverrait à ce qu’on 
                        appellera la centurie IX. 
                        
                        III Androgyn, 1570 
                        
                        Cette pièce est remarquable en ce qu’elle 
                        est la seule que l’on connaisse, à citer un extrait des 
                        Centuries en se référant au dispositif de localisation 
                        des quatrains, tel qu’il est pratiqué dans les éditions 
                        centuriques. Ce passage n’avait pas été signalé, 
                        cependant, par nos prédécesseurs qui auraient pu en 
                        tirer argument en faveur du premier volet des Centuries, 
                        à laquelle la mention se réfère. C’est bien entendu du 
                        quatrain relatif à l’Androgyn qu’il s’agit.(II, 45), il 
                        est repris dans l’épitre de Jean de Chevigny, le 
                        traducteur du poème latin de Jean Dorat sur ce thème, 
                        que celle-ci introduit, avec la traduction faite par 
                        Chevigny, ancien secrétaire de Nostradamus. 
                        
                        En dehors de cette édition de 1570 du dit 
                        poéme, nous disposons d’un recueil de pièces du dit 
                        Dorat, daté de 1586 au sein duquel se trouve 
                        celui-ci.(cf Benazra, RCN, p. 96) Nous pensons que c’est 
                        en fait l’origine de ce que nous considérons comme une 
                        édition antidatée. Non pas que Dorat n’ait pas composé 
                        l’Androgyn à cette date de 1570 mais elle n’aura pas 
                        connu alors d’impression. Comme ce sera souvent la 
                        coutume, une impression antidatée comporte un texte 
                        correspondant à la date ainsi indiquée, ce sera 
                        évidemment le cas pour la Préface à César datée de mars 
                        1555 et donnant lieu une édition antidatée pour cette 
                        même année et ce fut aussi probablement le cas pour une 
                        édition Antoine du Rosne, 1558, par rapport à l’Epitre 
                        au Roi, du mois de juin de la dite année, étant entendu 
                        que même un texte paru de façon posthume a forcément été 
                        rédigé du vivant de l’auteur, ce qui autorise toutes 
                        sortes de manipulations antidatées. 
                        
                        Il faut au demeurant souligner à quel 
                        point une telle citation est insolite car en 1570 était 
                        censé être parue l’’ensemble des 10 centuries (1568) et a fortiori 
                        la centurie II, dont le quatrain 45 est issu (Editions 
                        1555, 1557). Or, Jean de Chevigny, en août 1570, semble 
                        faire une faveur à son dédicataire, le Président Larcher, 
                        en lui transmettant le dit quatrain. Nous en avions 
                        conclu, à un certain moment de notre recherche et de 
                        notre réflexion, que cela témoignait pour le moins d’une 
                        circulation sous le manteau, manuscrite, ou en tout cas 
                        fort peu accessible. Mais il nous semble exclu qu’à 
                        cette date, les quatrains aient été déjà désignés comme 
                        ce sera le cas dans les années 1580, d’autant que Ruzo 
                        nous signale (Testament 
                        de Nostradamus, 
                        op. Cit.,p. 282 ) que la première édition connue à 4 
                        Centuries (Rouen, 1588) ne comportait pas, contrairement 
                        à son titre – et l’on sait à quel point les titres 
                        peuvent être décalés par rapport au contenu du volume 
                        sur lequel ils sont apposés- de classement par centurie. 
                        Il est possible que ce document émane de Jean Aimé de 
                        Chavigny, l’auteur du Janus Gallicus, 
                        qui prétendait ne faire qu’un avec Jean de Chevigny. 
                          
                        
                        IV Prophéties à la puissance divine, 1572 
                        
                        Abordons enfin un ouvrage et un auteur 
                        auquel nous avons consacré beaucoup de temps, Antoine 
                        Crespin et sa production nostradamique. 
                        Au départ, nous avions pensé que les faussaires avaient 
                        utilisé le travail de Crespin pour produire une partie 
                        des Centuries. L’œuvre de Crespin, auteur dont on ne 
                        sait rien en dehors des nombreux fascicules parus sous 
                        son nom et dont il n’existe aucun élément d’ordre 
                        biographique par ailleurs, est littéralement truffée de 
                        modules que l’on retrouve dans les Centuries, tant 
                        celles du premier que du second volet, ce qui 
                        attesterait de l’existence de l’édition à deux volets 
                        Benoist Rigaud 1568, sauf, évidemment, à admettre que ce 
                        serait plutôt Crespin qui aurait inspiré les rédacteurs 
                        des Centuries. Or, comme les deux volets appartiennent à 
                        des camps opposés, il semble assez peu probable qu’ils 
                        aient recouru à une même source. Notons ainsi que le 
                        recours à la Guide des Chemins de France est réservé au 
                        second volet et que le recours à des données 
                        astronomiques est surtout, mais pas exclusivement, le 
                        fait du premier volet, chaque volet ayant ses sources 
                        propres... 
                        
                        Nous avions été notamment frappés par un 
                        texte de Crespin –une 
                        Démonstracion- 
                        paru à Lyon, chez Jean Marcorelle, consacré à une Comète 
                        de 1571 (cf. RCN, p. 99)- dont le privilège est visé par 
                        monsieur L’Archer, « superintendant pour le Roy sur la 
                        Justice de Lyon » dont on a vu qu’il était le 
                        dédicataire de 
                        l’Androgyn, 
                        censé être paru également à Lyon, en 1570. Ce texte 
                        hostile au pape, en effet comportait le verset «  Roy de 
                        Bloys en Avignon régner » qui figure à deux reprises- ce 
                        qui est rarissime- au second volet.(VIII, 38 et VIII 
                        52). La seconde occurrence (VIII, 52) témoigne de 
                        l’usage de la Guide des Chemins de France, 
                        en ce que le quatrain réunit de nombreux lieux situés 
                        sur la Loire. Mais précisément ce verset apparait comme 
                        surajouté dans un deuxième temps et concerner les 
                        attaques du camp protestant contre le pape. 
                        
                        Ce Crespin n’était pas inconnu sous la 
                        Ligue. On publie de lui, en 1590 , chez Pierre Ménier, 
                        qui est un des libraires parisiens de la Ligue dont le 
                        nom est attaché à la production des Prophéties de M. Nostradamus 
                        (1589) La Prophétie Merveilleuse 
                        qui couvre plusieurs années à commencer par 1590 
                        jusqu’en 1598. L’épitre, datée de mars 1589, année de 
                        l’assassinat d’Henri III, qui eut lieu au mois d’août 
                        (cf. Benazra, RCN, pp. 127-128) est adressée à Charles 
                        X, un prétendant Bourbon, catholique, qui prend ainsi le 
                        titre de roi de France avant même la mort du Valois, au 
                        mois d’août, déconsidéré par l’assassinat duc de Guise, 
                        en 1588 et auquel il est reproché ses contacts avec 
                        Henri de Navarre. Est-ce à dire que le dit Crespin est 
                        une invention ligueuse ? On ne saurait soutenir ce point 
                        de vue puisque l’on a vu qu’il empruntait à des 
                        quatrains du second volet et s’en prenait au pape. 
                        Certes, cette Prophétie Merveilleuse 
                        est-elle typiquement un document que ne pouvait que 
                        rejeter le futur Henri IV mais il nous semble qu’il 
                        s’agit d’une tentative pour récupérer le dit Crespin au 
                        profit de la Ligue, en compilant d’ailleurs d’autres 
                        textes du dit Crespin visant des années bien antérieures.  
                        
                        On aura compris que pour nous Crespin, 
                        qui se dit Archidamus puis Nostradamus et dont la 
                        plupart des publications imitent la vignette des 
                        pronostications de Nostradamus est d’abord du côté 
                        protestant en empruntant comme dans le texte daté de 
                        1571 au « second volet ». Mais le principal document est 
                        constitué par les Prophéties dédiées à la puissance 
                        divine et à la nation française, 
                        Lyon 1572. Ce sont là des années fictives comme pour les 
                        éditions ligueuses des Centuries avec des ajustements 
                        d’une édition à l’autre, d’une année sur l’autre. Avec 
                        ce lot impressionnant de quatrains, véritable 
                        compilation des deux volets, dans le style du Janus Gallicus 
                        (1594), nous passons carrément au règne d’Henri IV quand 
                        les deux corpus de quatrains, le ligueur et le 
                        protestant coexistent, encore que Crespin ne signale pas 
                        qu’il emprunte les dits textes à Nostradamus. Crespin 
                        qui va jusqu’à citer, en date de 1573, dans un de ses 
                        textes, l’Epitre à Henri Second, datée de juin 1558 – 
                        pas la vraie de 1556 - ce qui permet d’en attester 
                        l’existence au début des années 1570. Cette référence se 
                        trouve dans l’Epître à la Reyne mère. 
                        (cf. RCN, p. 105). Nos prédécesseurs n’ont pas relevé 
                        davantage cette référence à l’épitre au Roi. Là encore, 
                        une telle référence à l’Epitre de juin 1558 permet de 
                        situer la rédaction et la publication de la dite Epitre 
                        au plus tôt au milieu des années 1590 quand la dite 
                        épitre redatée 1558 est placée en tête du second volet 
                        instrumentalisé par le camp réformé.  
                        
                        Il nous semble donc envisageable de 
                        considérer que le dit camp réformé aura préféré se 
                        servir du néo-nostradamiste Crespin-Nostradamus plutôt 
                        que de Nostradamus pour défendre sa cause, à moins qu’il 
                        n’ait été carrément inventé dans les années 1580. Cela 
                        permet ainsi de rééquilibrer le débat car l’on ne 
                        disposait que des éditions ligueuses et l’on pouvait 
                        s’interroger sur la substance de la production 
                        nostradamique du camp opposé d’autant que celui-ci par 
                        la suite sera bel et bien porteur d’une série de 
                        centuries de quatrains et d’une épitre à Henri II. 
                        Crespin serait le chaînon manquant et l’on comprend 
                        mieux l’ampleur de la production qui parait sous son nom 
                        puisqu’elle fait pendant à celle de l’autre camp. Ce 
                        n’est que par la suite, nous apparait-il, que Crespin 
                        sera abandonné- non sans avoir été récupéré en 1590 par 
                        le camp ligueur (cf. supra) – ce qui était de bonne 
                        guerre- et que la production qui lui avait été attribuée 
                        par le camp d’Henri de Navarre sera recyclée sous le nom 
                        de Nostradamus.  
                        
                        JHB 
                        
                        17. 05.11 
                          
                        
                        36 - Avatars des mentions de dates, de nombres de centuries et de quatrains au titre des 
                        éditions. 
                          
                        
                        Le corpus centurique est extrêmement 
                        difficile à traiter et à ordonner en raison 
                        d’informations souvent contradictoires ou incompatibles 
                        entre elles. Le problème est sensiblement aggravé par le 
                        fait que les pages de titres ne coïncident pas forcément 
                        avec leur contenu et manquent souvent, pour le moins, de 
                        précision. On a parfois des bribes : on nous signale des 
                        additions mais on ne sait pas à quoi, on nous parle 
                        d’une addition à une « dernière centurie », d’un 
                        supplément de 300 quatrains mais quand on fait la somme 
                        des quatrains, cela ne correspond pas. Daniel Ruzo, en 
                        1975 (en espagnol) puis en 1982 (Le 
                        Testament de Nostradamus, 
                        Ed Rocher, pp. 279 et seq) développa la thèse selon 
                        laquelle dès l’origine, les centuries seraient parus à 
                        Lyon sous le titre « Prophéties » et à Avignon sous 
                        celui de ‘ »Grandes et Merveilleuses Prédictions », 
                        titre qui est attesté par les éditions de Rouen (1589) 
                        et d’Anvers (1590). Ruzo possédait dans sa bibliothèque, 
                        depuis dispersée, des éditions rouennaises de 1588 et 
                        1589, l’exemplaire de cette dernière étant au demeurant 
                        incomplet dans ses dernières pages. On ignore où les 
                        originaux de ces deux éditions se trouvent présentement. 
                        Il avait également une édition (Pierre Valentin) datée 
                        de 1611 du même type (désormais conservée à la Maison de 
                        Nostradamus, à Salon de Provence) 
                        .En revanche, l’édition d’Anvers, offrant en gros les 
                        mêmes caractéristiques est conservée à Paris, à la 
                        Bibliothèque de l’Arsenal. 
                        
                        Le chercheur qui aborde le corpus 
                        centurique, tel qu’il se présente sous la Ligue, par le 
                        biais des éditions rouennaises risque de ne pas 
                        développer la même perception que s’il avait débuté par 
                        celui des éditions parisiennes.  
                        
                        Nous disposons de trois éditions 
                        rouennaises et d’une édition anversoise, qui en est très 
                        proche, notamment au titre assez grandiloquent qui jure 
                        avec la sobriété des éditions parisiennes, uniquement 
                        désignées par le mot « Prophéties » : Grandes et merveilleuses Prédictions 
                        (..) Esquelles se voit représenté une partie de ce qui 
                        se passe en ce temps, tant en France, Espaigne, 
                        Angleterre que autres parties du monde 
                        
                        Tous ces documents portent des titres 
                        avec des indications chiffrées :  
                        
                        Rouen 1588 (Raphaël du Petit Val) « divisées 
                        en quarte (sic) centuries 
                        
                        Rouen 1589 (Raphaël du Petit Val » « dont 
                        il en y a (sic)trois cents qui n’ont encores jamais esté 
                        imprimées » 
                        
                        Anvers 1590 (François Sainct Jaure) « dont 
                        il en y a (sic) trois cents qui n’ont encores jamais 
                        esté imprimées » 
                        
                        Rouen 1611 
                        (Pierre Valentin) « contenant sept centuries dont il en 
                        y a (sic) trois cents qui n’ont encores jamais esté 
                        imprimées » 
                        
                        En ce qui concerne les éditions 
                        parisiennes, des chiffres sont également fournis mais 
                        uniquement de façon supplétive :  
                        
                        Paris 1588 : «  additionnées (…) de 39 
                        articles à la dernière centurie » 
                        
                        Quant aux éditions censées parue du 
                        vivant de Nostradamus, celle de Macé Bonhomme 1555 ne 
                        comporte aucun chiffre en son titre tandis que celles 
                        d’Antoine du Rosne (tant Budapest qu’Utrecht) comportent 
                        la même mention que certaines éditions rouennaise : « dont 
                        il en y a (sic) trois cents qui n’ont encores jamais 
                        esté imprimées », avec la même inversion « dont il en y 
                        a ». Mais rappelons que les éditions parisiennes 
                        comportent aussi la mention « dont il en y a (sic) trois 
                        cents qui n’ont encores jamais esté imprimées » mais 
                        sans la faute propre aux éditions de Rouen et d’Anvers. 
                        
                        Tel est l’état brut des lieux.. 
                        
                        Quelles premières conclusions peut-on 
                        tirer ? Rappelons préalablement que, selon nous, les 
                        titres des éditions parisiennes conservées ne 
                        correspondent pas à leur contenu. On nous parle de 39 
                        articles « additionnées » mais on ne voit pas à quoi 
                        cela correspond quand on les ouvre. Cependant, il y a 
                        une indication d’addition mais elle se trouve dans la 
                        centurie IV, au-delà du 53e 
                        quatrain, laquelle centurie est à 100 quatrains tout 
                        comme la Ve. Nous pensons que cette addition désigne la 
                        centurie VII, mais concerne un contenu plus tardif, 
                        comme si l’on avait apposé à une ancienne édition un 
                        intitulé plus récent. De même nous pensons que l’édition 
                        rouennaise à 4 centuries est une réédition d’une 
                        impression plus ancienne. Nous dirons également que 
                        l’édition Valentin 1611 est une réédition d’une pièce 
                        sensiblement plus ancienne. On notera que si l’on peut 
                        antidater un document pour une date déjà passée, on ne 
                        peut postdater un document au plus tard que pour l’année 
                        en cours. On n’imagine pas un libraire publiant un texte 
                        daté d’une année non encore advenue, ce qui n’empêche 
                        pas d’annoncer une date à venir au titre. 
                        
                        Focalisons-nous sur l’édition Antoine du 
                        Rosne 1557–Budapest, étudiée par R. Benazra (1983) et G. 
                        Morisse (2004)- dont on a dit qu’elle semblait se placer 
                        à la jonction entre éditions rouennaises et parisiennes, 
                        de par la corruption du titre. Elle comporte, rappelons-le, 
                        le mot « Prophéties » au titre, lequel est absent des 
                        éditions rouennaises ainsi que de l’édition anversoise 
                        et c’est ce titre, très sobre, moins grandiloquent, qui 
                        s’imposera pour la réalisation de ce que nous 
                        considérons comme des éditions antidatées (1555-1557- 
                        1566- 1568), titre néanmoins voué à une fortune 
                        remarquable en ce qu’il contribuera singulièrement à 
                        l’image d’un Nostradamus, « prophète » et qui sera 
                        repris au XVIIe siècle par les éditions troyennes 
                        (1605-1611) de préférence à un autre dont elles 
                        ignoraient probablement l’existence, sur la base du 
                        corpus dont elles disposaient. . . 
                        
                        A un certain stade, donc, le corpus des 
                        éditions « Prophéties » est en contact avec le corpus 
                        des éditions « Grandes et Merveilleuses Prédictions », 
                        il en sort un titre hybride qui relève des deux corpus 
                        concurrents selon un dosage assez savant. Du Rosne 1557 
                        Budapest – qui sera copié par Du Rosne 1557- Utrecht- 
                        récupère la formule « dont il en y a (sic) trois cents 
                        qui n’ont encores jamais esté imprimées », laquelle 
                        reste assez obscure en ce que l’on ne nous dit pas, au 
                        titre, combien au total il y a de quatrains mais 
                        uniquement combien on en aurait rajouté. Or, quand on 
                        prend connaissance du volume, on trouve une centurie VII 
                        à 40 quatrains, qui ne semble pas correspondre au titre 
                        mais qui, en revanche, correspond d’assez près, à un 
                        quatrain de différence, à celui des éditions parisiennes 
                        « additionnées de 39 articles », qui sont donc à 7 
                        centuries (si l’on fait abstraction de leur contenu). 
                        
                        Autrement dit, l’édition Du Rosne 
                        Budapest est à 7 centuries mais semble indiquer en son 
                        titre une édition à six centuries, l’addition à la 
                        centurie IV ayant été absorbé par un nouvel ensemble de 
                        trois centuries (IV, V et VI). Elle mériterait de porter 
                        le titre de l’édition Valentin 1611 (conservé à la 
                        Maison de Nostradamus, Salon de Provence ) « contenant 
                        sept centuries » si le titre de la dite édition Valentin 
                        ne se prolongeait pas par «  dont il en y a trois cens 
                        qui n’ont encores iamais esté imprimées », ce qui fait 
                        abstraction de l’addition à la VII. Ce titre de 1611 est 
                        d’ailleurs insolite et hybride dans sa construction : 
                        Les Centuries (…) contenant sept centuries dont il en y 
                        a trois cents… »Il est évident qu’il n’y a pas trois 
                        cents centuries et que trois cents renvoie à un nombre 
                        de quatrains, et qui sont appelés « prophéties » dans 
                        les éditions Du Rosne et Rigaud ainsi que dans les 
                        éditions parisiennes.  
                        
