logo1

P r o p h e t i e s   O n   L i n e   

logo2

The largest library about Nostradamus for free !

logo3

 
 
 
Researches 41-50
 
41 - La filiation de la Préface à César de Rouen 1589 à - Macé Bonhomme 1555.
 

42 - L’influence de la Préface à César sur la littérature alchimique de la fin du XVIIe siècle et du début du siècle suivant

 
43 - La Lettre apocryphe de Saint Thomas d’Aquin sur l’alchimie et ses rapports avec la Lettre d’Aristée à son fils.
 
44 - L’influence d’une adresse à Reginald de Piperno sur la Préface à César
 
45 - L’adresse au fils dans la littérature alchimique médiévale
 
46 - La place des éditions Macé Bonhomme dans la chronologie des éditions centuriques
 
47 - La Préface à César et les Clavicules de Salomon
 
48 - L’hermétisme dans les premiers quatrains et dans la Préface à César.
 
49a - Les "aventures prophétiques de Michel Nostradamus" , du "par" au "de"
 
49b - Disparition et réapparition du second volet des Centuries, à la fin du XVIe siècle.
 
50 - Enseignements de l'édition rouennaise de 1589
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 
 

 

 

Researches 41-50

 

41 - La filiation de la Préface à César de Rouen 1589 à - Macé Bonhomme 1555.
Par Jacques Halbronn


Les observations de Mario Gregorio (sur propheties.it) concernant le fait que des similitudes formelles seraient à observer entre l’édition de Rouen Raphaël du Petit Val 1589 et les éditions de Lyon Macé Bonhomme 1555 méritent certainement un commentaire

Grégorio :

“ I noticed many differences in the epistle, first of all the two 1555 edition are nearly identical, they have a considerable number of common variations between each other this confirm the possibility they are not the source for the 1568 editions, the only edition, without any sort of doubt that sourced from the 1555 editions is the edition of Du Petit Val printed in the 1589. Remain the chance that it came from other editions today disappeared.””
Quant aux éditions 1568 Benoist Rigaud, elles sont certainement postérieures à Du Petit Val 1589. puisqu’elles dérivent de l’édition Cahors Jaques Rousseau 1590.(cf nos Researches sur propheties.it)

Reprenons les observations de Mario Gregorio ;
« To reinforce my assertion about the 1589-003 Du Petit Val is the only edition originated from the 1555 editions I've chosen some of the most interesting variations.

xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx
"veilles &" is present only in the two 1555 editions and in the 1589-003 edition,

"...gie iudicielle: par laquelle & moyennant in-
spiration & reuelation diuine par continuel-
les veilles & supputations, auons noz prophe-..."
xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx
"certe" is present only in the two 1555 editions and in the 1589-003 edition, "certaine" in all the other editions.

"...& prophetise par
inspirée reuelation: laquelle est vne certe par-
ticipation de la diuine eternité :..."
xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx
"haute doctrine" is present only in the two 1555 editions and in the 1589-003 edition, "hautes doctrines" in all the other editions.

"...moyennant les principes de la premiere cause
ont attainct à plus profondes abysmes de plus
haute doctrine...."
xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx
"pour asture" is present only in the two 1555 editions and in the 1589-003 edition,"maintenant" in all the other editions

"...que le mortel glaiue s'aproche de nous
pour asture par peste, guerre plus horrible que..."
xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx
"quand" is present only in the two 1555 editions and in the 1589-003 edition (as "quant"),

"...non inclinabitur in sæculum sæculi: hors mis que quand son
vouloir sera accompli, ce sera, mais non point aultrement:..."

xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx

Bien entendu, en ce qui nous concerne, nos conclusions seront inversées : nous dirons que l’édition Macé Bonhomme provient de l’édition Rouen du Petit Val 1589 ou d’une édition encore plus ancienne, cette édition constituant un terminus. On peut même dire que cette édition dont est issue Macé Bonhomme 1555 avait pour titre : Les Grandes et Merveilleuses prédictions de M. Michel Nostradamus divisées en Quarte Centuries etc ». Ce titre nous est connu précisément par une édition du même libraire datée de 1588. On sait cependant par la description qu’en donne Daniel Ruzo, dans le Testament de Nostradamus ( Paris, Ed. Rocher, 1982) que le contenu de cet exemplaire ne correspond pas à son titre puisqu’il n’y a pas encore de division en centuries. On peut d’ailleurs raisonnablement supposer que cet exemplaire actuellement introuvable pourrait comporter une Préface à César semblable à celle de Petit Val 1589.
Cela dit, sachant que l’édition Rouen Petit Val 1588 ne comportait que 49 quatrains à la Ive Centurie et non 53 (cf la description reprise par R Benazra, RCN, pp. 122-123), nous pensons que cette édition Macé Bonhomme à 353 quatrains est postérieure à celle de Rouen 1588, d’autant qu’elle comporte le quatrain IV, 46, absent de Petit Val 1588, « Garde toi Tours de ta prochaine ruine » qui fait référence, selon nous, aux événements de 1588-1589, lorsque Henri III rejoignit le roi de Navarre près de Tours. Cela vient confirmer le fait que ce serait une édition disparue postérieure à Rouen Petit Val 1588 mais antérieure à Rouen Petit Val 1589 qui comporte 100 quatrains à la IV, qui serait le modèle de Lyon Macé Bonhomme 1555. Bien plus, l’on peut dire que Macé Bonhomme 1555 est la copie de cette édition rouennaise disparue, à 4 centuries, dont cette fois 53 quatrains à la IV.
Mario Gregorio nous rappelle cependant que la série des Grandes et Merveilleuses Prédicions comporte la date du 22 juin 1555 et non du =Ier mars 1555. Nous ajouterons que le titre « Prophéties » appartient à la série parisienne et non à la série rouennaise, en ces années 1588-1590. Cela dit, les éditions parisiennes, de la Ligue, quant à elles, sont datées du Ier Mars 1557 et non 1555. Il y a un probléme de calendrier car le Ier mars 1555 ne correspond-il pas au début de 1556, selon le style de Pâques?
L’on note que l’on ne trouve le seuil de 53 quatrains que dans les éditions parisiennes (qui comportent une addition clairement indiquée au-delà de IV, 53)et c’est bien ce seuil qui est adopté par l’édition Macé Bonhomme alors que les éditions rouennaises, en dehors du cas de l’édition introuvable de 1588, comportent une 4e centurie d’un seul tenant, ce qui les rend plus tardives, ipso facto, que les éditions parisiennes, ce qui ressort notamment de l’état de la Centurie VI, plus achevé à Rouen et à Anvers qu’à Paris.
En conclusion, nous dirons que l’édition Macé Bonhomme 1555 précéde Rouen 1589 Petit Val du fait des 53 quatrains à la Ive centurie, césure ignorée de Rouen 1589 comme d’Anvers St Jaure 1590. C’est Petit Val 1589 qui dérive de l’état correspondant à Macé Bonhomme 1555. Le titre « Prophéties » serait antérieur à celui de Granes de merveilleuses prédictions.. Certes, dans un premier temps, avions nous mis en avant Rouen 1588 à 349 quatrains mais cette particularité ne se retrouve pas dans Rouen Petit Val 1588. Il y a une solution de continuité entre Rouen 1588 et Rouen 1589. Entre ces deux éditions, c’est tout le corpus parisien qu’il conviendrait d’intercaler.
Rappelons que l’on ne saura jamais quel contenu correspondait au titre de Rouen 1588 en 4 centuries, vu que ce n’est pas celui qui se présente dans l’exemplaire décrit par Ruzo. On peut penser que le contenu était bel et bien à 53 quatrains à la Ive centurie à l’instar de Macé Bonhomme 1555 et c’est cette édition perdue, sinon en son titre, qui ferait l’interface entre Macé Bonhomme 1555 et Rouen 1589.
Quant au contenu de Rouen 1588 tel qu’il figurait dans la collection Ruzo, à 49 quatrains à la Ive centurie, il est certainement antérieur à Macé Bonhomme 1555 et il ne devait pas porter le titre de Grandes et Merveilleuses Prédictions mais bien de Prophéties.
JHB
05. 03. 12

 

 

42 - L’influence de la Préface à César sur la littérature alchimique de la fin du XVIIe siècle et du début du siècle suivant

Par Jacques Halbronn

A la fin du XVIIe siècle, le genre épistolaire campant un père s’adressant à son fils allait s’enrichir d’un nouveau fleuron, voué à une assez jolie carrière. A la lettre de Nostradamus à son fils César allait faire pendant une lettre d’Aristée à son fils dont on peut penser qu’elle fut inspirée par la première. Il semble que ce soit la première fois qu’un tel paralléle ait été proposé. Hutin n’évoque pas ce point dans son Nostradamus et l’Alchimie. En ce sens, les multiples éditions de cette (pseudo) Lettre d’Aristée font partie intégrante du champ nostradamique..
Dans un premier temps, nous comparerons les textes et dans un deuxiéme temps nous aborderons certains problémes de chronologie bibliographique. Et enfin, l’on examinera l’original antique dont Nostradamus a pu s’inspirer.
I Le texte de 1686
En 1686, parut, sous un anagramme Dives sicut ardens, un ouvrage d’ Alexandre Toussaint de Limojon, Sieur de Saint-Didier [1630-]. la Lettre d'un philosophe, sur le secret du grand oeuvre. Ecrite au sujet des instructions qu'Aristée à laissées à son fils, touchant le magistere philosophique.. Paris: chez Laurent d'Houry, 1686
La Lettre est articulée autour de 50 paragraphes dument numérotés. Nous l’avons fait suivre pour nos lecteurs anglophones de deux traductions anglaises.
1. Mon Fils, après t'avoir donné la connoissance de toutes choses, & t'avoir apris comment tu dois vivre, & de quelle manière tu dois régler ta conduite par les maximes d'une excellente Philosophie;
2. Aprés t'avoir instruit aussi de tout ce qui regarde l'ordre & la nature de la Monarchie de l'Univers;
3 Il ne me reste autre chose à te communiquer, que les clefs de la nature, que j'ay jusques icy conservées avec un tres grand soin..
4. Entre toutes ces clefs, celle qui ouvre le lieu fermé tient sans difficulté le premier rang ; elle est la source généralement de toutes choses, & l'on ne doute point que Dieu ne luy ait particulièrement donné une propriété toute Divine.
5. Lors qu'on est en possession de cette clef, les richesses deviennent méprisables ; d'autant qu'il n'y a point de Tresor, qui puisse luy estre comparé.
6. En effet dequoy servent les richesses, lors qu'on est sujet à estre affligé des infirmitez humaines ? à quoy sont bons les tresors, lors qu'on se voit terrassé par la mort ?
7. Il n'y a point de richesses qu'il ne faille abandonner, lors que la mort se saisit de nous ;
8. Il n'en est pas de même, quand je possede cette clef ; car pour lors je vois la mort loin de moy, & je suis asseuré que j'ay en mon pouvoir un secret qui m'ôte toute sorte de crainte.
9. J'ay les richesses à commandement, & je ne manque point de Tresor; la langueur suit devant moy, & je retarde les approches de la mort, lors que je possede la clef d'or.
10. C'est de cette clef, mon Fils, que je veux te faire mon héritier ; mais je te conjure par le nom de Dieu, & par le lieu Saint qu'il habite, de la tenir enfermée dans le cabinet de ton cœur, & sous le sceau du silence.
11. Si tu sçay t'en servir, elle te comblera de biens, & lors que tu seras vieux ou malade, elle te rajeunira, te soulagera, & te guérira:
12. Car elle a la vertu particulière de guérir toutes les maladies, d'illustrer les métaux, & de rendre heureux ceux qui la possedent.
13. C'est cette clef que nos Peres nous ont si fort recommandée sous le lien du serment.
14. Apprend donc à la connoître, & ne cesse point de faire du bien au pauvre, & à l'orphelin, & que c'en soit-là le sceau & le véritable caractere.
15. Tous les estres qui sont sous le Ciel divisez en especes différentes, tirent leur origine d'un même principe, & c'est à l'air qu'ils doivent tous leur naissance, comme à leur principe commun.
16. La nourriture de chaque chose sait voir quel est son principe ; puisque ce qui soutient la vie, est cela même qui donne l'estre.
17. Le poisson joüit de l'eau, & l'enfant tette sa mere : l'arbre ne produit aucun fruit lorsque son tronc n'a plus d'humidité.
18. On connoist par la vie le principe des choses, la vie des choses est l'air, & par consequent l'air est leur principe.
19. C'est pour cela que l'air corrompt toutes choses, & comme il leur donne la vie, il la leur ôte aussi de même.
20. Les bois, le fer, les pierres prennent fin par le feu, & enfin toutes choses sont reduites en leur premier estat.