                        On nous objectera que l’on ne saurait 
                        exclure une autre hypothèse, à savoir que ce seraient 
                        les éditions de Rouen et Anvers qui auraient emprunté la 
                        faute au titre à l’édition Antoine du Rosne Budapest 
                        1557, ce qui poserait le problème de la date de la 
                        fabrication de cette contrefaçon dont nous avons dit 
                        qu’elle était sensiblement antérieure à Antoine du Rosne 
                        Utrecht. Serait-elle antérieure à Rouen Du Petit Val 
                        1589  qui comporte cette erreur ? Pour nous, c’est 
                        effectivement la première génération de fausses éditions 
                        centuriques antidatées avec l’édition Rouen 1588 à 4 
                        Centuries dont nous avons dit qu’elle reprenait 
                        probablement une édition antérieure étant entendu 
                        qu’elle fait suite au contenu des éditions parisiennes, 
                        qui sont un chainon intermédiaire entre une édition à 53 
                        quatrains à la IV, donc postérieure à Rouen Du Petit Val 
                        1588 qui n’a encore que 49 quatrains à la IV, et la dite 
                        édition Du Rosne Budapest à 7 centuries.(qui correspond 
                        quant à elle au titre des dites éditions parisiennes 
                        mais non, cette fois, à leur contenu). Notons que l’on 
                        ignore le contenu des centuries VI e VII de Rouen Du 
                        Petit Val 1589 car le seul exemplaire disponible est 
                        tronqué. (cf. copie dans la collection Mario Gregorio 
                        (site propheties.it), et à la Bibliotheca Astrologica, 
                        Paris). On ne peut que supposer qu’il est assez proche 
                        de celui d’Anvers 1590 mais aussi de celui de Pierre 
                        Valentin 1611 qui a moins de quatrains à la VII 
                        qu’Anvers. Il lui manque le quatrain 2, le 33 et le 35, 
                        mais en revanche, on y trouve le quatrain 8 qui n’est 
                        pas dans l’édition Anvers( la désignation des quatrains 
                        , soulignons-le, se réfère à Antoine du Rosne Budapest, 
                        mais il est clair que l’on ne saurait souscrire à la 
                        thèse de quatrains qui auraient disparu et que l’on 
                        aurait retrouvés, l’autre thèse d’une addition de 
                        quatrains, par la suite, nous semblant plus envisageable) 
                        
                        En effet, Antoine du Rosne Budapest est 
                        plus « complet » qu’Anvers 1590 et Rouen 1611 (dont la 
                        date est évidemment celle d’une réédition) et devrait 
                        donc lui être postérieur mais si c’est le cas ce serait 
                        bien Du Rosne Budapest qui aurait emprunté l’’erreur « dont 
                        il en y a « aux éditions Rouen-Anvers  et pas l’inverse. 
                        Or, à la fin d’Anvers St Jaure, il est fait mention 
                        d’éditions datant du vivant de Nostradamus avec la date 
                        de 1555. (Pierre Roux, Avignon). Est-ce qu’Antoine du 
                        Rosne Budapest ne serait pas la réédition supposée de la 
                        dite édition 1555 et ne serait-elle pas marquée par une 
                        faute figurant dans cette édition non retrouvée ? Dans 
                        ce cas, les faussaires d’Antoine du Ronse 1557 
                        n’auraient pas été en contact direct avec les éditions 
                        Rouen-Anvers mais avec une contrefaçon 1555 comportant 
                        les mêmes caractéristiques. On voit qu’il faut se garder 
                        de conclusions trop hâtives en ce qui concerne les 
                        sources car dans bien des cas, le lien est indirect et 
                        biaisé. 
                        
                        On supposera donc qu’Antoine du Rosne 
                        1557 est influencé par Pierre Roux 1555, lui-même 
                        influencé et annoncé par Anvers 1590, avec quelques 
                        quatrains supplémentaires, ce qui rejaillira sur Antoine 
                        du Rosne 1557 Utrecht (avec deux quatrains 
                        supplémentaires) 
                        
                        Anvers 1590 
                        
                        «  Fin des professies de Nostradamus 
                        réimprimées de nouveau sur l’ancienne impression 
                        imprimée premièrement en Avignon par Pierre Roux 
                        Imprimeur du Légat en l’an mil cinq cens cinquante cinq. 
                        Avec privilège du dit seigneur » (Bib. Arsenal). La 
                        formule « avec privilège » trouve un écho dans le fait 
                        que l’édition Macé Bonhomme comporte cette mention en sa 
                        page de titre et une forme de privilège au verso, ce qui 
                        ne se pratiquera plus ensuite. 
                        
                        On notera toutefois la formule 
                        inhabituelle à l’époque, sauf chez les adversaires : « Professies 
                        de Nostradamus » sans le prénom et sans une formule de 
                        respect (M., Maistre€), ce qui pourtant est le cas au 
                        titre. On comparera d’ailleurs avec la formulation plus 
                        civile de Rouen 1611. Elle atteste en tout cas d’un 
                        succès populaire.  
                        
                        Rouen 1611 
                        
                        « Fin des Centuries et merveilleuses 
                        prédictions de maistre Michel Nostradamus de nouveau 
                        imprimées sur l’ancienne impression, premièrement 
                        imprimée en Avignon, par Pierre le Roux (sic, au lieu de 
                        Pierre Roux, libraire attesté), imprimeur du Légat » 
                        
                        Mais comment expliquer que l’on désigne 
                        par « Professies » une édition de 1555 alors que le 
                        titre anversois de 1590 ne comporte même pas ce mot ? On 
                        retrouve donc au sein même d’Anvers 1590 la dualité des 
                        deux titres, ce qui compromet la thèse de Ruzo qui 
                        voyait dans le titre « Grandes et merveilleuses 
                        prédictions » la marque des éditions Avignon 1555.En 
                        fait, Anvers 1590 choisit de nommer « Prophéties » les 
                        anciennes éditions parues du vivant de Nostradamus, 
                        titre qui rappelons-le était en usage dans les éditions 
                        parisiennes de la Ligue. C’est dire les intercalations 
                        et les interférences entre les diverses éditions. 
                         
                        
                        Citons Ruzo (Testament, 
                        op. cit. , p. 279) : 
                        
                        « Les éditions d’Avignon ont paru 
                        parallèlement à celles de Lyon avec un titre différent. 
                        Malheureusement, la totalité des exemplaires de ces 
                        éditions publiées du vivant de Nostradamus a disparu. 
                        Nous sommes obligés d’en chercher les traces dans des 
                        éditions très postérieures à leurs premières 
                        publications. C’est dans ces reproductions que nous 
                        avons trouvé le titre que portaient les deux plus 
                        anciennes de ces éditions d’Avignon, Les Grandes et Merveilleuses 
                        prédictions de M. Michel Nostradamus »’ 
                        
                        Ruzo signale (Testament, 
                        op. cit. p. 281) que le privilége de 1611 comporte bien 
                        « Grandes et merveilleuses prédictions ». Nous situerons 
                        l’original de cette édition un peu avant Anvers 1590, au 
                        vu de la centurie VII disposant de moins de quatrains. 
                        On a dit qu’elle faisait pendant à Antoine du Rosne 1557 
                        Budapest en ce qu’elle annonçait carrément 7 centuries, 
                        faisant suite à Rouen 1588 annonçant 4 centuries( mais à 
                        ce stade sans prétention antidatée mais plutôt postdatée, 
                        par rapport la date de la préface, 1555). On a noté 
                        aussi la redondance au titre (qui elle peut être tardive 
                        puisque Rouen 1611 est forcément, dans le contexte 
                        abordé, une réédition d’une autre édition disparue) : 
                        Centuries (…) contenant sept centuries » et « dont il en 
                        y a trois cents », ce qui ne renvoie plus aux centuries 
                        mais à des quatrains, c'est-à-dire à des « prophéties ».(Paris 
                        1588-1589) ou à des « prédictions » (Rouen 1589 ; Anvers 
                        1590). Le titre Valentin est perturbé : on devrait 
                        trouver « Prédictions dont il en y a trois cents «  ou 
                        bien « Prédictions contenant sept centuries », sur le 
                        modèle Rouen 1588 ‘Prédictions divisées en quarte(sic) 
                        Centuries ». Quant au fait que l’on ait remplacé « Grandes 
                        et merveilleuses prédictions » par « Centuries et 
                        merveilleuses prédictions », ce n’est qu’une maladresse 
                        de plus dont on ignore à quel stade elle est apparue. On 
                        retiendra que nous parvenons là à une formulation 
                        récapitulative à 7 centuries (Rouen 1611, reprise d’une 
                        édition antérieure) qui semble devoir clore un processus 
                        engagé sur la base de 4 centuries (Rouen 1588). Quant à 
                        la date de 1611, elle fait également question car à 
                        cette date, c’est un cas très rare d’une édition ne 
                        comportant que 7 centuries, sans adjonction d’un volet 
                        supplémentaire à 3 centuries. Tout se passe comme si 
                        l’on avait voulu faire paraitre, en 1611, un stade 
                        antérieur de la formation des centuries, ce qui 
                        attesterait d’une stratégie de rééditions d’éditions 
                        plus anciennes se voulant elles-mêmes reprises 
                        d’éditions datées de 1555 (mention de cette année chez 
                        St Jaure mais pas chez Valentin qui ne donne pas d’année). 
                        Par la suite, ce sont les années 1556 et 1558 qui 
                        figureront au titre de nombre d’éditions du XVIIe 
                        siècle, à commencer, pour rester sur Rouen, l’édition 
                        1649, parue sous la Fronde. elle a pour titre Les vrayes centuries de Me Michel 
                        Nostradamus (..) revues & corrigées suyvant les 
                        premières éditions imprimées en Avignon en l’an 1556 & à 
                        Lyon en l’an 1558 avec la vie de l’autheur 
                        La formule sera reprise l’année suivante à Leyde, chez 
                        Pierre Leffen, en Hollande sous un titre augmenté : Les Vrayes Centuries et Prophéties….titre 
                        qui sera celui des éditions d’Amsterdam 1667 et 1668 
                        ainsi que de Paris, chez Jean Ribou, d’après les dites 
                        éditions, est-il indiqué au titre en la même année 1668. 
                        Décalage de 1555 (Avignon) à 1556 et de 1557 (Lyon) à 
                        1558, 
                        bien que 1558 puisse valoir pour le second volet, 
                        disparu, d’Antoine du Rosne Utrecht.….Rappelons qu’il 
                        est question d’une édition Sixte Denyse, Lyon, 1556, 
                        mentionnée, dès 1584, dans la Bibliothèque de La Croix 
                        Du Maine (cf. RCN, pp17-18) si ce n’est qu’elle concerne 
                        « Les quatrains ou prophéties de Nostradamus » et que 
                        selon nous, cela ne vise pas à cette date de 1584 les 
                        centuries au sens où le terme sera entendu à partir de 
                        la fin des années 1580 mais un almanach avec ses 
                        quatrains mensuels désignés sous le nom de prophéties, 
                        comme ce sera le cas dans les éditions parisiennes : 
                        Prophéties dont il y en a 300 cents etc. » 
                        
                        Il semble qu’il y ait antériorité de 
                        Valentin Rouen 1611 par rapport à St Jaure 1590, du fait 
                        d’un nombre moindre de quatrains à la VII. L’édition 
                        1611 ne mentionne pas le mot « professies » (sic) in fine 
                        à la différence de St Jaure mais reprend purement et 
                        simplement le titre de couverture. Il est bien difficile 
                        – de déterminer ce qui a pu être modifié jusqu’en 1611 à 
                        partir d’un original qui ne nous est pas parvenu mais 
                        dont on peut supposer qu’il était très proche d’Anvers 
                        1590. On notera d’ailleurs l’absence de mention de l’an 
                        1555 chez Valentin 1611. On assiste là à des états 
                        successifs de formation de la centurie VII, dont 
                        l’édition Du Rosne 1557 Budapest ne fait que 
                        correspondre à un état plus avancé à 40 quatrains en 
                        rappelant l’existence de stades encore plus anciens, 
                        attestés par les éditions parisiennes en leur contenu. 
                        En revanche, le titre (oublions ici le contenu) des 
                        dites éditions parisiennes convient tout à fait à une 
                        édition dont la VIIe centurie ne comprendrait que 39 
                        quatrains, ce qui constituerait un état intermédiaire 
                        entre Anvers 1590 (à 35 quatrains à la VII) et Du Rosne 
                        Budapest 1557.(à 40 quatrains à la VII), à moins que 
                        cela n’ait à voir avec le fait que la centurie VI dans 
                        ces éditions n’a que 99 quatrains à la VI.(soit 40-1= 
                        39). .Un grand absent est le cas de l’édition à six 
                        centuries qui se place entre les éditions parisiennes (contenu) 
                        et les éditions parisiennes (titre) avec entre temps la 
                        suppression mais non le remplacement de VI, 100 (rétabli 
                        par la suite dans le Janus Gallicus 
                        et dans les éditions troyennes). L’édition Budapest 1557 
                        ne comporte même plus l’avertissement latin, indiquant 
                        l’existence d’une édition antérieure à six centuries Cet 
                        avertissement (restitué dans Antoine du Rosne Utrecht) 
                        sera rétabli par les éditions troyennes, fort bien 
                        documentées qui tenteront de restaurer l’ensemble à 
                        partir de diverses pièces réunies, mais néanmoins sans 
                        VI, 100... 
                         
                        
                        Ruzo donne (Testament, 
                        p. 282) des détails précieux sur les exemplaires qu’il a 
                        en sa possession et notamment Rouen 1588 ; 
                        
                        « Dans l’édition de Raphaël du Petit Val 
                        (…) les quatrains ne sont pas séparés en Centuries. Les 
                        349 quatrains sont précédés non seulement de l’en-tête 
                        « Prophéties de Maistre Michel Nostradamus » mais encore 
                        par un autre titre, antérieur, « La Prophétie de 
                        Nostradamus ». A nouveau, force est de constater un 
                        décalage entre le titre « divisées en quarte centuries » 
                        et le contenu qui est constitué d’un ensemble de 349 
                        quatrains mis à la suite les uns des autres. Quant à 
                        l’autre titre « La Prophétie de Nostradamus », il fait 
                        écho à l’édition d’Anvers 1590, mentionnant in fine « Professies de Nostradamus ». Ruzo nous 
                        met ainsi sur la voie de la toute première mouture des 
                        quatrains de Nostradamus (hors Présages des almanachs). 
                        On aurait utilisé un singulier et ce n’est qu’ensuite, 
                        que chaque quatrain aurait, du moins dans les éditions 
                        1557-1558- 1568 était qualifiée de prophéties, au 
                        pluriel. Notons cependant que le second volet des dites 
                        Prophéties s’intitule «  Les Prophéties de M. Michel 
                        Nostradamus. Centuries VIII. IX. X qui n’ont encores 
                        iamais esté imprimées », reprenant la formule « qui 
                        n’ont encores jamais esté imprimées » non plus en 
                        l’apposant comme pour le premier volet à Prophéties mais 
                        à Centuries. De nos jours, il est rare que les 
                        nostradamologues emploient « prophéties » comme synonyme 
                        de quatrains, le terme désigne désormais soit l’ensemble 
                        centurique, ce à quoi correspondrait mieux, dans ce cas, 
                        l’usage du singulier : la Prophétie de Nostradamus. 
                        
                        . Nous ne suivrons pas Ruzo dans la 
                        direction qu’il propose. Certes, les deux titres ont-ils 
                        coexisté dans les années 1588-1590. De là à croire 
                        qu’ils coexistèrent en une période pour nous 
                        immédiatement antérieure, même dans le cadre de 
                        chronologies fictives- ce qui nous intéresse ici – pour 
                        Ruzo ces chronologies ne le sont nullement, c’est une 
                        toute autre affaire. Ruzo n’a pas accordé assez 
                        d’importance au fait que dans l’édition d’Anvers 1590, 
                        le titre proposé pour 1555 est bien « Professies » et 
                        non « Grandes et Merveilleuses Prédictions ». C’est 
                        uniquement dans l’édition Pierre Valentin 1611 que la 
                        substitution aura été tentée avec une référence à une 
                        édition avignonnaise « Pierre Le Roux (sic) appelée 
                        « Centuries et Merveilleuses Prédictions », sans que 
                        l’on sache si cette mention était dans l’original des 
                        années 1580 (avec moins de quatrains à la VII) ou n’est 
                        apparue qu’ultérieurement entre temps (c'est-à-dire 
                        1611).  
                        
                        Ruzo n’oublié pas l’édition rouennaise 
                        1649 (Testament 
                        , 
                        op. cit. p. 283) dont il note qu’elle se référe en leur 
                        titre à des éditions de 1556 (Avignon) et 1558 (Lyon), 
                        et que la liste des pays concernés s’est élargie à 
                        l’Italie et à l’Allemagne. Pour Ruzo, chaque édition 
                        lyonnaise des « Prophéties » aurait été jumelée avec une 
                        édition avignonnaise « Grandes et merveilleuses 
                        prédictions », la mention au titre des éditions du XVIIe 
                        siècle, à partir de 1649, à Rouen, des éditions 1556 et 
                        1558 aurait été simplement fonction des éditions alors 
                        conservées et seul le hasard aurait conduit à ce que 
                        l’édition conservée la plus ancienne serait celle 
                        d’Avignon. 
                        