21. Mais telle qu'est la Cause de la corruption, telle l'est aussi de la generation.
22. Quand par diverses corruptions il arrive enfin que les creatures souffrent, soit par le temps ou par le defaut du sort, l'air leur survenant les guerit aussi tost, soit imparfaites, ou languissantes.
23. La terre, l'arbre, & l'herbe languissant par l'ardeur de trop de secheresse, mais toutes choses sont reparées par la rosée de l'air.
24. Toutefois Comme nulle creature ne peut estre reparée & rétablie qu'en sa propre nature, l'air estant la fontaine & la source originelle de toutes choses, il en est aussi pareillement la source universelle.
25. On voit manifestement que la semence, la vie, la mort, la maladie & le remede de toutes choses sont dans l'air.
26. La nature y a mis tous ses tresors, & les y tient renfermez comme sous des portes particulieres & secrettes.
27. Mais c'est posseder la clef d'or, que de sçavoir ouvrir ces portes, & puiser l'air de l'air.
28. Car si l'on ignore comment il faut puiser cet air, il est impossible d'acquerir ce qui guérit généralement toutes les maladies, & qui redonne la vie aux hommes .
29. Si tu desires donc de chasser toutes les infirmitez, il saut que tu en cherche le moyen dans la source générale.
30. La nature ne produit le semblable, que par le semblable, & il n'y a que ce qui est conforme à la nature qui peut faire du bien à la nature.
31. Apprends donc, mon Fils, à prendre l'air ; apprends à conserver la Clef de la nature.
32. les Creatures peuvent bien connoistre l'air; mais pour prendre l'air, il faut avoir la clef de la nature.
33. C'est véritablement un secret qui passe la portée de l'esprit de l'homme, sçavoir tirer de l'air, l'Arcane Celeste.
34. C'est un grand secret de comprendre la vertu que la nature a imprimée aux choses. Car les natures se prennent par des natures semblables.
35 Un poisson se prend avec un poisson; un oiseau avec un oiseau ;& l'air se prend avec un autre air, comme avec une douce amorce.
36. La neige & la glace sont un air que le froid a congelé, la nature leur a donné la disposition qu'il faut pour prendre l'air.
37. Mets une de ces deux choses dans un vase fermé. Prends l'air qui se congele à l'entour pendant un temps chaud, recevant ce qui distille dans un vaisseau profond, étroit, épais, sort & net, afin que tu puisses faire comme il te plaira, ou les rayons du Soleil, ou de la Lune.
38. Lors que tu en auras rempli un vase, bouche le bien, de peur que cette celeste éteincelle, qui s'y est concentrée, ne s'envole dans l'air.
39. Emplis de cette liqueur autant de vases que tu voudras ; écoute ensuite ce que tu en dois faire, & garde le silence.
40. Bâtis un fourneau, places y un petit vase moitié plein de l'air que tu as pris, & scelle le exactement.
41. Allume ensuite ton feu, en sorte que la plus legere partie de la fumée monte souvent en haut, & que la nature fasse ce que fait continuellement le feu central au milieu de la terre, où il agite les vapeurs de l'air, par une circulation qui ne cesse jamais.
42. Il faut que ce feu soit leger, doux & humide, semblable à celuy d'un oiseau qui couve ses oeufs.
43. Tu dois continuer le feu de cette sorte, & l'entretenir en cet état, afin qu'il ne brûle pas ; mais plûtost qu'il cuise ce fruit aérien, jusques à ce qu'après avoir esté agité de mouvement pendant un long-temps, il demeure entierement cuit au fond du vaisseau.
44. Ajoute en suite à cet air un nouvel air, non en grande quantité; mais autant qu'il luy en faut.
45. Fais en sorte qu'il se liquefie doucement, qu'il se pourrisse, qu'il noircisse, qu'il durcisse, qu'il s'unisse, qu'il se fixe, & qu'il rougisse.
46. Ensuite la partie pure estant séparée de l'impure, pat le moyen du feu, & par un artifice tout divin.
47. Puis tu prendras une partie pure d'air crud, que tu méleras avec la partie pure qui a esté durcie.
48. Tu auras soin que le tout se dissolve & s'unifie, qu'il devienne médiocrement noir, blanc, dur, & enfin parfaitement rouge.
49. C'est icy la fin de l'Oeuvre, & tu as fait cet elixir qui produit toutes les merveilles que tu as vues
50. Et tu possedes par ce moyen la clef d'or, l'or potable, la médecine universelle, & un tresor inépuisable.
FIN
Traduction anglaise par John O’Brien, conservée en manuscrit à la British Library MS. Sloane 3640
The Words of Father Aristeus to his Son
done out of the Scythian character and
language into Latin Rhyme.

1 The Knowledge of all things being now explained to you
And the way of living and of
Governing with the best Philosophy.
2 And the true Monarchy of the World being delivered:
3 There only remains to me the Keys of Nature,
which hitherto, my Son, I have taken care of.
4 Of these, the golden Key has the precedence
of all the rest which opens what is shut up.
It is the fountain of the Work of Universality,
Wherein is said to be the great Gift of the Divinity.
5 Riches grow vile, when this is in possession,
no treasure ever is compared with this.
6 What are Riches to me, if sickness be a companion?
What will Riches profit me, if I'm oppressed with Death?
7 Snatched away by Death, I leave my Treasures.
8 While I hold my Key, Death will be afar off.
While I possess the Key, I have the Secret.
While I have the Secret, I fear no fear [danger].
9 Riches are at hand, treasures are not wanting
Sickness flies away, Death is tardy, having got the Key.
10 Now, my Son, I'll make you the heir of it.
But I conjure you by God [and] his holy Seat,
That you keep it closed up near the Cabinet of your heart,
And concealed with the seal of Silence.
11 If you use it, it will greatly enrich you
If you shall be old or sick, it will heal, ease, renew.
12 By its own Power it cures all sicknesses,
It illuminates metals, it blesses [its] possessors.
13 This is it which our forefathers have sworn unto
And which they have recommended under the obligation of art.
14 Therefore learn it: do always good unto
The indigent Pupil; let this be for a Seal.
15 All things which are beneath the heavens distinguished into several.
Are made out of one Principle,
All things came out of one Principle,
They made all things out of the River [the emanations] of the [...]
16 All nourishments bear witness of their Fountain,
Since things live by that by which they are nourished.
17 The fish enjoys the Water, the Infant sucks the Mother
Let the tree want moisture, [and] the fruit of the wood flies away.
18 By the Life the beginning of things is known,
The Life of things is Air, therefore the beginning of things.
19 Moreover the Air corrupts all Bodies:
That which gives the gift of Life, destroys life also.
20 Wood, Iron, Stones are dissolved by Fire
And all things are reduced into their first State.
21 But the same is the cause of generation
Which (how different is it?) is of Corruption.
22 At last when it happens that Creatures suffer
Either by some [long] Time, or by the defect of Fate.
The Air relieves them, they are healed by Air,
Whether they be imperfect, or rendered infirm.
23 The Earth, a Tree, an Herb languish with ardent heat.
Each are amended by the Dew of the Air.
24 Yet since no creature can be repaired
But in its own Nature
Since Air is the original fountain of all
Consequently, it is also the universal Fountain.
25 In this itself the Seed, the Life, the Death,
The lanquishing, the remedy, of all things are acknowledge to be plucked.
26 Nature also has included all Treasures
In this, and shut it in its proper Doors [enclosure].
27 It is the golden Key to know how to open
The Doors and to draw Air from Air.
28 For it being unknown how the Air is fished,
It is impossible it should be gotten,
That which cures particular and universal diseases,
And calls also Mortals back to Life.
29 For you must seek out the common Fountain
If you desire thoroughly to heal all diseases
30 Nature produces like from like.
Nature leads forth Nature out of Nature.
31 Learn therefore, my Son, to catch Air,
Learn to keep the golden Key of Nature.
32 The Creatures may know the Air
But how to catch Air, is the Key of Nature.
33 This is a great Secret and more than Human,
To take the heavenly Secret from the Air.
34 This is a great Secret, the inbred power of things.
Natures are captivated by their own Species.
35 A fish is caught by a Fish, and a Bird by a Bird,
The Air is also taken by a sweet Air.
36 Snow and Ice are Air which cold has congealed.
These nature has prepared to catch the Air [again].
37 Put one of these into a sealed Vessel,
And you will catch the Air congealed about [it].
Receive this distilling in another deep little Vessel.
Close shut up, thick, strong, clean,
In a hot time that you may make
The Rays of the Sun, or the Lunar.
38 When the Vessel shall be full, seal up the mouth well
least the heavenly Spark fly away into the [open] Air.
39 Fill as many Vessels as you would fill,
what you shall do afterwards, learn and be silent.
40 Build a small furnace, fit your vessel
Half full of Air [which you have] catched, seal it up.
41 Then kindle a fire, let the pure lighter part of the
Fume ascend often; as Nature does,
Which always maintains a fire in the middle of the Earth.
By which she moves the Vapours of the Air by always circular.
42 Let its fire be gentle and moist, sweet
Like [that] wherewith a sitting Bird hatches Eggs.
43 Which keeping always so made
That it burn not, but bake [or boil] the golden Fruit;
Until for a long time being agitated by motion,
It rest baked in the Bottom of the Vessel.
44 To this Air add fresh Air
Not too much but a convenient part.
45 Make it gently flow, putrefy, grow black,
Grow hard, grow together into one, and being fixed become red.
46 Then the impure part being divided from the pure
By the assistance of fire and by divine Art;
47 At length take one part of pure Air
With which join again the pure hard part.
48 Let them be dissolved, joined, slightly grow black,
Be made white, be hardened, and at last become red.
49 This is the end of the Work; you have made the Elixir
Making all the miracles which you have seen.
50 You have the golden Key, potable Gold,
The Medicine of all things and perpetual Treasure.
II Problémes de chronologie