                        Désormais « Vrayes Centuries » remplace Grandes et Merveilleuses Prédictions », 
                        elle englobe la partie biographique du Janus Gallicus 
                        sous le nom de « Vie de l Autheur », elle a rétabli le 
                        quatrain 100 de la Vie centurie. Autrement dit, ce que 
                        ne reléve pas Ruzo, elle doit beaucoup aux éditions 
                        troyennes et à leur entreprise encyclopédique. Le mot « Prophéties 
                        «  ne figure pas au titre. Il sera rajouté dans les 
                        éditions hollandaises qui en émanent et ce dès 1650, à 
                        Leyde puis en 1667 et 1668. : les Vrayes Centuries et 
                        Prophéties. Il faudra attendre le XVIIIe siècle pour que 
                        le titre « Prophéties », tout court, s’impose, avec la 
                        vraie contrefaçon avignonnaise- puisque celle signalée 
                        en 1590 n’est qu’une invention- de l’édition Pierre 
                        Rigaud, Lyon 1566. Ces éditions hollandaises poursuivent 
                        l’orientation donnée par les éditions troyennes en 
                        récupérant de façon syncrétique tout ce qui touche à 
                        Nostradamus. Elles associent ainsi le titre rouennais de 
                        1649 (Vrayes Prophéties) au titre troyen « Prophéties » 
                        (cf RCN, pp. 191 et seq 
  
                        
                        JHB 
                        
                        15. 05. 11 
                        
                        37- Nostradamus : le cas 
                        Fontbrune révisité 
                        par Jacques HalBronn 
                         
                        En 2006, les Editions Privat - qui ont racheté Le Rocher- 
                        ont publié de Jean-Charles de Fontbrune, 1555-2025. 470 
                        ans d'histoire prédits par Nostradamus. L'auteur y est 
                        présenté comme "le spécialiste incontesté en France et à 
                        l'étranger des écrits de Nostradamus". La formule ne 
                        saurait être admise à moins que l'on ne se fasse une 
                        idée très spéciale de sa signification et de sa portée. 
                        Voilà donc 28 ans que Fontbrune a publié la première 
                        édition de son Nostradamus, historien et prophéte, au 
                        Rocher, où paraîtra, peu et après, et probablement dans 
                        la foulée, l'ouvrage de Daniel Ruzo, en 1982, Le 
                        Testament de Nostradamus. Mais en fait, le fils de Max 
                        de Fontbrune peut se targuer d'étudier la question 
                        depuis une quarantaine d'années. Quant à l'ouvrage paru 
                        en 2006, il ne fait le plus souvent que reprendre des 
                        éditions antérieures du même Jean-Charles de Fontbrune. 
                        Etrangement, comme dans les Centuries, les coquilles se 
                        multiplient et ne sont pas corrigées d'une édition à 
                        l'autre comme si l'on n'avait pu demander à quelqu'un de 
                        toiletter par exemple la bibliographie curieusement 
                        désignée sous le nom de "ouvrages critiques" (pp. 532 et 
                        seq) : sous ce titre l'on retrouve en vrac - le seul 
                        ordre étant alphabétique - les publications les plus 
                        diverses de par leur ton comme de par leur époque de 
                        parution (supposée). Cette bibliographie contient pèle 
                        mêle ouvrages du XVIe et du XXe siècle et il nous a plu 
                        de nous y arrêter un moment tant pour signaler ce qu'on 
                        y trouve que ce qui ne s'y trouve pas. 
                        En ce qui concerne les Centuries, Fontbrune junior ne 
                        gratifie son lecteur que d'un seul titre "Les prophéties" 
                        comme si toutes les éditions qu'il indique portaient 
                        toutes un tel titre. 
                        Nous avions parlé de coquilles non corrigées, en voici 
                        quelques exemples: 1573 au lieu de 1563, pour un 
                        Almanach paru à Avignon. Charles Roger 1569 alors que 
                        c'est 1589, Pierre Meunier 1589 au lieu de Pierre 
                        Mesnier, Winckermans, 1657 au lieu de 1667, un Jean 
                        Ribon au lieu de Ribou, 1669, Pierre Abesson et Armand 
                        Solane au lieu de Pierre Abegou et Arnaud Lalane., 1689, 
                        Tout cela sur la seule page 549 qui contient, à elle 
                        seule, toute la liste des éditions de 1555 à 1792.... Au 
                        passage, on relèvera un Olivier de Harsy, 1557, une 
                        édition fantôme, un Barbe Regnault de 1560, que 
                        Fontbrune serait bien en peine de nous montrer et un 
                        Pierre Rigaud qui aurait publié dès 1566 - et ce en 
                        dépit d'un consensus contre cette date - et aurait 
                        continué jusqu'en 1649!!! Fontbrune aurait aisément pu 
                        corriger en se servant des bibliographies de Benazra ou 
                        de Chomarat, mais il ne cite pas ces ouvrages parus en 
                        1990 et 1989.
                         
                         
                        Parmi les auteurs qui ne figurent pas dans sa 
                        Bibliographie, la plus grande absence est probablement 
                        celle d'Antoine Crespin, dont il mentionne cependant un 
                        ouvrage qui ne comporte pas son nom au titre; Prophéties 
                        par l'astrologue du Très Chrestien Roy de France, Lyon, 
                        1572. Fontbrune attribue carrément ce texte à 
                        Nostradamus, puisque, apparemment, il n'a pas entendu 
                        parler des faux Nostradamus ou de ceux qui prétendent 
                        lui avoir succédé. Tout cela est classé sous le titre 
                        général de "Nostradamus Michel'. Fontbrune nous fait 
                        penser à ces faussaires de la fin du XVIe siècle qui,eux 
                        aussi, avaient rassemblé tout ce qui avait trait à 
                        Nostradamus, et ce indistinctement, ce qui les conduisit 
                        à faire du faux Nostradamus.....à partir de contrefaçons!
                         
                        Etrangement, Fontbrune distingue deux Chavigny, dans sa 
                        bibliographie, l'un auteur des Pléiades et l'autre du 
                        Janus Gallicus, l'un étant prénommé A. et l'autre J.A. 
                        Dans bien des cas, les titres anciens sont tronqués 
                        comme pour cette Déclaration des abus, ignorances, 
                        séditions, 1558. Cela vaut aussi pour l'ouvrage de B. 
                        Chevignard dont le titre est fort raccourci.(1999) Mais 
                        surtout, la Première Invective du Seigneur Hercules le 
                        François; également de 1558, est adressée à Nostradamus 
                        alors que l'ouvrage comporte Monstradamus! 
                        Bien entendu, Fontbrune ne prononcera tout au long de 
                        son pavé de plus de 500 pages ni notre nom, ni celui de 
                        Patrice Guinard , de Jean Dupébe, de Chantal Liaroutzos, 
                        et quant à Robert Amadou, il ne signale pas - donc n'a 
                        vraisemblablement pas lu, ses contributions principales.. 
                        Il est d'ailleurs des auteurs qui ont bénéficié d'un 
                        traitement de faveur, tel cet Edgar Leroy avec pas moins 
                        de 9 références. 
                        En fait, Fontbrune n'apparaît nullement à son aise en ce 
                        qui concerne la chronologie des éditions et l'on ne sera 
                        pas surpris qu'il s'en tienne à l'idée que Nostradamus 
                        aurait publié ses Centuries dès 1555, donc plus de dix 
                        ans avant sa mort, ce qui le fait commencer son 
                        commentaire du vivant de Michel de Nostredame...Son 
                        étude de la seconde moitié du XVIe siècle serait d'un 
                        certain intérêt si Fontbrune reconnaissait que les 
                        Centuries sont parues à la fin du dit siècle et donc ont 
                        eu tout le temps de prendre en compte et de se faire 
                        l'écho, à l'instar de chroniques versifiées - genre bien 
                        représenté-d'événements s'étant produits durant ces 
                        décennies. 
                        C'est donc avec un grand intérêt que nous étudierons 
                        comment Fontbrune au lieu de prouver que Nostradamus est 
                        prophète déjà pour le XVIe siècle parvient, en réalité, 
                        à nous expliquer, involontairement, comment les 
                        rédacteurs des Centuries ont été puiser leur inspiration 
                        dans l'actualité de l'époque tout autant que dans la 
                        Guide des Voyages de Charles Estienne (1986) dont 
                        Fontbrune n'a pas connaissance de 
                        l'apport, ce qui ressort notamment de son interprétation 
                        de IX, 86, quatrain auquel nous avons accordé une 
                        importance extrême pour la datation des éditions 
                        centuriques le comportant. Rappelons que les éditions de 
                        la Ligue ne comprennent pas les centuries VIII, IX et x. 
                        (cf. nos Estudes Nostradamiennes, in Grande 
                        Conjonction.org) 
                         
                        Accordons, en tout cas, le mérite à Fontbrune d'avoir 
                        mis en évidence- et ce dès ses premières éditions- la 
                        portée de ce quatrain, en dépit du fait que ses 
                        prédécesseurs ne s'y soient pas attardés, ce qui est 
                        dommage car l'on aurait pu parvenir plus tôt à nos 
                        conclusions. On peut aussi regretter que les 
                        nostradamologues n'aient pas davantage réfléchi sur les 
                        implications découlant du rapprochement entre IX 89 et 
                        les années 1593-1594 qui sont celles où parait le Janus 
                        Gallicus, le premier commentaire- certes partiel - de 
                        l'ensemble des 10 Centuries. Cependant, ignorant les 
                        emprunts à Charles Estienne et à la Guide, Fontbrune ne 
                        remarque pas que les noms de lieux qui truffent le dit 
                        quatrain comme d'ailleurs le suivant (87) impliquent une 
                        première mouture avec non pas Chartres mais Chastres. 
                        Dès lors, Fontbrune ne se donne pas les moyens, faute de 
                        repère, de relever une retouche du quatrain en l'honneur 
                        du couronnement du roi de Navarre à Chartres. D'ailleurs, 
                        Fontbrune associe X, 18 à cette même période :'Le grand 
                        Lorrain fera place à Vendôme". Il ne se rend pas compte 
                        que nous avons affaire à deux séries de centuries, les 
                        unes mises au service de la Ligue- Guise-Lorraine 
                        (I-VII) et les autres à celui de Navarre-Bourbon-Vendôme-Mendosus 
                        (VIII-X): En fait, le quatrain IX 86 ne faisait que 
                        répliquer au quatrain IV, 86 qui annonce lui un 
                        couronnement à Reims, avec la bénédiction de la Ligue 
                        d'un autre candidat. 
                        Il semble, cependant, que Fontbrune atteigne des sommets 
                        de crédulité, quand il relie le sixain 52 à la Saint 
                        Barthélémy(p. 72); : 
                        
                        La grand Cité qui n'a pain qu'à demy 
                        Encore un coup de la Sainct Barthelemy..."  
                        
                        On touche là le fond du problème, à 
                        savoir celui des versets écrits après coup, post eventum! 
                        La plupart des nostradamologues ont rejeté les sixains 
                        comme ayant été rédigé au XVIIe siècle et nous avons 
                        montré ce qu'ils devaient à un Morgard (voir aussi son 
                        "disciple" François Rabin, également auteur de 
                        centuries, BNF). Pour Fontbrune, vraisemblablement, les 
                        éditions comportant les dits sixains sont bien de 1568, 
                        date à laquelle elles se référent, et ce en dépit de 
                        l'épître à Henri IV, datée de 1605, laquelle, il est 
                        vrai, prétend avoir retrouvé des textes de Nostradamus 
                        longtemps restés cachés... 
                         
                        Fontbrune accorde de la place au quatrain I, 35 (pp. 
                        60-61) sous le titre "la mort d'Henri II".: Le Lyon 
                        jeune le vieux surmontera etc". A vrai dire, le débat ne 
                        revêt qu'une importance toute relative dès lors que les 
                        éditions prétendument antérieures à 1559 sont, comme 
                        nous le pensons, antidatées. Nous ferons remarquer qu'il 
                        est en effet probable que le quatrain ait visé cet 
                        événement, sinon dès sa conception, du moins au prix de 
                        quelques retouches. En effet, le troisième verset 
                        comporte 'cage d'or" et dans cette expression l'on 
                        trouve, inversé, (ge-or) "Orge" qui est le nom de 
                        Montgomery, celui qui frappa mortellement le roi en 
                        tournoi :Gabriel de Lorges, comte de Montgomery. Cette 
                        observation contribue, paradoxalement, à rendre ce 
                        quatrain suspect de par ce luxe de détail notamment en 
                        ce qui concerne les patronymes. Que l'on songe à Robin 
                        pour Biron dans les sixains ou aux anagrammes de Mazarin, 
                        sous la Fronde sans parler de ceux utilisés pour les 
                        Lorrains.... 
                         
                        L'idée de Centuries d'un seul tenant, d'une seule 
                        époque, d'une seule inspiration doit être abandonnée. 
                        Cela ne signifie pas que les Centuries n'aient pas 
                        d'intérêt mais il faut attendre longtemps avant de 
                        passer le cap des quatrains écrits ou retouchés après 
                        coup et d'ouvrir l'ère des commentaires d'un texte 
                        devenu immuable. D'une façon générale, le "canon" 
                        nostradamique ne fait foi, d'un point de vue prophétique, 
                        que pour les événements postérieurs à la Fronde, soit le 
                        milieu du XVIIe siècle. Ce qui laisse quand même trois 
                        siècles et demi de marge jusqu'à nos jours. Avant cette 
                        date, l'affaire est dans les mains du club fermé de 
                        spécialistes dont M. de Fontbrune ne fait pas partie. (Teléprovidence.com 
                        consacrera prochainement un numéro à Nostradamus). 
                         
                        JH 
                         
                        30; 12. 08 
                        
                          
                        
                        38  - La fortune du 
                        quatrain du couronnement, d'Henri IV à Henri V  
                        par Jacques HalBronn 
                         
                        Les deux dernières grandes crises dynastiques que la 
                        France connut sont à situer autour de 1584-1594 et, près 
                        de trois siècles plus tard, autour des années 1870-1883. 
                        Ce furent deux moments importants pour l'histoire des 
                        Centuries mais le second est sensiblement moins bien 
                        connu, tant au niveau de l'Histoire événementielle qu'à 
                        celui de l'Histoire du nostradamisme voire de 
                        l'astrologie (voir notre thèse d'Etat, "Le texte 
                        prophétique en France, formation et fortune", 
                        téléchargeable sur propheties.it). Les relations entre 
                        astrologie et nostradamisme au XIXe siècle n'avaient 
                        jusque là pas été abordées par nos soins et nous 
                        réparons ici une lacune. 
                        Si le XVIe siècle fut marqué par le passage des Valois 
                        aux Bourbons, un autre scénario aurait pu, en 1593, 
                        imposer les Guises et les Lorrains qui se voulaient 
                        descendre des Carolingiens, le XIXe siècle aura été 
                        marqué par un encore plus extraordinaire kaléidoscope 
                        dynastique. Il commence par Bonaparte, puis l'on passe à 
                        deux Bourbons et c'est ensuite l'heure des Orléans, puis 
                        à nouveau un Bonaparte. Et selon les interprètes des 
                        prophéties, il y aurait à nouveau un Bourbon pour finir 
                        avec un Orléans.( voir Torné, "Portraits Prophétiques 
                        d'après Nostradamus (..) ou Napoléon III, Pie IX, Henri 
                        V, d'après l'Histoire prédite et jugée par Nostradamus 
                        etc. ", Poitiers, H. Oudin, 1871; sur la cause 
                        orléaniste, cf. Félix Deperlas, "La destinée de M. le 
                        Comte de Paris d'après Nostredame", Paris, octobre 1876, 
                        BNF) On serait ainsi dans une sorte de république 
                        monarchique où tous les candidats au pouvoir devraient 
                        appartenir à l'une ou l'autre des dynasties en présence 
                        et constituent une menace les uns pour les autres (voir 
                        les tentatives subversives de 1839-1840, sous la 
                        Monarchie de Juillet, autour de la prophétie d'Orval; cf 
                        "Le texte prophétique en France", op. cit.). Ce modèle 
                        ne fonctionnera pas, comme on sait, au siècle suivant, 
                        le septennat générant ses propres souverains 
                        républicains.  
                        Pour en rester au parallèle que nous établissons à près 
                        de trois siècles de distance (seconde moitié du XVIe -seconde 
                        moitié du XIXe), il y a quelques détails anecdotiques à 
                        relever comme celui du nom de Chavigny, auteur ou en 
                        tout cas éditeur - au sens anglo-saxon du mot - du Janus 
                        Gallicus (1594) et commentateur des Centuries sous le 
                        Second Empire et au début de la IIIe République, en la 
                        personne de l'abbé Torné-Chavigny. La différence entre 
                        les deux époques ainsi mises en parallèle tient avant 
                        tout au fait, du point de vue du corpus nostradamique, 
                        que dans un cas, c'est le texte même des quatrains qui 
                        est retouché, modifié, "complété" alors que dans l'autre, 
                        ce texte étant désormais définitivement cristallisé, il 
                        n'est plus question que de commentaire, de glose 
                        externes et non plus, en quelque sorte, internes. Mais, 
                        il n'en reste pas moins que dans les deux cas, l'on fait 
                        parler Nostradamus, le "Grand Prophète" selon 
                        l'expression de l'abbé Torné, sur les événements du 
                        moment. 
                        Nous mettrons au centre de la présente étude le quatrain 
                        IV, 86, dont le caractère astrologique - du point de vue 
                        conjonctionnel - est au demeurant, assez patent, et son 
                        traitement quasiment à 300 ans d'écart face à des 
                        situations relativement comparables, à savoir de graves 
                        enjeux dynastiques, ce qui relativise quelque peu 
                        l'impact de la Révolution Française sur le cours de la 
                        monarchie. 
                        Nous ne reviendrons cependant que succinctement sur la 
                        première crise, aux seules fins de ménager quelque 
                        comparaison avec la seconde. Rappelons que les Valois 
                        n'ayant pas eu d'enfants légitimes, la couronne devait 
                        passer à de lointains cousins, les Bourbons qui avaient 
                        le tort d'être passés à la Réforme, notamment dans le 
                        cas du premier d'entre eux, Henri de Navarre. Nous avons 
                        montré (voir nos Estudes nostradamiennes et notre post 
                        doctorat sur "Giffré de Réchac et la renaissance de la 
                        critique nostradamienne au XVIIe siècle", sur le site 
                        propheties.it) que le quatrain IV, 86 avait été mis en 
                        avant par les adversaires d'Henri de Navarre et faisait 
                        pendant au quatrain IX, 86 lié au couronnement de ce 
                        dernier à Chartres et non à Reims (1594). Or, c'est ce 
                        même quatrain IV, 86 qu'utilise, le datant 
                        astrologiquement, Anatole Le Pelletier pour annoncer le 
                        prochain avènement d'Henri V, au cours des années 1870. 
                        A noter qu'Henri V, seul arrière-arrière petit fils 
                        légitime de Louis XV - si l'on excepte toutefois la (prétendue) 
                        descendance d'un Louis XVII - n'a pas non plus d'enfants 
                        - ce qui fut le sort des Valois, en 1589 - et qu'il lui 
                        faut accepter à terme de passer le relais aux cousins 
                        Orléans, qui ont déjà régné de 1830 à 1848, en la 
                        personne de Louis-Philippe Ier, dont le règne avait été 
                        endeuillé en 1842 par la mort accidentelle de son fils.
                         