On trouve ce même texte figurant chez Limojon de Saint Didier dans un ouvrage qui connaitra une large diffusion à savoir le Petit Albert. (cf Le Grand et le Petit Albert, Ed. P. Belfond 1982 préface de Bernard Husson pp. 65-66 et texte pp. 350 et seq). Secrets merveilleux de la Magie Naturelle & Cabalistique du Petit Albert traduit exactement sur l'original latin, intitulé Alberti ParVI LUCII, Libellus de mirabilibus Naturae Arcanis. Enrichi de Figures mistérieuses & la manière de les faire, nouvelle édition Revue et augmentée (édition de 1729 chez les Héritiers de Beringos Fraires à Lyon). Une étude comparative nous conduit à penser que la pièce figurant dans le Petit Albert est dans un état plus ancien que celle reprise par Limojon de Saint Didier (voir une prochaine étude). Dès lors, il ne sera pas exclu de penser que la Préface à César ait pu être marquée par cette Lettre d’Aristée à son fils.
Il convient de noter que le texte de Limojon de Saint Didier est bilingue, le français étant censé être traduit du latin qui est placé en vis-à-vis. Notons que la Préface à César est truffée de passages en latin. On observera, par exemple, que dans le petit Albert – non divisé en 50 paragraphes numérotés, le texte de la Lettre est plus long que chez Limojon de Saint Didier : -il se poursuit ainsi
  • « Je t’en laisse un petit échantillon dont la bonté te sera prouvée par la parfaite santé dont je jouis, étant âgé de plus de cent huit ans. Travaille et tu seras aussi heureux que je l’ai été, ainsi que je le souhaite, au nom et par la puissance du Grand Architecte de l’Univers »
  • On ne trouve pas non plus chez Limojon, en sa Lettre d’un Philosophe le chapeau introductif qui figure dans le Petit Albert
« Si le grand nom d’Aristée n’était pas devenu célébre chez les artistes du grand Œuvre, on aurait peine à croire ce qu’il dit dans un écrit qu’il adresse à son fils pour son instruction dans l’entreprise du grand œuvre philosophique . On découvre à travers les obscurités de cet écrit qu’Aristée a eu la pensée que la pierre mystérieuse des philosophes devait se faire avec l’air condensé et rendu palpable artistement. Voici de quelle manière il instruit son fils sur ce grand sujet’
  • Ces quelques lignes pourraient militer en faveur de l’antériorité non pas du Petit Albert mais de la dite pièce sans que cela résolve la question de l’auteur de la dite Lettre. En effet cela donne une fin moins abrupte que dans la version de Limojon et renforce d’ailleurs quelque peu la similitude avec l’Epître à César Nostradamus dont les dernières lignes sont « Priant Dieu immortel qu’il te veuille prester une longue et bonne et prospère félicité ».
  • On notera qu’en français le tutoiement confère à ce texte un statut particulier au sein de l’ensemble du recueil. La traduction anglaise de Waite utilise le « thou » et non le « you » comme l’autre traduction.
    On peut se demander si la formule « Petit Albert » elle-même, ne se référe pas justement à une filiation du père au fils telle qu’elle est présentée dans cette Lettre à Aristée. Signalons qu’il exista dans l’Antiquité une telle Lettre tout aussi apocryphe,probablement conue en milieu juif, dotée d’un autre contenu et adressé à un frère et non à un fils.(cf J.G. Février La date la composition et les sources de la Lettre d’Aristée à Philocrate Paris, Champion 1924 qui ne signale pas d’apocryphes et Lettre d'Aristée à Philocrate, Introduction, texte critique, traduction et notes, index complet des mots grecs par André Pelletier, éditions du Cerf, Paris, 1962)
Version du Petit Albert. Traduction anglaise par A. E Waite en 1893 (Ruland Lexicon of Alchemy). On pourra relever un certain nombre de variantes avec le texte du recueil de Limojon.
»My son, after having imparted to thee a knowledge of all things, and after having taught thee how to live, after what manner to regulate thy conduct by the maxims of a most excellent wisdom, and after having also enlightened thee in that which concerns the order and the nature of the monarchy of the universe, it only remains for me to communicate those Keys of Nature which hitherto I have so carefully held back.
Among all these Keys, that which is most closely allied to the highest spirits of the universe deserves to take the first rank, and there is no one who questions that it is very specially endowed with an altogether divine property. When one is in possession of this Key, the rich become miserable in our eyes, inasmuch as there is no treasure which can possibly be compared to it. In effect, what is the use of wealth, when one is liable to be afflicted with human infirmities? Where is the advantage of treasures, when death is about to destroy us? There is no earthly abundance which we are not bound to abandon upon the threshold of the tomb. But it is no longer thus when I am possessed of this Key, for then I behold death from afar, and I am convinced that I have within my hands a secret which extinguishes all fear of misfortunes in this life. Wealth is ever at my command, and I no longer want for treasures; weakness flees away from me; and I can ward off the approach of the destroyer while I own this Golden Key of the Grand Work.
My son, it is of this Key that I propose to make thee the inheritor; but I conjure thee, by the name of God, and by the Holy Place wherein He dwelleth, to lock it up in the cabinet of thy heart, under the seal of silence. If thou knowest how to make use of it, it will overwhelm thee with good things, and when thou shalt be old or ill, it will rejuvenate, console, and cure thee; for it has the special virtue of curing all diseases, of transfigurating metals, and of making happy those who possess it. It is that Key to which our fathers have often exhorted us under the bond of an inviolable oath. Learn, then, to know it, cease not to do good to the poor, to the widow, to the orphan, and learn its seal of me, and its true character.
 