                        Il est clair que le premier volet des Centuries 
                        favorisait le clan catholique et que le second était 
                        exploité par le clan réformé, annonçant notamment la 
                        victoire des Bourbons sur les Lorrains, dynastie ayant 
                        également des vues alors sur le trône de France. Ce 
                        n'est qu'ultérieurement que les deux volets seront 
                        réunis, après l'abjuration et le couronnement d'Henri 
                        IV, ce qui mit fin au projet d'Etats Généraux ayant pour 
                        mission d'élire un nouveau roi de France, entre 
                        plusieurs candidats dont le Marquis de Pont à Mousson, 
                        de la maison de Lorraine, au point que par la suite, 
                        l'on voudra attribuer l'ensemble, tel quel, au seul 
                        Nostradamus. Processus unitaire qui fait écho à l'Edit 
                        de Nantes de 1598. 
                        En ce qui concerne la seconde crise, elle se solda par 
                        un échec définitif pour toute dynastie en France, du 
                        moins tout au long du XXe siècle. Mais, pour le XIXe 
                        siècle, il s'en fallut de peu qu'une des dynasties ayant 
                        régné fût rétablie en France au cours des années 1870 (jusqu'à 
                        l'amendement Wallon de 1877 qui correspond à un 
                        ressaisissement de la IIIe République). Si Henri V (puisqu'on 
                        l'appelait volontiers ainsi) le "dernier" Bourbon, petit 
                        fils de Charles X, avait été plus inspiré, le parti 
                        monarchiste eut probablement trouvé son unité. A la 
                        différence de son aïeul, Henri IV (qui abjura le 
                        protestantisme, "Paris vaut bien une messe"), il 
                        n'accepta pas certaines concessions (affaire du drapeau 
                        blanc) pour s'entendre avec les Orléans dont il 
                        reconnaissait pourtant, faute de descendance, que c'est 
                        à eux qu'ensuite reviendrait la couronne. Un Torné 
                        Chavigny mettra son talent de commentateur au service du 
                        comte de Chambord, lisant dans Norlaris, non pas 
                        l'anagramme de Lorraine mais celui d'Orléans... Quant au 
                        retour de Napoléon III -successeur attitré de son oncle 
                        avant la naissance du roi de Rome - il aurait pu se 
                        concevoir, à la façon des Cent Jours, avec l'empereur 
                        revenu de l'Ile d'Elbe, si la maladie n'avait eu raison 
                        de lui, en janvier 1873 et si son fils avait été un peu 
                        plus âgé- il n'atteindra la majorité de 18 ans qu'en 
                        1874, l'option d'une régence de l'Impératrice ne passant 
                        guère. (voir A. Frerejean, "Napoléon IV, un destin brisé 
                        (1856-1879)", préface de Philippe Seguin, Paris, Albin 
                        Michel, 1997), le précédent de Catherine de Médicis et 
                        plus généralement des régences du XVIIe siècle, ne 
                        faisant pas foi.  
                        L'Histoire de l'Astrologie et du nostradamisme -et du 
                        prophétisme en général - nous invite souvent à revisiter 
                        des moments oubliés et parfois à peine signalés, à tort 
                        ou à raison, dans les manuels d'Histoire, ce qui 
                        apparente une telle littérature à une forme de presse, 
                        de journalisme, en tout cas de propagande, où l'effet 
                        d'annonce est déterminant, parfois au service d'une 
                        cause bien fragile. On est dans l'Histoire à chaud sinon 
                        dans la "petite" Histoire. Etrange paradoxe que des 
                        outils qui supposeraient une prise de distance, tant 
                        dans l'espace (les astres) que dans le temps (les 
                        Centuries censées parues dans les années 1550) et qui, 
                        en réalité, se font le reflet de projets avortés ou 
                        tombés totalement dans les oubliettes, les poubelles de 
                        l'Histoire. En ce sens, il est vrai, l'étude de cette 
                        littérature prophétique apparait comme une précieuse et 
                        probablement incontournable source de documentation pour 
                        l'Historien qui ne saurait se contenter de valider, 
                        après coup, la façon dont ont finalement, parfois in 
                        extremis, tourné les événements, ce qui tend à 
                        relativiser l'importance et la nécessité des dits 
                        événements, permettant ainsi une approche plurielle de 
                        l'Histoire, sans tomber dans la fiction. 
                        Les auteurs que nous aborderons étaient fort concernés, 
                        au lendemain de la défaite française face à la Prusse, 
                        par l'idée d'un retour de Napoléon III et, à sa mort (en 
                        janvier 1873), de Napoléon IV (1856-1879), donc âgé de 
                        16 ans lors du décès de son père. Mais le prophétisme 
                        aime les jeunes princes et leur promet volontiers des 
                        ascensions fulgurantes. N'oublions pas le cas de Louis 
                        XVII! En cela, la fin du XIXe siècle n'aura rien eu à 
                        envier celle du XVIe siècle. Selon nous, comprendre ce 
                        qui s'est passé, au niveau de la littérature prophétique 
                        au début des années 1870 permet de mieux comprendre la 
                        période finissante de la dynastie des Valois des années 
                        1580-1590, au sein du même pays, le bonapartisme n'étant 
                        pas sans rappeler les Guise, la Lorraine et la Corse 
                        étant des provinces périphériques, et le républicanisme 
                        laïc- qui sortira vainqueur de l 'affaire - pouvant 
                        exprimer un néo-protestantisme. 
                         
                        I Le Pelletier et le quatrain IV, 86 
                        Il importe de comprendre que l'usage de l'astrologie 
                        mondiale est considérablement plus facile, au niveau 
                        astronomique, que celui de l'astrologie généthliaque. 
                        Autrement dit, l'astrologie mondiale n'exige pas de 
                        manuels, de traités. Son principe est des plus simples: 
                        quand il y a conjonction, cela correspond à une échéance 
                        du point de vue de la vie publique et pour savoir s'il y 
                        a conjonction, il suffit de parcourir des tables 
                        planétaires et de repérer deux planètes dont les 
                        chiffres coïncident, en tel mois de telle année. Un jeu 
                        d'enfants qui n'est pas sans faire songer à ces machines 
                        que l'on trouve dans les casinos où l'on gagne quand les 
                        mêmes motifs se retrouvent sur une même ligne! Dès qu'il 
                        s'agit de rechercher un autre aspect que la conjonction, 
                        cela devient déjà sensiblement plus ardu! Et bien 
                        entendu, au niveau de l'observation directe du ciel, la 
                        conjonction est un des phénomènes les plus manifestes. 
                        C'est ainsi que l'auxerrois Anatole Le Pelletier, 
                        l'auteur, en 1867, des "Oracles", à l'occasion du 
                        troisième centenaire de la mort de Nostradamus, en 1866, 
                        dans un fascicule d'une série (non signalée par Benazra) 
                        intitulée "La clef des temps", dès 1872, écrivait, à 
                        propos de IV, 86 : 
                        "Saturne dont la révolution est de trente ans environ 
                        passe deux ans et demi alternativement dans chaque signe. 
                        Il entrera dans le verseau en 1874 et par conséquent il 
                        s'y trouvera en conjonction avec le soleil dont la 
                        révolution est d'un an et qui passe alternativement dans 
                        chaque signe. La même conjonction se réitérera en 1875 
                        et peut-être encore au commencement de 1876...' Le 
                        Pelletier annonce, dans son plan de parutions d'une 
                        série de cahiers, une "Dissertation sur l'astrologie 
                        judiciaire" dont nous ignorons si elle parut jamais. 
                        Signalons que le texte ci dessus est un commentaire 
                        astrologique du quatrain 86 de la centurie IV et que Le 
                        Pelletier relie le mot "eau" du premier verset avec 
                        ...le verseau (alors que la tradition astrologique en 
                        fait un signe d'air) / "L'an que Saturne en eaue sera 
                        conjoinct". Quatrain au demeurant royal voire impérial "Avecques 
                        Sol, le Roy fort & puissant/ A Reims & Aix sera receu & 
                        oingt...." 
                        A la mort de Napoléon III, début 1873, Le Pelletier - 
                        dans son "Apollon Pythien et Michel de Nostredame . 
                        Lettres au sujet de la mort de Napoléon III et oracles 
                        qui y ont trait" (Benazra, en dépit du titre, date, à 
                        tort cet ouvrage de 1843, RCN, p. 389) déclare patent 
                        l'échec de l'abbé Torné-Chavigny 
                        Mais dès 1867 (réédition 1976), Le Pelletier avait fait 
                        paraitre, à la fin de ses "Oracles" des "fragments 
                        fatidiques de 1866 à l'Antéchrist", autour d'une 
                        terminologie planétaro-mythologique (Mars, Jupiter, 
                        Saturne) 
                         
                        II Le nostradamisme astrologique de Ch. de Villeplaine 
                        Villeplaine, dont on nous dit qu'il fut zouave 
                        pontifical, est quasiment absent des travaux 
                        nostradamologiques consacrés au XIXe siècle. Il est 
                        pourtant, comme le signale R. Benazra(voir Répertoire 
                        Chronologique Nostradamique, Paris, La Grande 
                        Conjonction-Trédaniel, 1990, p. 427 et 429-431), pris à 
                        parti, en sa qualité d'astrologisant, par l'abbé 
                        Torné-Chavigny, dans ses éditions de l'Almanach du Grand 
                        Prophéte. Il nous a donc semblé utile de nous étendre 
                        quelque peu sur son œuvre "prophétique" dont cependant 
                        une partie - à commencer par le nom de leur auteur - ne 
                        nous est connue que par ce qu'en dit son contemporain 
                        Torné (Almanach pour 1877, p. 10, Paris, chez l'auteur, 
                        BNF Lc 22 466 (1877) et Lc22 466 (1877) A)  
                        La BNF a conservé divers ouvrages de Villeplaine, parus 
                        soit sous le nom de Delphes soit anonymement, dont 
                        certains connurent plusieurs éditions (ils sont presque 
                        tous sur le site numérisé Gallica). En fait -et Torné 
                        s'en plaint - aucun de ses textes n'est signé de son nom 
                        et c'est par Torné que nous l'identifions: "Qu'on ne me 
                        fasse pas solidaire non plus de l'auteur de "Ce que sera 
                        le règne du Grand Roi. Le 16 décembre prochain" et 
                        autres petites feuilles du même genre. M. Ch. de 
                        Villeplaine les publie malgré moi. Il me fait le plus 
                        grand tort en ne les signant pas et en donnant à penser 
                        qu'elles ont été inspirées par l'étude de mon 
                        travail"("Henri V prédit", Bruxelles, 1875, p. 7) 
                         
                        L'ordre que nous proposons tient compte du contexte 
                        politique dans lequel chaque document s'inscrit. 
                         
                        A Textes parus avant la mort de Napoléon III 
                        pseudo C.V. B. Delphes, "Morts de Napoléon III et 
                        Napoléon IV", chez Madre, Paris (BNF, numérisation 
                        Gallica NUMM 5456488) 
                        Delphes (sans les initiales) "Morts de Napoléon III et 
                        de Napoléon IV. Fixation des époques  
                        1 Du retour de Napoléon III, 2 de la nouvelle chute de 
                        Napoléon III, 3 de la mort de Napoléon III; 4 de la mort 
                        de Napoléon IV, 5 de l'avènement de Henri V; 6 du 
                        troisième siège de Paris, Paris, Madre (Lb57 2931) 
                        Il est probable que Villeplaine ait eu vent des 
                        velléités de Napoléon III et de ses partisans de 
                        reprendre le pouvoir, début 1873 mais la maladie et la 
                        mort déjouèrent tous les plans. En octobre 1873, 
                        Villeplaine propose un nouveau scénario:  
                         
                        B Début 1873; mort de Napoléon III. 
                        -Prophéties précises et claires. Napoléon IV, Henri V et 
                        la République Octobre 1873 (Lb57 4499) 
                        -Prophéties précises et claires Napoléon IV, Henri V et 
                        la République, Paris, J. Madre (Lb57 4499 B) 
                        A ne pas confondre avec la plaquette " Napoléon IV et 
                        Henri V", 1872, violement hostile au bonapartisme et 
                        sans caractère prophétique. 
                        Enfin, l'astrologie réapparait au titre.  
                         
                        -Ceci est une prédiction astrologique. Le 16 décembre 
                        prochain 1874. Paris 1874. BNF Lb56 5104 
                        -Follicule à joindre à la Prédiction astrologique, le 16 
                        décembre prochain 1874. Réponse aux critiques 
                        BNF Lb57 5740 
                        Comme Torné le rapportera, en 1875, dans son "Henri V 
                        prédit", Bruxelles, pp. 7 et seq), Villeplaine, en 
                        restituant un passage d'une lettre reçue de Villeplaine, 
                        le 12 novembre 1874, annonçait la mort de MacMahon, 
                        président de la République suivie de peu de celle de 
                        Napoléon IV (soit deux ans après la mort de son père) : 
                        " "Ce que sera le règne du grand Roi; Par calculs 
                        astronomiques, c'est le 16 décembre prochain 1874 
                        qu'aura lieu tout au moins la mort de Mac Mahon, 
                        congestion et apoplexie foudroyante. Au milieu de 
                        janvier 1875, Napoléon IV -qui ne se mariera pas- 
                        disparaitra -c'est un scrofuleux. Le 16 décembre 
                        prochain va être imprimé". 
                        Or, Villeplaine, apparemment conscient des limites du 
                        prévisionisme nostradamique, notamment en matière de 
                        fixation de dates, accorde, dans ses dernières 
                        publications connues, la plus grande importance à une 
                        conjonction de Mars et de Jupiter, pour le 16 décembre 
                        1874 : 
                        "Le 16 décembre à 2 heures 53 minutes du matin (Mars se 
                        dirige sur Jupiter) aura lieu la conjonction des 
                        planètes Jupiter et Mars. A ce moment là, les ascensions 
                        droites et les déclinaisons de ces deux corps célestes 
                        seront sensiblement identiques" 
                        "Commence le 15 novembre 1874 et finit le 15 janvier 
                        1875' 
                        "Mois lunaire du 14 décembre 1874 au 13 janvier 1875" 
                        Cette conjonction Mars-Jupiter eut bien lieu, à la mi-décembre 
                        1874 à 25° Balance (cf. "Grandes Ephémérides" de Gabriel 
                        (tome second 1700-1899), Paris, Trédaniel-Grande 
                        Conjonction, 1990, pp. 150-151) mais sans les effets 
                        escomptés. C'est elle, donc, qui désignait la mort de 
                        Mac Mahon, maréchal -donc soldat (Mars) et président 
                        (Jupiter). Celui-ci (né en 1808, la même année que ? 
                        Napoléon III) ne mourut pas à la date fixée - mais en 
                        1893 après avoir quitté, avant la fin de son septennat, 
                        le pouvoir début 1879 ; ayant fait sa carrière sous 
                        Napoléon III (Guerres de Crimée, d'Italie, il est Duc de 
                        Magenta), ce comte, d'ascendance irlandaise, était en 
                        place depuis mai 1873, succédant à Thiers. Quant à 
                        Napoléon IV, il fut tué au combat, en Afrique du Sud, 
                        contre les Zoulous, sous l'uniforme anglais. 
                        L'intérêt d'un tel corpus, échelonné sur quelques années 
                        est d'observer comment Villeplaine retouche, corrige le 
                        tir, par l'ajout ou la suppression d'une phrase, chaque 
                        fois, d'une édition à l'autre, d'une publication à 
                        l'autre, dès lors que de nouvelles données 
                        événementielles lui sont fournies, à commencer par la 
                        mort de Napoléon III au début de 1873 qui porta un coup 
                        terrible à l'abbé Torné, ce dont se gaussera un Chabauty 
                        ou une mort annoncée par le dit Villeplaine ne se 
                        réalisant pas comme celle du Prince Impérial. Mais tous 
                        ces prophètes n'en resteront pas moins convaincus du 
                        prochain avènement d'Henri V lequel ne décédera qu'en 
                        1883, 4 ans après Napoléon IV (voir en 1881, de G. 
                        Vallée, "Henri V sauveur de la France. Son avènement 
                        prochain d'après les prophéties les plus authentiques, 
                        Paris, V. Palmé, BNF, dans lequel est cité (p. 28) le 
                        fameux quatrain "royal", IV, 86. C'est là une épée de 
                        Damoclès qui restera longtemps placée au dessus du 
                        destin de la IIIe République. Prophétisme et vie 
                        politique sont indissociables, chaque camp prophétique 
                        s'inscrivant, comme sous la Ligue, dans un certain camp 
                        politique, d'ailleurs est-il raisonnable de nier qu'il 
                        puisse en être autrement? (voir notre étude sur 
                        l'anti-astrologisme nostradamiste, au lendemain de la 
                        Guerre de 1870, dans la présente livraison) 
                        Ce Villeplaine avait, sur les conseils de l'abbé Torné, 
                        abandonné l'astrologie puis aurait "rechuté", 
                        probablement fasciné par sa découverte conjonctionnelle. 
                        "Malheureusement, note l'abbé, la conversion n'a pas été 
                        durable et l'astrologue moderne [donc Villeplaine] est 
                        revenu prédire à jour fixe la mort de Mac Mahon et celle 
                        du prince impérial" (Almanach pour 1877, p. 10). C'est 
                        notamment, probablement, à Villeplaine que s'adresse 
                        l'abbé quand il publie son "Nostradamus et l'astrologie" 
                        (Nouvelle Lettre du Grand Prophète, 1872, BNF 8° V Pièce 
                        3372, voir notre étude sur l'anti-astrologie de Torné, 
                        dans la présente livraison) 
                        Si les documents que nous indiquons ne sont jamais 
                        signés Villeplaine - comme le note Torné - la double 
                        terminologie employée ('astrologique", "nostradamienne") 
                        nous semble pouvoir conforter une telle attribution, 
                        outre le fait que ces "Calculs" seraient bel et bien 
                        parus en 1874, aux dires de l'almanach sus mentionné. En 
                        tout état de cause, ce que Torné relate (dans son 
                        Almanach pour 1877, reprenant celui pour 1873) des 
                        publications de Villeplaine correspond littéralement aux 
                        dates figurant sur les fascicules susmentionnés. 
                        Les passages de ces fascicules fort minces qui sous 
                        tendent notre propos sont les suivants:  
                        "Ceux qui croient encore au gouvernement des choses de 
                        ce monde, à ceux qui considèrent l'harmonie des astres 
                        la magnifique horloge sur laquelle Dieu a gravé non 
                        seulement les grandes heures de l'Univers et de 
                        l'Humanité mais encore les divisions infinitésimales de 
                        temps par rapport aux êtres. Pauvres d'esprit! Au point 
                        de vue purement astrologique cette conjonction 
                        (Mars-Jupiter) permet de conjecturer qu'à cette époque 
                        les apoplexies, les congestions et en un mot toutes les 
                        maladies violentes qui affectent la tête et le cœur 
                        seront nombreuses- les accidents, particulièrement les 
                        chutes (de cheval) seront également à redouter. C'est 
                        alors que les Grands, en général, pourront craindre que 
                        la main du Seigneur s'appesantisse sur eux. Un Grand de 
                        la Terre dont la réputation est universelle est plus 
                        menacé que tous, il devra se recueillir car la mort a la 
                        faux levée sur sa tête". Villeplaine annonce le décès 
                        proche de Napoléon IV, ce qui laissera, prophétise-t-il, 
                        bien à tort, la place pour Henri V. 
                        Cette conjonction (mais aussi parallèle de déclinaison) 
                        de Mars et Jupiter de 1874- qui est au demeurant un 
                        phénomène astronomique assez fréquent , bien plus que la 
                        conjonction Saturne-Jupiter- n'en est pas moins, 
                        symboliquement, à mettre en vis à vis, toute proportion 
                        gardée, de la conjonction Jupiter-Saturne de 1584. Force 
                        est de constater, enfin, que le mélange d'astrologie et 
                        de nostradamisme se retrouve, à trois siècles 
                        d'intervalle et semble être un des traits spécifiques de 
                        l'astrologie française. Le fait est que Torné n'a pas 
                        tort de s'interroger sur la dimension astrologique du 
                        canon centurique (qui d'ailleurs ne comporte pas les 
                        almanachs, les pronostications et autres publications 
                        périodiques) et il semble bien qu'à la mort de 
                        Nostradamus, d'aucuns se soient efforcé de le faire 
                        passer avant tout pour un prophète. Une telle évolution 
                        avait eu des précédents, notamment avec, à la fin du XVe 
                        siècle, Johannes Lichtenberger dont les pronostications 
                        astrologiques donnèrent lieu en France, dans les années 
                        1520, à un "Mirabilis Liber", truffé de prophéties 
                        dépassant largement le seul cadre de l'astrologie.(voir 
                        notre "Texte prophétique en France", op. cit.) 
                        Force est donc de constater que tant Villeplaine que Le 
                        Pelletier étaient en mesure au début des années 1870 de 
                        se référer à des données astronomiques et il est à 
                        supposer que leurs lecteurs étaient peu ou prou en 
                        mesure de les suivre, voire de vérifier leurs dires dans 
                        la "Connaissance des Temps". D'ailleurs, en 1874, le 
                        chanoine Chabauty, hostile à l'astrologie, prenait la 
                        peine de décrire par le menu, en cinq points, le dit 
                        savoir astrologique ("Les prophéties modernes vengées", 
                        Poitiers, p. 107) : 
                        1° Les maisons, 2° les regards, 3° les conjonctions des 
                        planètes dans la même maison, 4° les astres seigneurs, 
                        5°les astres ascendants. En fait Chabauty par "maison" 
                        désigne le "signe" - le mot maison était utilisé au 
                        XVIIe siècle dans ce sens (est resté le mot domicile)- 
                        et par "regard", l'aspect - le mot regard étant 
                        l'ancienne dénomination (voir notre étude à son sujet 
                        dans la présente livraison, à propos des attaques de 
                        l'époque contre Nostradamus et/ou l'Astrologie) 
                        Le tableau ne serait pas complet en ce qui concerne 
                        l'activité prophétique des années 1873-74, si l'on ne 
                        s'intéressait pas à un texte paru cette fois à Bar Le 
                        Duc, dans le département de la Meuse, non loin de la 
                        nouvelle frontière franco-allemande: "Au 17 février 
                        1874, le grand avènement précédé d'un grand prodige 
                        prouvé par le commentaire (...) de la célèbre prophétie 
                        d'Orval".  
                        Ce texte connut plusieurs éditions dont la première 
                        simplement signée F. P., parue en août 1873, donc peu 
                        après la mort de Napoléon III mais surtout au lendemain 
                        du "pacte de réconciliation du 5 août 1873, entre le 
                        comte de Paris et le Comte de Chambord". La deuxième 
                        édition, dès décembre de cette même année, portait la 
                        mention " F. Parisot, ancien notaire" (cf R. Benazra, 
                        RCN, p. 427). On notera que cette nouvelle édition et 
                        les suivantes, l'année suivante, furent publiées 
                        conjointement à Paris, chez Victor Palmé, lequel 
                        s'occupa également des productions de Torné et de 
                        Chabauty. A partir de la deuxième édition, une annexe 
                        signalée au titre comportera à la suite "ainsi que 
                        celles de Nostradamus et de saint Malachie".  
                        L'avènement d'Henri V est annoncé, dans la foulée du "pacte 
                        de réconciliation" du mois d'août. Parisot a calculé la 
                        date du 17 février 1874 à partir de la Prophétie d'Orval 
                        - laquelle avait déjà en 1839-1840 servi à préparer l' 
                        hypothétique avènement du jeune Henri V, au début de la 
                        Monarchie de juillet - en soustrayant à la date du Ier 
                        janvier 1900 un certain nombre de "lunes", selon un 
                        système établi dans la dite Prophétie d'Orval laquelle 
                        s'apparentait, d'ailleurs, à une certaine forme 
                        d'astrologie, sans rapport avec la réalité astronomique. 
                        Parisot y prévoyait une démission de Mac Mahon et 
                        considère comme nulles les chances du Prince Impérial. 
                        En conclusion, nous ferons remarquer que s'il y eut une 
                        compétition entre plusieurs dynasties pour la prise de 
                        pouvoir, il y eut parallèlement une sorte de "guerre" 
                        des prophéties, les partisans de Nostradamus étant pris 
                        à parti par un chanoine Chabauty, pourtant partisans 
                        d'une "concordance" des prophéties modernes (voir notre 
                        étude sur ces deux auteurs, dans la présente 
                        livraison).Désaccord et tiraillement entre 
                        prophétologues qui fait pendant à la discorde qui régna 
                        entre les prétendants au trône, d'autant qu'il ne 
                        faudrait pas oublier l'affaire Naundorff-Louis XVII (voir 
                        "Le texte prophétique en France, formation et fortune", 
                        thèse d'Etat, 1999, sur le site propheties.it). A la 
                        mort de Napoléon IV, en Afrique, en 1879, Torné 
                        consacrera naturellement un chapitre de son "Almanach du 
                        Grand Prophète pour 1880".(voir R. Benazra, RCN, p. 428) 
                        mais il est cette fois définitivement installé à Paris. 
                        Quant à Henri V, il meurt dix ans plus tard, la IIIe 
                        République suivant son cours sans lui et , sans être 
                        parvenue, en dépit des précédents, à servir de tremplin 
                        pour un retour monarchique ou impérial, comme l'avaient 
                        fait les deux premières Républiques. Le XIXe siècle aura 
                        ainsi servi de sas entre un Ancien et un nouveau 
                        Régimes. D'aucuns soutiennent que la Ve République, dans 
                        les années cinquante du XXe siècle, aurait pu préparer 
                        le retour des Orléans, du Comte de Paris, sous la 
                        houlette du général De Gaulle, nouveau Mac Mahon....Notons 
                        que Torné annonçait carrément une guerre civile, sur le 
                        modèle de ce qui se produisit sous la Ligue et dont 
                        Henri V sortirait vainqueur à l'instar d'Henri IV. On 
                        aura compris que le prophétisme, nostradamique ou non, 
                        est intimement liée aux enjeux dynastiques. 
                         
                         
                         
                        JHB 
                        24. 12. 09 
                        
                          
                        
                        39 - La question des épîtres centuriques 
                        revisitée. 
                        
                        Si, initialement, nous n’avions dans 
                        notre collimateur que les éditions centuriques nous 
                        avons progressivement acquis la conviction de la 
                        nécessité d’étudier de près d’autres pièces se référant 
                        plus ou moins ponctuellement au corpus centurique, 
                        quatrains ou épitres. Il nous est apparu, en effet, que 
                        non seulement on avait pu fabriquer des éditions 
                        antidatées mais qu’en plus, on avait également produit 
                        des contrefaçons d’autres ouvrages attribués à 
                        Nostradamus pour accréditer les dites éditions. Il 
                        importe cependant de distinguer les faux d’époque et les 
                        faux antidatés. Si, en effet, l’on sait que dès le début 
                        des années 1560 parurent des almanachs avec des 
                        quatrains différents de ceux que publiait Nostradamus 
                        pour l’année concernée, souvent repris d’almanachs 
                        antérieurs, il y a aussi le cas de faux d’époque qui ont 
                        donné lieu à des contrefaçons tardives de la part de 
                        faussaires qui n’étaient pas avertis de l’existence de 
                        tels procédés déjà du temps de Nostradamus, ils ont 
                        ainsi pris de mauvais modèles pour exemple, ce qui 
                        ressort notamment au niveau iconographique. Au fond, il 
                        aurait presque été préférable d’inventer des 
                        présentations totalement différentes car ces 
                        contrefaçons d’époque s’inspiraient, mais d’assez loin 
                        quand même, de la production réellement attribuable à 
                        Nostradamus. C’est ce qui s’est passé avec les fausses 
                        éditions 1568 qui évitent systématiquement de recourir 
                        aux vignettes campant un personnage à sa table de 
                        travail encore que l’on puisse retrouver dans certains 
                        cas des motifs extraits de telles vignettes. (cf. 
                        reprint ED. Chomarat, Lyon, 2000, p. 25). 
                         
                        
                        Ce qui nous intéresse le plus 
                        actuellement est la datation des éditions antidatées et 
                        plus largement des documents contrefaits. Si Patrice 
                        Guinard a publié, dans la Revue Française d’Histoire du Livre, 
                        à la demande de Gérard Morisse, un « Historique des 
                        éditions des Prophéties de Nostradamus (1555 – 1615) n° 
                        129 2008), en évitant d’aborder la question de la 
                        véritable chronologie des éditions centuriques pour s’en 
                        tenir à une chronologie « factuelle » fondée presque 
                        systématiquement sur les dates figurant sur les pages de 
                        titre ou celles correspondant aux activités des 
                        libraires ainsi désignés sur les dites pages, suivant en 
                        cela l’exemple de Chomarat et de Benazra, à l’exception 
                        du cas des éditions Pierre Rigaud 1566 qui sont 
                        désormais datées du XVIIIe siècle et qu’encore au XIXe 
                        siècle, un Torné Chavigny et un Anatole Lepeltier 
                        croyaient authentiques. Cet exemple aurait du rendre 
                        prudent mais apparemment on en a fait une exception 
                        laissant entendre justement que pour les « autres » 
                        éditions centuriques datées des années 1550 ou 1560, on 
                        pouvait se fier aux données indiquées et ce même dans le 
                        cas de faux. 
                        
                        Il nous apparait que dans le cas de 
                        Crespin, le document daté de 1572 que nous avions mis en 
                        avant est fort probablement un faux datant du début du 
                        règne d’Henri IV. Selon nous tout ouvrage qui comporte 
                        des quatrains appartenant tant au premier qu’au second 
                        volet ne saurait être antérieur au temps des Bourbons. 
                        Dans le cas de l’épître de Chevigny à Larcher (1570) qui 
                        comprend un élément du seul premier volet, l’on doit se 
                        situer dans le cours des années 1580, et correspondre au 
                        moment où l’on publie les œuvres de Dorat. Enfin, reste 
                        le cas d’Antoine Couillard. A-t-il vraiment existé une 
                        parution en 1555 d’une quelconque préface à César, telle 
                        que reprise par le « Seigneur du Pavillon les Lorriz » 
                        dont on sait qu’en 1560 il publia des Contreditz aux fausses et abusives 
                        prophéties de Nostradamus. Tout comme Crespin, Couillard était ainsi 
                        associé au nom de Nostradamus, figurant dans une sorte 
                        de bibliothèque nostradamique dans laquelle puisèrent 
                        les faussaires de la fin du XVIe siècle. Quand cette 
                        préface est apparue en tête des Prophéties ligueuses, 
                        dans un premier temps, on aura voulu lui donner un 
                        certificat d’authenticité en faisant jouer le dit 
                        Couillard avant de trouver une meilleure solution qui 
                        consistait carrément à produire une fausse édition datée 
                        de 1555. On ne saurait ignorer l’apport du XVIIe siècle 
                        à la mise en place du canon centurique à partir de la 
                        récupération de documents du siècle précédent. D’une 
                        part, il y eut le travail des libraires troyens, 
                        notamment de Pierre Du Ruau, 
                        qui collecta énormément de pièces dispersées et de 
                        l’autre la traduction de 1672 de Théophilus de 
                        Garencières qui restitue un état premier de la Préface 
                        centurique à César, bien moins corrompu que les versions 
                        qui nous sont parvenues par ailleurs. Rappelons que l’on 
                        dispose du texte français d’origine ayant servi à la 
                        dite traduction grâce à une édition d’Antoine Besson, 
                        libraire lyonnais qui fut en activité dans les années 
                        1690. 
                        
                        Nous avons signalé à plusieurs reprises 
                        dans nos études les revirements des faussaires quant à 
                        leur réinvention du passé. Reste le cas de 
                        Significations pour 1559, largement traité dans notre 
                        post-doctorat (cf. le reprint édité par B. Chevignard, Présages de Nostradamus, 
                        op. cit) et qui est un cas d’école, tant on peut 
                        retrouver les procédés utilisés, dont la récupération de 
                        l’Eclipsium
                        de Leovitius, déjà signalé par l’abbé 
                        Torné Chavigny, en 1879 (voir la lettre reproduite dans 
                        l’édition Chevignard p. 446) mais aussi d’une attaque 
                        contre Nostradamus que l’on présente comme une attaque 
                        de Nostradamus contre ses adversaires qui s’en prennent 
                        à ses Présages Merveilleux . 
                        (cf. p. 457 de l’édition Chevignard). : « avec tes 
                        pronostiques que tu dis estre merveilleux » , la date de 
                        ce qui se présente en fait comme une épitre est le 14 
                        août 1558 alors que celle adressée à Henri II est du 27 
                        juin 1558 (rappelons que l’Epitre authentique au Roi est 
                        datée de janvier 1556. On pourrait y voir une épitre 
                        jumelle de la fausse épitre à Henri II. Or, c’est dans 
                        ces 
                        Significations 
                        qu’il est fait mention d’une « seconde centurie » (cf. 
                        p.455 de l’édition Chevignard) : « comme plus amplement 
                        est déclaré à l interprétation de mes Prophéties ». On 
                        peut même se demander si ce texte n’avait pas été 
                        envisagé précédemment au choix de l’Epitre à Henri II 
                        (qui avait pour inconvénient de reprendre une version 
                        précédente, en tête des Présages Merveilleux 
                        pour 1557, pour introduire le second volet –et si cette 
                        seconde centurie ne visait pas celle qui par la suite, 
                        au sein de l’ensemble à 10 centuries, deviendrait la 
                        centurie IX . Ces Significations auraient donc introduit 
                        le second volet avant qu’il ne soit réuni au premier 
                        sous le règne d’Henri IV. On aurait gardé quasiment la 
                        même date, à quelques semaines près. Ce qui distingue 
                        d’ailleurs ce document de ceux produits par le camp de 
                        la Ligue, c’est le fait qu’ils utilisèrent une vignette 
                        différente de celles des éditions parisiennes et des 
                        contrefaçons qui les calquaient, à savoir qu’ils avaient 
                        pris modèle sur la « bonne «  vignette, celles des 
                        Pronostications de Nostradamus et notamment celle pour 
                        1558 – que nous avons été le premier à retrouver à la 
                        Bibliothèque Royale de La Haye (ce dont témoigne 
                        Brind’amour, dans son Nostradamus, astrophile). 
                        En effet, le libraire est le même, le parisien Guillaume 
                        Le Noir si ce n’est qu’alors que, dans les deux cas, la 
                        page de titre porte la mention « avec privilège », dans 
                        le cas de la Pronostication 
                        pour 1558, il y a in finé le texte du privilège (cf. Ed 
                        Chevignard, p. 442) et non à la fin des Significations (cf. 
                        éd. Chevignard, p. 460). On notera que la lettrine M qui 
                        commence la brève épitre à Guillaume de Gadagne, en tête 
                        de la Pronostication pour 1558 n’est pas identique à la 
                        même lettrine M de l’épitre en tête des Significations., 
                        d’autant que le premier mot est le même dans les deux 
                        cas, « Monseigneur » Il est assez clair que la dite 
                        Pronostication pour 1559 ne s’intéresse pas à Antarès 
                        par hasard (cf. Chevignard, p. 451) car cette étoile 
                        fixe menace les yeux. Or, rappelons qu’Henri II est mort 
                        des suites d’une blessure à l’œil, en 1559. En revanche, 
                        l’épître à Henri II ne reprend pas cette prédiction, ce 
                        qui tendrait à montrer que la nouvelle épitre ne 
                        s’intéressait qu’à des événements plus tardifs.
                         
                        
                        Signalons certaines similitudes entre les 
                        deux épitres datées de 1558, c’est ainsi qu’elles se 
                        terminent par la même formule :  
                        
                        A Monseigneur Jacobo Marrasala, evesque 
                        de Viviers et Vice légat d’Avignon M. Nostradamus, son 
                        humble serviteur envoye salut & félicité 
                        
                        De Salon ce 14. d’Aoust 1558. Faciebat 
                        Michael Nostradamus Salonae Petrae Provinciae, 1558 pro 
                        anno 1559 & 1560 
                        
                        Et A Henri Second (-…) Michel Nostradamus, 
                        son très humble, très obéissant serviteur & subject, 
                        victoire & félicité 
                        
                        De Salon ce XXVII. De juing Mil cinq cens 
                        cinquante huit. Faciebat Michael Nostradamus Salonae 
                        Petrae Provinciae 
                        
                        Il y a toutefois une différence notable : 
                        
                        Dans l’Epitre à l’évêque de Viviers, il 
                        est indiqué à la suite  pour quelles années le texte 
                        vaut, alors que dans l’Epitre à Henri II, rien n’est 
                        précisé. Pourtant dans le cours de l’épître, on a 
                        souvent le sentiment que le texte concerne une période 
                        donnée. « Et sera au moys d’Octobre que quelque grande 
                        translation sera faite » (p. 161, Ed. Chomarat, 2000). 
                        On y trouve également des indications de latitude (50 ; 
                        52, 48 pour la lettre à Henri, 37, 38, 39, 40, 41, 42 & 
                        45 degrez » donc plus au Sud pour la lettre à Jacobo 
                        Marrasalla. 
                        
                        Le problème de cette Epistre à l’évêque 
                        de Viviers est qu’elle n’introduit plus aucun texte. On 
                        comprend mal dès lors la formule « prendre en gré le 
                        petit présent » alors que l’Epitre à Henri II mentionne 
                        « ces trois centuries du restant de mes prophéties » 
                        tout en se référant à des «  Offres & présens ». Tout se 
                        passe comme si cette épitre avait été détachée du 
                        document qu’elle introduisait initialement, 
                        vraisemblablement les Centuries VIII-X, ce qui donnerait 
                        sens au passage signalé à propos de la « seconde 
                        centurie de mes prophéties ». On notera que normalement, 
                        seules les Pronostications de Nostradamus portaient une 
                        vignette représentant un personnage à sa table de 
                        travail. On n’en trouve pas sur ses almanachs, du moins 
                        pas pour les années Cinquante. A contrario, ce sont les 
                        faux almanachs de Barbe Regnault, au début des années 
                        1560, qui porteront une vignette différente de celle 
                        comportant l’écusson « M. de Nostre Dame ». Dans le cas 
                        des Significations, 
                        la présence de la vignette ne se serait pourtant point 
                        imposée, dans la mesure où il ne s’agit pas d’une 
                        pronostication annuelle mais sur deux ans. Dans les deux 
                        cas, une échéance pour les premières années du XVIIe 
                        siècle (1605-1606) est fournie, directement ou 
                        indirectement, ce qui fait sens pour des textes 
                        appartenant à la fin du XVIe siècle. Cette date coïncide 
                        d’ailleurs avec celle de l’Epitre à Henri IV en tête des 
                        sixains dans les éditions troyennes. 
                        
                        Nous avons très peu de documents 
                        concernant l’historique du second volet. On ne connait 
                        ce texte, dans ce qui nous est parvenu pour le XVIe 
                        siècle, en tout cas, que des éditions où il est déjà en 
                        position de second volet et comporte des Centuries 
                        numérotées de VIII à X. Il nous semble très improbable 
                        que le second volet, comme on l’appellera par la suite, 
                        ait eu ses centuries ainsi présentées, d’autant plus que 
                        la stabilisation à 7 centuries fut relativement tardive. 
                        Il est par ailleurs assez évident que les dites 
                        centuries connurent une certaine circulation sinon à 
                        quoi bon les constituer ? On pense notamment au quatrain 
                        IX, 86, ce qui correspond à la « seconde » centurie du 
                        second volet. Mais ces états n’ont pas été conservés. On 
                        ne sait pas davantage si le dit volet parut dès le 
                        départ avec l’Epître à Henri Second, laquelle épitre 
                        d’ailleurs ne se réfère aux centuries que globalement et 
                        avec déjà une référence à la Préface à César du premier 
                        volet, ce qui ne fait sens qu’au sein d’un ensemble à 
                        deux volets. Qu’on en juge « Dedans l’Epistre que ses 
                        (sic) ans passez ay desdiée à mon fils Caesar 
                        Nostradamus, j’ay assez appertement déclaré aucuns 
                        poincts sans présage ». En fait, nous serions tentés de 
                        penser que cette épitre à Henri II n’a été composée que 
                        lors de la mise en place d’un volume à dix centuries. Il 
                        n’en est pas de même de l’Epitre à Jacobo Marrasala, 
                        laquelle, signalons le quand même, ne fait aucune 
                        allusion à une Epitre antérieure de peu à Henri II, 
                        l’une étant de septembre et l’autre de juin 1558. On 
                        peut penser raisonnablement que l’épitre à Marrasala 
                        introduisit les centuries ‘anti-ligueuses » et qu’elle 
                        fut ensuite remplacée, tout en poursuivant une carrière 
                        sous le titre de Significations.   
                        