Know that all beings which are under heaven, each after its own kind, derives origin from the same principle, and it is, as a fact, unto Air that all owe their birth as to a common principle. The nourishment of each existence makes evident the nature of its principle, for that which sustains the life is that which gives the being. The fish joys in the water; the child sucks from its mother. The tree no longer bears fruit when its trunk is deprived of humidity. It is by the life that we discern the principle of things; the life of things is the Air, and by consequence Air is their principle. It is for this reason that Air corrupts all things, and even as it gives life, so also it takes it away. Wood, iron, stones, are consumed by fire, and fire cannot subsist but by Air. Now, that which is the cause of corruption is also the cause of generation. When, by reason of divers corruptions, it comes to pass that creatures fall sick and do suffer, either through length of days or by mischance, the Air coming to their succour cures them, whether they be imperfect or languishing. The earth, the tree, the herb languish under the heat of excessive drought; but all things are recuperated by the dew of the Air. But, nevertheless, as no creature can be restored and re-established except by its own nature, Air being the fountain and original source of all things, it is in like manner the universal source. It is manifestly certain that the seed, the death, the sickness, and the remedy of all things are all alike in the Air. There has Nature stored up all her treasures, establishing therein the principles of the generation and corruption of all things, and concealing them as behind special and secret doors. To know how to open these doors with sufficient facility so as to draw upon the radical Air of the Air, is to possess in truth the golden Keys, and to be in ignorance thereof precludes all possibility of acquiring that which cures all maladies and recreates or preserves the life of men.
 