                        Dès lors, que dire de la formule figurant 
                        dans l’Epitre à Henri II ? Nous la reproduisons plus 
                        amplement : 
                        
                        « Aviendra l’an 1605, que combien que le 
                        terme soit fort long, ce nonobstant les effets de cestuy 
                        (an) ne seront gueres dissemblables à celuy d’icelle 
                        année (1559), comme plus amplement est declaré à 
                        l’interprétation de la seconde centurie de mes 
                        Propheties ». La référence est explicitement liée ici à 
                        des éditions centuriques parues sous le nom de 
                        Prophéties ». On notera que les positions planétaires 
                        qui figurent dans l’Epître à Henri II sont celles de 
                        l’an 1606 : « mesmes de l’année 1585 & de l’année 1606 à commençant depuis le 
                        temps présent qui est le 14 de Mars 1557 ». On relèvera 
                        cette mention de l’an 1585 qui correspond selon nous 
                        assez bien à la période de la Ligue ; au lendemain de la 
                        mort du Duc d’Alençon, dernier fils de Catherine de 
                        Médicis, laquelle mort plaçait ipso facto Henri de Navarre, le cousin réformé, en 
                        position de « dauphin » d’Henri III. La vignette de 
                        l’édition Rigaud (1568) dont nous disions qu’elle 
                        comportait sur la page de titre de l’ensemble du volume, 
                        des motifs issus de la vignette «  M. de Nostredame » ne 
                        se référé-t-elle pas à la vignette des Significations ? 
                        On y retrouve les luminaires, les cinq étoiles (probablement 
                        les planètes, formant «septénaire » avec le soleil et la 
                        lune-, une main, sortant d’un vêtement, tenant une 
                        sphère et l’autre un compas. Apparemment, les faussaires, 
                        au service du camp Bourbon furent mieux inspirés ou 
                        mieux informés que leurs adversaires. Ils optèrent pour 
                        la vignette propre aux pronostications de Nostradamus, 
                        avec la mention « M. De Nostredame » et non pour celle 
                        des faux parisiens. Apparemment, les différences entres 
                        les vignettes de l’un et l’autre camp conduisirent à 
                        leur abandon et la mise en place d’une nouvelle vignette  
                        
                        Le caractère tardif de la rédaction 
                        ultime de l’Epitre à Henri II est attesté par le fait 
                        qu’elle se référe explicitement à la Préface à César, ce 
                        qui n’est pas le cas de l’Epître à Jacobo Marrasala. 
                        Etant donné que cette préface figurait en tête des 
                        éditions ligueuses, il est tout à fait improbable que le 
                        camp d’Henri IV se soit référé à la dite préface. La 
                        référence ne peut donc avoir été introduite que lors de 
                        la mise en place d une édition à 10 centuries, au 
                        lendemain du couronnement du premier roi Bourbon. 
                        Imaginer que ce « second volet » n’ait vu le jour qu’à 
                        ce moment là ne ferait guère sens. Le choix de cette 
                        Epitre, isssue d’une épitre ayant existé (Présages 
                        Merveilleux pour 1557) fut d’ailleurs plus probablement 
                        le fruit d’un consensus entre les parties car il est 
                        bien moins polémique que certains quatrains qu’il 
                        introduit, faisant annoncer par Nostradamus la 
                        déconfiture lorraine. Quant à l’origine des Significations de l’éclipse, s’agit –il d’un texte 
                        réalisé de toutes pièces pour la circonstance centurique 
                        ou bien de la retouche d’un texte réellement paru à 
                        cette époque adressé à l’évéque de Viviers, ce point n’a 
                        pas été encore éclairci. Nous tendrions à penser qu’’une 
                        partie du document est authentique mais que l’emprunt à 
                        Leovitius est interpolé, qui créditait Nostradamus d’une 
                        allusion à la mort d’Henri II, tout comme le passage (cf 
                        supra) – qui est annoncé au titre( « avec une sommaire 
                        réponse à ses détracteurs ») emprunté à un adversaire 
                        des Présages Merveilleux, 
                        lequel ouvrage aura d’ailleurs servi par la suite à 
                        réaliser l’Epître à Henri II ; du fait qu’il comporte 
                        lui-même une épître adressé à ce souverain. On n’a pas 
                        retrouvé le document dont le dit passage est extrait. On 
                        sait que Nostradamus à cette époque n’était pas épargné 
                        par les attaques, de Laurent Videl à Hercule le 
                        François.(cf l’article d’Olivier Millet, « Feux croisés 
                        sur Nostradamus », 1986) 
                        
                        JHB 
                        
                        08. 05.11 
                          
                        
                          
                          40 
                          - L’enseignement des Grandes et Merveilleuses 
                          Prédictions (1588-1590)  
                        
                        
                          
                          « comme plus 
                          amplement est déclaré à l’interprétation de la seconde 
                          centurie de mes Prophéties » (Les significations de 
                          l’Eclipse qui sera le 16 septembre 1559 etc., Paris, 
                          G. Le Noir)  
                        
                        
                          
                          On connait 
                          quatre états de cette série qui détonne par rapport 
                          aux autres séries, de par le titre qui ne comporte pas 
                          le nom de Prophéties, lequel servira pour la 
                          confection des premières éditions et qui est à la même 
                          époque attesté par les éditions parisiennes. Si l’on 
                          classe ces éditions selon le critère des quatrains 
                          manquants, puisque sur ces quatre éditions, les 
                          bibliographes ont relevé des « absences », qu’il 
                          s’agisse de l’édition Rouen Petit Val 1588, Anvers St 
                          Jaure 1590 ou Pierre Valentin (cf R. Benazra, RCN, pp. 
                          11-12). Cette série se réfère à une édition d’Avignon, 
                          Pierre Roux, 1555, qui n’a pas été retrouvée et qui 
                          peut avoir existé du moins en tant que contrefaçon 
                          parue dans les années 1580 en parallèle, comme ce fut 
                          la coutume pour les éditions parisiennes.  
                        
                        
                          
                          Rouen Petit Val 
                          1588 à 349 quatrains : quatrains « manquants » pour 
                          arriver à 353 : 44, 45, 46, 47  
                        
                        
                          
                          Rouen Valentin : 
                          2,3, 4, 8, 20, 22, 23, 35.  
                        
                        
                          
                          Anvers 1590 à 35 
                          quatrains à la centurie VII : 3, 4, 8, 20, 22  
                        
                        
                          
                          Plus Rouen 1589 
                          : tronquée.  
                        
                        
                          
                          Le cas de cette 
                          dernière édition fait problème et a longtemps 
                          hypothéqué la recherche nostradamologique, vu que l’on 
                          a supposé un peu vite que la centurie VII, absente du 
                          volume qui ne nous est pas parvenu dans son 
                          intégralité, était à 53 quatrains, ce qui semble 
                          hautement improbable.On doit probablement situer cette 
                          édition 1589 avec un nombre de quatrains à la VII plus 
                          important que l’édition Rouen Valentin laquelle est 
                          antérieure, par son contenu, à l’édition Anvers 1590, 
                          du fait d’ un plus grande nombre de quatrains 
                          manquants. Nous employons ici le terme « manquant », 
                          au seul regard du canon centurique tel qu’il se 
                          cristallisera par la suite et non par référence à des 
                          éditions antérieures qui selon nous n’ont jamais 
                          existé sinon du fait du zèle des faussaires. Le 
                          contenu de ces éditions qui se référé à 1555 – on 
                          ignore si c’est le cas pour l’édition 1589 Rouen 
                          puisque l’on n’a pas la mention finale comme pour les 
                          autres mais c’est fort probable- ne coïncide pas avec 
                          celui des éditions lyonnaises 1555 (Bonhomme) et 1557 
                          (Du Rosne) et c’est déjà en soi ce qui doit 
                          interpeller les chercheurs et contribuer à les faire 
                          douter de l’authenticité des dites éditions dont la 
                          première est 353 quatrains et la seconde à 40 
                          quatrains à la VIIe centurie (pour l’exemplaire 
                          Budapest) et 42 quatrains à la VII (pour l’’exemplaire 
                          Utrecht)  
                        
                        
                          
                          I Une édition 
                          méconnue à retrouver d’urgence  
                        
                        
                          
                          Le dossier des 
                          deux éditions Petit Val est sinistré. Dans un cas, 
                          celui de l’édition 1588, celle-ci est actuellement 
                          introuvable et dans le cas de l’édition 1589, 
                          l’exemplaire qui nous est parvenu est incomplet.  
                        
                        
                          
                          La recherche 
                          nostradamologique aura été longtemps pénalisée par le 
                          fait que Daniel Ruzo n’a pas accordé toute 
                          l’importance qu’elle méritait à une pièce de sa très 
                          riche collection de « nostradamica », dont il avait 
                          déjà la possession, soit par l’original, soit par une 
                          reproduction dès les années soixante dix, puisque 
                          l’édition espagnole d’origine de son « Testament de 
                          Nostradamus » date de 1975.(Trad. française, Ed. du 
                          Rocher 1982, parue juste après l’ouvrage de 
                          Jean-Charles de Fontbrune, chez le même éditeur). Cela 
                          fait donc une bonne trentaine d’années que nous 
                          devrions avoir pris toute la mesure de cette édition 
                          tout à fait atypique parue en 1588, à Rouen, chez 
                          Raphaël du Petit Val.. Et voilà que Ruzo décédé, on 
                          ignore dans quelles mains actuellement elle se trouve, 
                          à la différence de la plupart des pièces dispersées de 
                          la collection Ruzo. Et comme on sait, les absents ont 
                          toujours tort et cette édition n’aura donc pas joué le 
                          rôle qui lui aurait été naturellement dévolu si Ruzo 
                          lui avait conféré toute la place qu’elle méritait et 
                          notamment en avait donné à paraitre un fac simile. Or, 
                          l’on sait qu’à la place de cette extraordinaire 
                          édition va trôner l’édition Macé Bonhomme 1555, 
                          retrouvée à Albi et à Vienne (Autriche) dans les 
                          années 80, notamment grâce à la persévérance de Robert 
                          Benazra., édition que nous pensons sensiblement plus 
                          tardive en vérité, en dépit des 33 ans qui les 
                          séparent.  
                        
                        
                          
                          Non pas que 
                          cette édition ne soit pas signalée du tout mais elle 
                          l’est insuffisamment et surtout elle n’est pas 
                          exploitée ni traitée comme il eut convenu. La page de 
                          titre est reproduite par Ruzo mais cela ne va pas plus 
                          loin. En 1997, nous avions placée cette édition au 
                          cœur d’une communication donnée aux Journées Verdun 
                          Saulnier du fait que certains quatrains n’y figuraient 
                          pas car ce point avait été bel et bien mis en avant 
                          par Ruzo puis par Chomarat et Benazra, tous trois 
                          ayant, à tort, conclu que l’on avait supprimé certains 
                          quatrains suggérant notamment que cela pouvait être du 
                          à des considérations d’imprimeur. Quant à la Préface à 
                          César, elle est du 22 juin 1555 et non du Ier mars, ce 
                          qui pourrait avoir été une bévue car le Ier mars 1555 
                          serait le Ier mars 1556, selon le style de Pâques 
                          alors en usage en cette année là, si tant est que cela 
                          soit paru alors, ce que nous contestons en tout état 
                          de cause. Rappelons que l’épitre à Henri II est datée 
                          du 27 juin 1558. 
                          
                        
                        
                          
                          Nous avions été 
                          frappés par l’absence du quatrain IV, 46, relatif à 
                          Tours et qui donc aurait été rajouté par la suite, si 
                          l’on exclut l’idée quelque peu étrange de suppressions 
                          de quatrains. « Garde-toi Tours de ta proche ruine » 
                          quatrain que l’on trouve de fait dans l’édition Macé 
                          Bonhomme 1555. Pour nous, il s’agissait d’un quatrain 
                          de circonstance, liée au fait que Tours était devenue 
                          la capitale du Royaume, en raison des événements 
                          parisiens. Cri de guerre lancé par le parti ligueur.  
                        
                        
                          
                          Mais, ce n’est 
                          que beaucoup plus récemment que nous primes toute la 
                          mesure de cette édition en relisant attentivement ce 
                          qu’en écrivit Ruzo et que n’avaient pas repris 
                          Chomarat ni Benazra. En effet, Ruzo traite de cette 
                          édition à deux reprises. Une fois dans ses « fiches 
                          bibliographiques » et une autre fois dans un chapitre 
                          intitulé « Les quatrains prophétiques des Centuries 
                          dans les éditions d’Avignon et dans leurs 
                          reproductions » et c’est là que Ruzo nous apprend, 
                          sans y attacher apparemment plus d’importance que cela, 
                          vu que pour lui il s’agit d’une « curiosité » qu’il 
                          marginalise d’entrée de jeu dans son corpus que « dans 
                          l’édition de Raphael du Petit Val, (Rouen 1588), les 
                          quatrains ne sont pas séparés en Centuries ». Ruzo ne 
                          dit pas si ces quatrains étaient numérotés et de 
                          quelle façon.  
                        
                        
                          
                          Ruzo ne relève 
                          pas non plus que le titre de cette édition n’est pas 
                          conforme à son contenu puisque cette édition se veut 
                          constituée de « prédictions divisées en quatre 
                          centuries ». Nous avons signalé à diverses reprises 
                          qu’une grande part des éditions non pas parues mais 
                          conservées parmi celles éditées sous la Ligue 
                          comportaient des titres non conformes à leur contenu 
                          et cela vaut aussi pour toute la série des éditions 
                          parisiennes des mêmes années 1588-1589. La raison de 
                          ce décalage tient selon nous à une volonté d’écouler 
                          des stocks anciens sous une nouvelle présentation 
                          extérieure. En cela, ce seraient des éditions pirates 
                          empruntant les titres de nouvelles éditions mais nous 
                          restituant des contenus plus anciens, ce dont on ne 
                          peut d’ailleurs que se féliciter.  
                        
                        
                          
                          La prise en 
                          compte sérieuse de cette édition (son titre mis à 
                          part, par conséquent) conduit à disqualifier les 
                          éditions Macé Bonhomme 1555 mais aussi Antoine du 
                          Rosne 1557 (Budapest et Utrecht) qui comportent le 
                          quatrain IV 46 et une division en centuries sans 
                          parler des autres. Il semble que l’on ne soit arrivé à 
                          une édition à 4 centuries et à 53 quatrains à la 
                          dernière centurie que par la suite et que d’ailleurs 
                          ce nombre assez insolite de quatrains par rapport à 
                          une division en centuries tienne justement au fait que 
                          l’ensemble d’origine n’était ni divisé en centuries ni 
                          constitué en quatrains numérotés. Quand on est passé à 
                          une division en 4 centuries, comme l’atteste le titre 
                          de l’édition de Rouen de 1588, on en profita pour 
                          ajouter quelques quatrains supplémentaires, passant 
                          ainsi de 349 à 353 quatrains. La centurie IV ayant été 
                          ainsi augmentée comme le sera par la suite la centurie 
                          VII, et probablement auparavant la centurie VI.  
                        
                        
                          
                          On ne peut donc 
                          que souligner l’urgence qu’il y a à faire circuler 
                          dans les meilleurs délais des copies de l’édition de 
                          Rouen 1588. Quelle est la raison de cette absence ? 
                          Est-ce que d’aucuns auraient pris conscience de son 
                          importance et des effets dévastateurs de sa réédition 
                          ? Il est clair qu’il existe là des enjeux commerciaux 
                          si cela devait conduire à dévaloriser nombre 
                          d’éditions parfois vendues à prix d’or. A moins qu’il 
                          ne s’agisse que d’un malheureux concours de 
                          circonstance de la part de personnes n’ayant nullement 
                          pris la mesure d’un tel ouvrage. 
                          
                        
                        
                          
                          II Le cas du 
                          quatrain 40 de la VIIe Centurie et l’édition Anvers 
                          1590  
                        
                        
                          
                          Ceux qui veulent 
                          croire que le numérotage des quatrains centuriques est 
                          immuable et a été fixé et déterminé dès l’origine, 
                          c'est-à-dire à les entendre dès les années 1550- n’ont 
                          apparemment d’autre recours que de parler d’éditions 
                          fautives, lacunaires, corrompues. On regrettera que 
                          dans les bibliographies nostradamiques, quand on 
                          signale des quatrains manquants, on ne souligne pas 
                          assez clairement que les centuries concernées n’ont 
                          pas la même numérotation car l’on pourrait croire à 
                          tort que c’est la même numérotation mais que certains 
                          numéros sont manquants. Ce n’est pas le cas.  
                        
                        
                          
                          C’est ainsi que 
                          l’édition parue à Anvers, chez François de Sainct 
                          Jaure, en 1590 – si l’on en croit en tout cas les 
                          données de la page de titre- devraient interpeller 
                          certains bibliographes du corpus nostradamique. Le 
                          quatrain 40- selon le codage en vigueur dans le canon 
                          centurique- qui va retenir toute notre attention est 
                          numéroté XXXV. Son contenu ne varie guère d’une 
                          édition à l’autre, qu’il s’agisse d’éditions «antérieures 
                          » ou « postérieures », au vu des dates indiquées au 
                          titre, information largement virtuelle.  
                        
                        
                          
                          Ce quatrain 35 
                          de l’édition Anvers est le dernier de la dite édition 
                          – laquelle se réfère à une édition d’Avignon, 1555, 
                          chez Pierre Roux-donc à sept centuries et non à quatre 
                          comme Lyon Macé Bonhomme. C’est ce même quatrain, 
                          numéroté 40, qui se retrouve à la fin de nombre 
                          d’éditions centuriques à sept centuries ou du premier 
                          volet d’éditions à dix centuries, du moins celles qui 
                          ne comportent pas 42 quatrains (et parfois plus). En 
                          cela, un tel quatrain est doté d’une forte lisibilité 
                          car nous pensons que les quatrains placés en position 
                          finale étaient particulièrement portés à la 
                          connaissance du public qui les trouvait facilement 
                          quand un commentaire oral circulait comme une sorte de 
                          rumeur car nous pensons qu’une tradition orale est 
                          inséparable du bon usage des centuries, bien au-delà 
                          des commentaires écrits, ce qui expliquerait l’absence 
                          de commentaire dans toutes les éditions des années 
                          1580, tant à Rouen, Paris ou justement Anvers..  
                        
                        
                          
                          On ignore tout 
                          de ce François de Sainct Jaure, comme nous le fait 
                          remarquer Gérard Morisse. Mais le fait que cette 
                          édition paraisse à Anvers est en soi une information 
                          pour la compréhension du quatrain 35 de la centurie 
                          VII (ou si l’on préfère 40 selon une dénomination plus 
                          tardive). En 1590, Anvers est aux mains des Espagnols, 
                          depuis peu, en fait depuis 1585, du fait du blocus du 
                          port par un pont de bateaux, qui fut un événement 
                          militaire remarquable. On peut penser que si un 
                          quatrain avait annoncé un tel dénouement cela aurait 
                          contribué singulièrement à la réputation prophétique 
                          de Michel Nostradamus. Or, n’’est-ce pas précisément 
                          le cas du dernier quatrain, quelle que soit sa 
                          numérotation, de la centurie VII qui clôture des 
                          éditions qui ne se sont pas encore vu adjoindre un 
                          second volet, lequel s’ouvrira par une Epitre à Henri 
                          II ?  
                        
                        
                          
                          Mais 
                          préalablement, il nous faut revenir sur certaines 
                          règles exégétiques que certains posent comme 
                          incontournables, ce qui est une tentative pour 
                          entraver l’approche critique. On nous dit qu’un 
                          quatrain est une unité indivisible. Nous pensons, au 
                          contraire, que chaque verset est tout à fait 
                          susceptible d’être interprété isolément. Dans le 
                          Janus Gallicus (1594), la première grande somme 
                          exégétique écrite dans le domaine- l’on note que 
                          certains quatrains sont associés à plusieurs 
                          événements, du fait de tel ou tel verset. Il suffit, 
                          en fait, dans bien des cas, d’un seul verset pour 
                          faire mouche, pour attirer l’attention. Ensuite, de 
                          façon plus laborieuse, d’aucuns peuvent s’évertuer, 
                          assez vainement, à confirmer par les autres versets du 
                          quatrain concerné. Et en fait, il suffit parfois d’un 
                          mot et pas même d’un verset surtout quand il s’agit 
                          d’un nom propre (personnage, ville etc.), donné 
                          directement ou sous forme d’anagramme. Rappelons aussi 
                          que le commentaire passe aussi dans bien des cas par 
                          une modification du texte, comme on peut le voir dans 
                          la traduction latine des quatrains, dans le Janus 
                          Gallicus/ Janus François ouvrage bilingue qui 
                          connut d’ailleurs une édition à titre français et une 
                          autre à titre latin. 
                          
                        
                        
                          
                          Signalons 
                          quelques cas avec anagramme : Mendosus pour Vendôme, 
                          Norlaris pour Lorraine cage d’or, pour Gabriel d’Orges, 
                          (I, 35), Fille de l’Aure (pour fille de Laurent, VI, 
                          100), d’autres directement présentés : Chartres (IX,, 
                          86), Tours (IV, 46), Lorraine, Marquis du Pont –(pour 
                          Pont à Mousson) en VII, 24. Il suffira donc parfois de 
                          glisser un nom dans un verset pour que celui-ci se 
                          dote d’une certaine aura prophétique. Une telle 
                          facilité de réalisation ne se concevrait pas s’il 
                          fallait composer ou recomposer tout un quatrain.  
                        
                        
                          
                          Nous sommes 
                          certes conscients qu’il puisse y avoir des abus et que 
                          certains critiques pour montrer qu’un quatrain a été 
                          constitué après coup, post eventum, tombent dans les 
                          mêmes travers que ceux qui tiennent à démontrer que 
                          tel événement avait bien été annoncé, longtemps à 
                          l’avance, dans tel quatrain. Mais nous pensons que 
                          lorsque le quatrain en question a été ajouté, 
                          interpolé, par rapport à des éditions antérieures (comme 
                          dans IV, 46 qui ne figure pas dans l’édition Rouen 
                          Petit Val 1588) ou figure à la fin d’une centurie, ou 
                          encore a été modifié par rapport à sa source (comme 
                          dans IX, 86, où Chastres a été changé en Chartres, en 
                          l’honneur du couronnement d’Henri IV) on est bien en 
                          présence d’une addition. Ce procédé est également 
                          attesté dans les sixains avec Biron qui devient Robin 
                          par exemple.  
                        
                        
                          
                          Mais (re)venons 
                          en à notre quatrain VII, 35 (alias VII, 40) tel qu’on 
                          le trouve dans l’édition d’Anvers, 1590 des Grandes 
                          et Merveilleuses Prédictions. Rappelons que 
                          l’édition de Rouen, 1589, Petit Val (dont nous avons 
                          copie) qui porte le même nom nous est parvenue 
                          incomplète et que nous ne disposons pas de la centurie 
                          VII. :  
                        
                        
                          
                          Dedans tonneaux 
                          hors oingts d’huile & gresse  
                        
                        
                          
                          Seront vingt-un 
                          devant le port fermez  
                        
                        
                          
                          Au second guet 
                          par mort feront proüesse  
                        
                        
                          
                          Gaigner les 
                          portes & du guet assommez  
                        
                        
                          
                          Le cas est 
                          remarquable en ce que le lieu même de l’édition 
                          constitue une clef, au point que l’on peut se demander 
                          si cette édition est bien parue à Anvers. Voilà donc 
                          le dernier quatrain d’une édition d’Anvers, dont le 
                          nom même d’ailleurs en français est tout un programme 
                          car cela renvoie à l’envers, comporte le mot « 
                          port » suivi du mot « fermez ». Or tel fut bien 
                          le sort de cette ville portuaire appartenant aux 
                          Provinces Unies que de se voir fermer l’accès par les 
                          Espagnols, ce qui permit à terme à ces derniers à 
                          obtenir la capitulation des assiégés, en 1585.  
                        
                        
                          
                          Rappelons le 
                          récit du siège d’Anvers ( source ‘wikipedia)  
                        
                        
                          
                          « Le 
                          
                          
                          marquis de Roubaix 
                          commence les opérations en emportant d'emblée un des 
                          forts qui défendaient la place. Il est chargé de 
                          veiller à la construction d'un
                          
                          pont de 730 
                          m de long sur l'Escaut 
                          pour fermer la rivière et couper tout secours 
                          aux assiégés depuis la mer, et on lui donne le 
                          commandement de plusieurs 
                          
                          
                          bâtiments 
                          armés pour protéger les travaux. L'entreprise 
                          paraissait à tous impossible; les assiégés surtout 
                          s'en moquaient hautement; mais de Roubaix, qui avait 
                          dans l'armée une autorité égale à sa brillante 
                          réputation, justifie le choix du prince. Jour et nuit 
                          en action, il porte son attention partout, et donne 
                          des preuves les plus éclatantes de ses capacités 
                          militaires et de sa bravoure. Bientôt le dépôt des 
                          provisions nécessaires à la construction du pont
                          devient assez considérable pour faire espérer de 
                          voir cet important ouvrage promptement achevé. »  
                        
                        
                          
                          Mais le second 
                          verset de ce quatrain va plus loin : si l’on prend la 
                          première partie du dit verset : Seront vingt-un devant 
                          », on trouve, nous apparaît-il, le nom de la ville 
                          d’Anvers….à l’envers.  
                        
                        
                          
                          Seront vingt …. 
                          cela correspond à l’anagramme d’Anvers : ser…..vin 
                          donnant « invers » ou encore « devant » donnant « anv 
                          ».  
                        
                        
                          
                          A noter que 
                          l’édition Benoist Rigaud 1568 (reprint Ed. Michel 
                          Chomarat, 2000) rend ce quatrain de façon défectueuse 
                          : Seront vingt un devant le pott (sic) fermés  
                        
                            
                          
                          Il ne semble pas 
                          que ce quatrain probablement né avec l’édition 
                          d’Anvers n’ait jamais été signalé sous cet angle par 
                          les exégètes ou par les historiens de la question. Un 
                          tel événement ne fait évidemment sens que sur le 
                          moment, c’est ce qui rend la lecture des centuries si 
                          ingrate, du fait que dans bien des cas on ignore le 
                          contexte auquel il est référé. Bien des quatrains, par 
                          eux-mêmes, d’ailleurs ne font guère sens, d’une part 
                          parce que l’unité de sens- sémantème - est le verset 
                          et de l’autre parce que les interpolations tendent à 
                          brouiller la structure du dit quatrain si tant est 
                          qu’il en ait eu une au départ.  
                        
                        
                          
                          Le duc François 
                          d’Alençon (puis d’Anjou), devenu Duc de Brabant, 
                          dernier fils de Catherine de Médicis, avait tenté, peu 
                          auparavant, sans succès, de s’emparer d’Anvers, début 
                          1583. Il décéderait l’année suivante, ouvrant une 
                          crise dynastique qui débouchera sur les troubles qui 
                          furent le contexte de l’émergence des Centuries et du 
                          revival nostradamique. Il semble d’ailleurs que la 
                          littérature néo- nostradamique (celle des Nostradamus 
                          le Jeune etc) ait pris le parti de ce jeune duc qui 
                          souhaitait plus de liberté pour les Réformés.(ce qui 
                          conduira à la « Paix de Monsieur »)  
                        
                        
                          
                          Nous avons 
                          présenté (cf. supra) l’édition Valentin comme du moins 
                          par son contenu antérieur à celui de l’édition Anvers 
                          St Jaure. Cette édition comporte bel et bien le 
                          quatrain « anversois » et d’ailleurs elle se termine 
                          par celui-ci. (cf. Benazra, RCN, pp 194-195). On ne 
                          peut d’ailleurs exclure que l’édition Rouen Petit Val 
                          1589 ne comporte elle aussi le dit quatrain puisque 
                          cette édition nous est parvenue matériellement 
                          incomplète.(cf. Benazra, RCN, p. 125). Etant donné le 
                          lien que nous avons jugé bon de mettre en évidence 
                          entre VII, 40 et Anvers, nous serions tentés de 
                          considérer que ce quatrain serait « né » dans cette 
                          ville, et aurait fait l’objet d’une édition antérieure 
                          d’une année, laquelle édition aurait été reprise à 
                          Rouen. L’explication la plus probable, en effet, nous 
                          semble être la suivante : un libraire anversois – St 
                          Jaure ou un autre- aurait souhaité accommoder les 
                          centuries à l’actualité locale en ajoutant le dit 
                          quatrain. Rappelons en effet, que le décalage est 
                          considérable entre les éditions parisiennes qui nous 
                          sont parvenues et les éditions du groupe étudié ici. 
                          En effet, les éditions parisiennes ne comportent ni 
                          les derniers quatrains de la centurie VI , ni aucun 
                          des quatrains de la centurie VII, du moins au regard 
                          du « canon » centurique.(cf Benazra, RCN, pp.118 et 
                          seq). En revanche, les éditions du Rosne 1557 
                          intitulées Prophéties comme les éditions 
                          parisiennes comportent bel et bien les sept centuries 
                          au complet, si ce n’est en ce qui concerne le cas de 
                          VI, 100 qui fait également défaut dans Anvers 1590. 
                          Mais les dites éditions Du Rosne sont redevables 
                          également aux Grandes et Merveilleuses Prédictions
                          du fait de la forme fautive, au titre, « dont il 
                          en y a » qui est reprise. En fait, en ce qui concerne 
                          le contenu des éditions du Rosne 1557, il est 
                          postérieur à celui d’Anvers 1590. Ainsi, le décalage 
                          entre Paris 1589 et Anvers 1590 est-il considérable, 
                          ce qui nous conduit à penser que le quatrain VII 40, 
                          qui n’est en fait que VII 35 pour Anvers II et VII 32 
                          pour ce que l’on peut appeler Anvers I, est la marque 
                          de fabrique des libraires ayant publié la centurie 
                          VII, laquelle centurie est additionnelle si l’on admet 
                          qu’il a du exister une édition intermédiaire à six 
                          centuries se terminant par le quatrain VI 100 manquant 
                          et par l’avertissement latin. En supprimant 
                          l’avertissement latin, les éditions anversoises ont 
                          voulu occulter le caractère additionnel de la centurie 
                          VII, lequel est d’ailleurs attesté au titre des 
                          éditions parisiennes qui signalent une addition de 
                          38/39 «articles » à la « dernière centurie » et pour 
                          faire bonne mesure elles ont prétendu que l’ensemble 
                          était repris tel quel d’une édition Avignon Pierre 
                          Roux 1555, stratagème qui sera lui-même dupliqué avec 
                          l’édition Macé Bonhomme 1555 si ce n’est que cette 
                          dernière ne sera qu’à 353 quatrains et non à sept 
                          centuries comme la dite édition Avignon, non retrouvée, 
                          au demeurant. Mais l’édition Du Rosne 1557 (Budapest) 
                          permet de parvenir aux dites sept centuries, sur le 
                          modèle anversois, avec addition de 4 quatrains 
                          supplémentaires, tout en maintenant le quatrain « 
                          anversois » en position finale pour laisser croire 
                          qu’aucun changement n’est intervenu.  
                        
                        
                          
                          En conclusion, 
                          nous soulignerons que le groupe Petit Val- St Jaure- 
                          Valentin aura été largement sous exploité, ce qui aura 
                          faussé certaines perspectives. C’est ainsi que la 
                          plupart des nostradamologues n’ont jamais eu 
                          l’occasion de prendre connaissance de ces éditions, 
                          dont toutes sauf une appartiennent à la collection 
                          Ruzo – et on ne les a pas récemment localisées en ce 
                          qui concerne Petit Val 1588 et Valentin (1611 ?), même 
                          si celui-ci en a donné quelque description sommaire, 
                          reprise notamment par R. Benazra, dans son Répertoire 
                          Chronologique Nostradamique. La seule qui se trouve 
                          accessible dans une bibliothèque publique est celle 
                          d’Anvers 1590, à savoir la Bibliothèque de l’Arsenal à 
                          Paris. Mais étrangement, l’on constate que cet 
                          exemplaire n’avait pas, jusqu’à ce jour, été reproduit 
                          par Mario Gregorio sur son site propheties.it car 
                          celui-ci n’en disposait pas. Le cas de la centurie VII 
                          est particulièrement concerné par le sort de ce groupe 
                          en ce que l’édition1589 Petit Val est tronquée, R. 
                          Benazra, dans sa description, ne laisse aucunement 
                          entendre (RCN, p. 125) que cet exemplaire pourrait 
                          comporter une centurie VII ne comportant pas 40 
                          quatrains alors que l’édition d’Anvers 1590 est dans 
                          ce cas (35 quatrains à la VII), sous le même titre. 
                          C’est aussi la seule qui comporte in fine une 
                          référence à 1555.(Pierre Roux, Avignon). Si les 
                          nostradamologues français, R. Benazra, P. Guinard et 
                          nous-mêmes avons eu accès à l’édition Anvers 1590, 
                          conservée à Paris, il semble que cette édition soit 
                          demeurée étrangère aux chercheurs étrangers puisque 
                          Gregorio ne la mentionne pas, à la fin de 2011, parmi 
                          les documents disponibles pour des recherches 
                          comparatives. Le cas de l’édition Valentin (Musée 
                          Nostradamus, Salon de Provence) est encore compliqué 
                          par le fait que les récentes bibliographies la situent 
                          au XVIIe siècle, 1611 selon Chomarat etc. 1630 selon 
                          Benazra alors que son contenu et même son titre et son 
                          lieu d’édition la situent bien, du moins en ce qui 
                          concerne son modèle, à la fin du XVIe siècle, Benazra 
                          (suivant Ruzo) notant les particularités de la 
                          centurie VII.. « Il manque les quatrains 2, 3, 4, 8, 
                          20, 22, 23, 35 et la centurie se termine par le 
                          quatrain n°40 »  
                        
                        
                          
                          Nous constatons, 
                          au cours des trente dernières années (1982-2012) une 
                          surreprésentation (divers reprints 1555, 1557, 1568) 
                          des éditions portant le titre « Prophéties » 1555, 
                          1557, 1568 qui, selon nous, sont toutes antidatées et 
                          une sous représentation des éditions ne portant pas le 
                          titre « Prophéties » mais « Prédictions » : 
                          1588-1589-1590- et Valentin.( jouxte la copie imprimée 
                          en Avignon 1611, selon Chomarat n)173). Benazra ne 
                          mentionne pas, quant à lui, 1611 au titre. Autrement 
                          dit, un grand nombre de chercheurs dans ce domaine 
                          n’ont jamais eu l’occasion d’examiner la centurie VII 
                          de ces éditions, sans parler du cas de l’édition non « 
                          centurisée » (malgré son titre) de 1588, qui ne 
                          parvient pas à 353 quatrains. Nul doute qu’un tel 
                          déséquilibre de la documentation disponible et 
                          accessible, aura empêché l’information liée à ce 
                          groupe d’éditions de jouer pleinement son rôle à 
                          savoir de confirmer l’enseignement des éditions 
                          parisiennes, c'est-à-dire que sous la Ligue les 
                          Centuries étaient encore en chantier et qu’il est 
                          abusif de parler de « quatrains manquants » par 
                          référence à des éditions antidatées et en réalité plus 
                          tardives. On a là affaire à une sorte d’artefact 
                          bibliographique dont il conviendrait d’apprécier le 
                          caractère aléatoire ou intentionnel.  
                        
                            
                          
                          III
                          De l’enjeu initial des Grandes 
                          et Merveilleuses Prédictions  
                        
                        
                          
                          Nous montrerons 
                          que l’on a voulu cantonner un Nostradamus fictif dans 
                          le rôle d’auteur de quatrains alors qu’initialement 
                          c’était plutôt l’image d’un commentateur de quatrains 
                          qui avait été mise en avant comme il ressort d’une 
                          relecture de la Préface à César.  
                        
                        
                          
                          
                          Dans de précédentes études, nous avons 
                          montré les variantes concernant le début de la Préface 
                          à César (cf. Notre récente parution papier dans la 
                          Revue Française d’Histoire du Livre, fin
                           
                          
                          
                          2011). Cette fois, nous nous 
                          attellerons aux variantes propres à la fin du dit 
                          texte.  
                        
                          
                          
                          Une des variantes les plus remarquables 
                          concerne l’édition 1557 Antoine du Rosne (Bibl 
                          Budapest), dont R. Benazra puis G.Morisse ont 
                          successivement introduit un reprint.  
                        
                          
                          
                          La version de la Préface diffère dans 
                          cette édition des autres versions connues. Il y manque 
                          plusieurs lignes importantes que nous reproduisons :  
                        
                          
                          
                          «nonobstant que sous nuée seront 
                          comprinses les intelligences sed quando sub movenda 
                          erit ignorantia, le cas sera plus esclarci. Faisant 
                          fin mon filz prends donc ce don de ton père M. 
                          Nostradamus esperant toy declarer une chascune 
                          prophetie de quatrains ici mis »  
                        
                          
                          
                          Ce passage figure en revanche dans 1557 
                          Du Rosne (Bib. Utrecht).  
                        
                          
                          
                          Que trouve-t-on chez Besson (c 1691) et 
                          dans la traduction anglaise de Garencières (1672) ?  
                        
                          
                          
                          1672 « although the explication be 
                          involved in obscurity, sed quando sub movenda erit 
                          ignorantia the case shall be made more clear :making 
                          an end here, my Son, accept of this Gift of thy 
                          Father, Michael Nostradamus hoping to expound to thee 
                          every Prophecy of these Stanza’s »  
                        
                          
                          
                          Besson “ quoy que sous paroles 
                          obnubilees. Mais telles aventures seront éclaircies 
                          par leur infelice avenement au temps prefix. Prens 
                          donc, mon fils, Cesar, ce don de ton progéniteur 
                          Michel Nostradamus esperant à toy déclarer une chacune 
                          des Propheties & quatrains cy mis » 
                          
                        
                          
                          
                          On note que la version Besson comporte 
                          un passage absent de la version Garencières :
                          
                          
                        
                          
                          
                          « par leur infelice avenement au temps 
                          prefix »  
                        
                          
                          
                          Mais en fait, l’’expression 
                          ‘prefix’figure juste avant dans le texte de la Préface 
                          :  
                        
                          
                          
                          « limiting the places, times and prefix 
                          terms that men coming after may see and know that 
                          those accidents are certainly come to pass as we have 
                          marked in other places, speaking more clearly »  
                        
                          
                          
                          Le même passage est ainsi présent chez 
                          Besson:  
                        
                          
                          
                          « limitant les lieux, climats, régions 
                          & citez », le reste étant en quelque sorte reporté 
                          dans le paragraphe suivant (cf. supra) :
                          
                          
                        
                          
                          
                          ‘ seront éclaircies par leur infélice 
                          avenement au temps prefix »  
                        
                          
                          
                          Si l’on remonte encore un peu plus 
                          haut, on note que la version Besson ne dit pas « aux 
                          miennes autres propheties qui sont composées » mais 
                          seulement ‘aux miennes propheties qui sont composées 
                          ». Cet ‘autres » est important car cela renvoie à un 
                          autre ensemble que celui qui est ainsi introduit.  
                        
                          
                          
                          Dans le texte Besson, c’est l’avenir – 
                          un avenir inquiétant - qui viendra confirmer les 
                          présentes prophéties. Dans les autres versions, 
                          d’autres prophéties sont en attente mais déjà prêtes 
                          ‘(« qui sont composées ») lesquelles viendront 
                          compléter et éclairer celles qui sont présentement 
                          introduites.  
                        
                          
                          
                          On relèvera la variante Besson :  
                        
                          
                          
                          « declarer une chacune des Propheties & 
                          Quatrains cy mis »  
                        
                        
                          
                          
                          « chacune prophetie des quatrains icy 
                          mis »  
                        
                          
                          
                          Ce qui revient, dans le second cas, à 
                          une formule assez étrange.  
                        
                        
                          
                          
                          Pourquoi la version Budapest 
                          comporte-t-elle donc une telle lacune ? On y note 
                          l’absence du mot « don », ce qui selon nous fait écho 
                          au « mémoire » du début de l’Epitre. On a bien affaire 
                          à un document et non à quelque appel à se souvenir (sur 
                          le mot « mémoire » cf. la lecture de Brind’amour, Droz, 
                          1996) 996)  
                        
                          
                          
                          Nous retiendrons avant tout de nos 
                          remarques la question des « autres propheties » et du 
                          renvoi à des textes à venir, dans les versions autres 
                          que Besson. Ces textes à venir le seront « ‘in soluta 
                          oratione », c'est-à-dire en prose, par opposition à en 
                          vers. (cf le « Recueil de présages prosaïques, en 
                          partie édité par B. Chevignard, Seuil 1999». Mais dans 
                          la version Besson ne figure pas la précision relative 
                          à la prose :  
                        
                          
                          
                          « aux miennes prophéties qui sont 
                          composées tout au long, limitant les lieux »
                          
                          
                        
                          
                          
                          On pourrait se demander si « composées 
                          » n’implique pas « in soluta oratione ». Il y aurait 
                          là une lacune du texte Besson mais ce n’est pas 
                          vraiment concluant.  
                        
                          
                          
                          Ce qui est clair, c’est que dans la 
                          plupart des versions, il est explicitement indiqué que 
                          d’autres textes en prose seront mis à terme à la 
                          disposition du public. Seule la version Besson ignore 
                          un tel scénario et n’annonce aucun texte à venir, sous 
                          quelque forme que ce soit.  
                        
                          
                          
                          Il nous semble assez improbable que 
                          Besson ait supprimé « autres » dans « miennes autres 
                          prophéties » alors que c’est un procédé assez courant 
                          chez ceux qui ont l’intention de procéder à des 
                          additions (cf la fin du Discours sur la vie de 
                          Nostradamus en tête du Janus Gallicus ou la lettre de 
                          Chevigny à Larcher (Androgyn de Dorat).  
                        
                          
                          
                          Faut-il conclure que ce nouvel état de 
                          la Préface- le premier, ici, étant celui de la version 
                          Besson (la version anglaise étant marquée ici par le 
                          dit nouvel état)- prévoyait une suite en prose ? Dans 
                          ce cas, une telle suite ne nous est pas connue. On 
                          peut trouver une allusion à un tel document dans les 
                          Significations de l’éclipse 1559, à propos d’un 
                          commentaire de la « seconde centurie » (cf notre 
                          exergue). Nous citerons P. Brind’amour ( Les premières 
                          centuries, Droz 1996, p.42) - qui ne signale pas que 
                          c’est nous qui lui avions indiqué cette mention- :  
                        
                          
                          
                          « Ce paragraphe révèle l’existence de 
                          prophéties en prose (.) Cet ouvrage est aujourd’hui 
                          perdu ». Il ne s’agit évidemment pas ici des textes en 
                          prose des almanachs et des pronostications, conservés 
                          dans le Recueil des Présages Prosaïques, mais d’un 
                          commentaire que Nostradamus aurait fait de ses 
                          quatrains « centuriques ». Pour nous, il est clair 
                          qu’une telle référence ne saurait être véritablement 
                          attribuée à Nostradamus. 
                          
                        
                          
                          
                          Mais quand on lit dans la version 
                          Besson « comme plus plein ay redigé par escrit aux 
                          miennes Prophéties qui sont composées », cela ne 
                          renvoie pas pour autant au document introduit par la 
                          préface à César. On notera la formule redondante : « 
                          rédigé par escrit ».  
                        
                          
                          
                          Par la suite, le texte de la Préface (Besson) 
                          aurait été remanié pour laisser la place à la prose, 
                          comme si l’on s’était aperçu que ces quatrains ne se 
                          suffisaient pas à eux-mêmes. Le «don » en question, ce 
                          sont bien les quatrains mais « Nostradamus » promet à 
                          son fils qu’il lui en donnera – à lui personnellement 
                          - l’explication non pas qu’il publiera celle-ci : « 
                          espérant à toy declarer une chacune des Prophéties & 
                          quatrains cy mis ». Mais en fait n’est-ce pas toute 
                          l’épitre qui est censée être un document privé- une 
                          sorte de testament spirituel - ainsi divulgué, ce qui 
                          lui confère implicitement un caractère posthume ?  
                        
                          
                          
                          L’expression « ay rédigé aux miennes 
                          prophéties »semble lacunaire : il semble manquer le 
                          mot « commentaire » (ou tout terme équivalent), ce qui 
                          donnerait plus correctement : « ay rédigé [ 
                          déclarations] par escrit aux miennes prophéties, qui 
                          sont composées tout au long », le passage « qui sont 
                          composées » ne saurait selon nous correspondre à « 
                          prophéties » puisque l’on nous parle d’un texte 
                          composé ‘tout au long », ce qui renvoie aux quatrains 
                          ni aux prophéties.  
                        
                          
                          
                          Brind’amour n’a pas hésité à traduire 
                          par « dans mes autres propheties » (p. 42), ce qui 
                          permettait d’éviter la question des commentaires en 
                          prose que lui-même avait pourtant évoquée. Tout se 
                          passe comme si l’on avait fini par renoncer à un 
                          commentaire en prose et que l’on avait voulu laisser 
                          croire que d’autres centuries viendraient éclaircir 
                          les premières, d’où la forme « miennes autres 
                          prophéties ». Or, le commentaire en prose n’est pas en 
                          soi une prophétie. Une prophétie n’est pas un 
                          commentaire d’une prophétie. C’est bien la prose qui 
                          est censé venir compléter le quatrain, sous la forme, 
                          si l’on en croit le passage des Significations de 
                          l’Eclipse 1559 (qui est selon nous une contrefaçon 
                          antidatée) d’un travail centurie par centurie, ce qui 
                          ne correspond pas au Janus Gallicus qui lui ne 
                          respecte aucunement la division en centuries dans son 
                          commentaire mais étudie des séries dépareillées de 
                          quatrains, qu’il a alignées à sa guise. 
                          
                        
                          
                          
                          On notera l’archaïsme chez Besson « ay 
                          rédigé », alors que les autres versions donnent « j’ay 
                          rédigé ». Il est étrange que cette version qui ne nous 
                          est connue que dans une édition de 1691 comporte une 
                          forme plus ancienne – sans pronom personnel - que 
                          toutes les autres versions connues de la Préface à 
                          César. Cela vient accréditer notre thèse du caractère 
                          premier de la version Besson et l’on pourrait donner 
                          d’autres exemples du même type. Cependant, l’on trouve 
                          dans d’autres passages de la version Besson « j’ay » 
                          comme si l’on n’était pas parvenu à évacuer tous les 
                          archaïsmes.Un cas remarquable est la forme « de mest 
                          hui » que l’on trouve chez Besson et qui est rendue 
                          dans toutes les autres versions, avec des variantes 
                          orthographiques, par « à cette heure », « asture » :  
                        
                        
                          
                          
                          Besson : « Viens donc de mesthui, mon 
                          fils César entendre que je trouve par mes revolues 
                          calcultions etc ». Une expression absolument inusitée 
                          à la fin du XVIIe siècle ! Brind’amour n’a pas inclus 
                          Besson dans ses références.  
                        
                        
                          
                          
                          Or, la version Besson nous apparait 
                          comme une pièce incontournable pour toute édition 
                          critique de la Préface à César. La version anglaise de 
                          1672 aussi intéressante soit-elle ne nous permet pas 
                          notamment d’étudier les différences linguistiques 
                          entre les versions. Rappelons qu’elle est 
                          considérablement marquée par l’Eclaircissement des 
                          véritables quatrains de Jean Giffré de Réchac alias de 
                          Sainte Marie (1656), dans son introduction (Apologie) 
                          et dans une partie importante de ses commentaires.(cf 
                          notre post- doctorat, EPHE 2007)  
                        
                          
                          
                          Nous avons montré, ailleurs, l’usage 
                          que l’on pouvait faire des titres des diverses 
                          éditions en les découplant de leur contenu lequel ne 
                          correspondait pas toujours. C’est probablement encore 
                          le cas pour les Grandes et Merveilleuses Prédictions, 
                          auxquelles Daniel Ruzo s’était intéressé ( Testament 
                          de Nostradamus, Rocher, 1982).  
                          
                          
                          Si nous étudions de près le sous- titre 
                          de cette série –qui serait avignonnaise si l’on en 
                          croit la mention in fine de l’édition Anvers Sainct 
                          Jaure 1590, et de 1555, nous trouvons un écho à 
                          certain passage de la Préface à César : « esquelles se 
                          voit représentée une partie de ce qui se passe en ce 
                          temps tant en France, Espaigne, Angleterre, que autres 
                          parties du monde ». Reconnaissons que si certains 
                          quatrains mentionnent tel ou tel nom de pays, on ne 
                          trouve dans les «Prophéties » en général et dans les 
                          Grandes et Merveilleuses Prédictions telles qu’elles 
                          nous sont parvenues, en particulier, aucune 
                          présentation correspondant au dit titre.  
                        
                          
                          
                          Or, revenons sur la Préface à César et 
                          sur ce qui y est annoncé au niveau des écrits : « aux 
                          miennes (autres) prophéties qui sont composées tout au 
                          long, in soluta oratione, limitant les lieux, temps & 
                          le terme prefixé ». Nous avons dit plus haut qu’il 
                          manquait un mot : ce ne sont pas des prophéties dont 
                          il s’agit mais d’une interprétation, d’une série de « 
                          prédictions », d’une « déclaration » à leur sujet (terme 
                          utilisé dans les almanachs pour introduire le 
                          commentaire de chaque mois, cf. Almanach de 
                          Nostradamus pour 1557) - « comme plus amplement est 
                          déclaré à l’interprétation de la seconde centurie de 
                          mes Propheties » (cf notre exergue sur le mot déclaré). 
                          
                        
                          
                          
                          La formule « limitant les lieux, temps 
                          » nous semble bel et bien faire écho au sous-titre : « 
                          esquelles se voit représentée une partie de ce qui se 
                          passe en ce temps tant en France, Espaigne, Angleterre, 
                          que autres parties du monde ». Un autre passage, déjà 
                          cité, de la Préface va dans le même sens : « limitant 
                          les lieux, climats, régions & citez »,  
                        
                          
                          
                          Selon nous, ce titre devait recouvrir 
                          un texte en prose, éventuellement mentionnant les 
                          quatrains mais plus probablement à lire en 
                          s’accompagnant d’une édition des Prophéties, 
                          constituant ainsi un binôme, formule que l’on 
                          retrouvera au XVIIe siècle, avec les commentaires 
                          faisant suite aux quatrains, en une sorte de second 
                          volet. La notion même de « second volet » pourrait 
                          faire écho à un tel binôme et non pas, comme par la 
                          suite, désigner une nouvelle série de quatrains comme 
                          une interpolation. (« aux miennes autres prophéties ») 
                          semble l’indiquer, dans une Préface à César retouchée 
                          (par rapport à la version Besson). En recyclant ce 
                          titre, l’on évitait de se poser trop de questions sur 
                          un ouvrage qui n’était plus en circulation, pour 
                          quelque raison, y compris du fait que son contenu 
                          n’avait peut-être pas été vraiment confirmé par les 
                          événements. Mais l’existence de deux titres pour 
                          désigner un même contenu aurait du faire problème. 
                          
                        
                          
                          
                          L’idée était de laisser entendre que 
                          Nostradamus aurait commenté ses propres quatrains 
                          voire qu’il aurait commenté des quatrains dont il 
                          n’aurait pas été nécessairement l’auteur, puisqu’il 
                          est présenté parfois comme bibliophile (on connait 
                          d’ailleurs le contenu de sa bibliothèque, cf. Musée 
                          Nostradamus, à Salon de Provence, pour certaines 
                          pièces) comme en témoigne cette publication rouennaise 
                          posthume datée de 1568 (cf. Benazra, RCN, pp 90-91) : 
                          « Prédictions pour vint ans (..) extraictes de divers 
                          auteurs trouvée dans la Bibliothèque de nostre defunct 
                          dernier décédé Maistre Michel de Nostredame (…) par 
                          Mi. De Nostradamus le jeune (chez Pierre Brenouzer). 
                          On notera que cette édition est rouennaise comme le 
                          sont les Grandes et Merveilleuses Prédictions.
                          
                          
                        
                          
                          
                          Ce faisant, on comprendrait mieux que 
                          le contenu des quatrains, leur origine, ne serait pas 
                          déterminant, qu’il pouvait s’agir de textes existant 
                          mis en rimes, éventuellement de chroniques anciennes, 
                          l’important étant le commentaire qu’on en tirait.  
                        
                          
                          
                          Les « Prédictions » auraient donc 
                          désigné le commentaire greffé sur les « Prophéties » 
                          et auraient été organisées en centuries pour suivre 
                          précisément l’agencement des dites Prophéties. Du 
                          coup, l’intitulé –on ne parle pas du contenu actuel 
                          -de 1588 (Rouen, R. du Petitval), Les Grandes et 
                          Merveilleuses Predictions de M. Michel Nostradamus 
                          divisées en quatre centuries (exemplaire non reproduit 
                          et non localisé, mais appartenant à l’ancienne 
                          collection Ruzo) ne correspondait pas initialement aux 
                          seuls quatrains mais bien à un commentaire des quatre 
                          premières centuries, lui-même logiquement articulé en 
                          quatre parties et probablement organisé pays par pays, 
                          comme cela se pratiquait..  
                        
                          
                          
                          Signalons certains détails du sous 
                          titre des trois éditions successives du Janus Gallicus, 
                          parues lors de l’avénement d’Henri IV (cf RCN, 
                          pp.130-143)  
                        
                          
                          
                          1594 La première face du Janus François 
                          (…) extraicte et colligée des Centuries et autres 
                          commentaires de M. Michel Nostradamus (…) le tout fait 
                          en françois et latin (..) par Jean Aimes de Chavigny, 
                          
                        
                          
                          
                          1594 Iani Gallici facies prior (…) ex 
                          decantatissimis illis tetrastrichis quae Michael 
                          Nostradamus iam olim Gallice in lucem edidit –(…) 
                          latine redditus. (..) explictus per Io. Amatum 
                          Chavigneum 
                          
                        
                          
                          
                          1596 Commentaires du Sgr de Chavigny 
                          sur les Centuries et Prognostications de feu M. Michel 
                          de Nostradamus (…) contenant sommairement les troubles 
                          , divisions, partialitez & guerres civiles advenues 
                          tant en ce royaume de France qu’ailleurs depuis l’an 
                          1534 iusques à présent.  
                        
                          
                          
                          Le premier document (Lyon)- bilingue- 
                          nous semble le plus significatif, il y est question 
                          des « commentaires » de Nostradamus, ce qui fait écho 
                          à l’idée selon laquelle Nostradamus lui-même aurait 
                          comment « ses » quatrains. Le deuxième document (Lyon) 
                          –bilingue- ne mentionne plus les « commentaires » mais 
                          seulement les quatrains (et non les centuries). Enfin, 
                          le troisième document, uniquement en français cette 
                          fois, paru à Paris, annonce les « Commentaires » de 
                          Chavigny, cette fois et non plus de Nostradamus et 
                          n’attribue à Nostradamus que les centuries et les 
                          prognostications sans mentionner ses commentaires. 
                          C’est Chavigny qui se voit attribuer ceux-ci désormais. 
                          Tout se passe comme si l’image d’un Nostradamus 
                          commentateur avait été rejetée, et comme si son rôle 
                          devait se tenir à la seule production de quatrains, 
                          voués aux commentaires d’autrui. On ne connaitra aucun 
                          commentaire de Nostradamus sur le moindre quatrain. 
                          Convient-il dès lors de considérer que les « 
                          commentaires » du Janus François, dans la version 
                          portant le titre français, seraient en partie supposés 
                          empruntés à ceux attribués à Nostradamus lui-même ? 
                          Dans un deuxième temps, c’est Chavigny lui-même qui se 
                          voit attribuer l’ensemble des commentaires des 
                          quatrains. Réchac, quant à lui, en 1656, proposera un 
                          « Eclaircissement des véritables quatrains » (1656)  
                        
                          
                          
                          Citons encore ce binôme centuries- 
                          commentaire en 1620 ; Petit Discours ou Commentaire 
                          sur les Centuries de Maistre Michel Nostradamus » (RCN, 
                          p. 182) qui dépossède Nostradamus au regard du 
                          Commentaire en prose et le cantonne dans les 
                          quatrains. On est donc là confronté à une contrefaçon 
                          dans la contrefaçon puisque l’on refusera désormais 
                          l’image d’un Nostradamus commentateur des quatrains 
                          alors même que le commentaire aurait pu prévaloir sur 
                          les quatrains dans un premier temps. 
                          
                        
                          
                          
                          Les éditions du XVIIe siècle n’en 
                          reprendront pas moins le sous titre des Grandes et 
                          Merveilleuses Prédictions en laissant entendre que les 
                          centuries nous renseignent sur les événements du monde 
                          alors que pour cela, selon nous, elles ont besoin du 
                          commentaire de Nostradamus, d’où une tradition qui se 
                          prolongera notamment jusqu’à l’abbé Torné, au XIXe 
                          siècle, qui tend à considérer comme « prophete » non 
                          pas tant l’auteur des quatrains mais leur interprète.  
                        
                        
                        
                        
                         
  
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