If thou desirest then, O my Son, to chase away all thine infirmities, thou must seek the means in the primal and universal source. Nature produces like from like alone, and that only which is in correspondence or conformity with Nature can effect good to her. Learn then, my Son, to make use of Air, learn to conserve the Key of Nature. It is truly a secret which transcends the possibilities of the vulgar man, but not those of the sage, this knowledge of the Extraction of Air, the Celestial Aerial Substance, from Air; for Air may be familiar to all beings, but he who would truly avail himself thereof must possess the secret Key of Nature.
 
It is a great secret to understand the virtue which Nature has imprinted in substances. For natures are attracted by their like; a fish is attracted by a fish - a bird by a bird - and air by another air, as with a gentle allurement. Snow and ice are an air that has been congealed by cold; Nature has endowed them with the qualities which are requisite to attract air.
 
Place thou, therefore, one of these two things in an earthen or metallic vessel, well closed, well sealed, and take thou the Air which congeals round this vessel when it is warm. Receive that which is distilled in a deep vessel with a narrow neck, neat and strong, so that thou canst use it at thy pleasure, and adapt to the rays of the Sun and Moon - that is, Silver and Gold. When thou hast filled a vessel cork it well, so that the heavenly scintillation concentrated therein shall not escape into the air. Fill as many vases as thou wilt with liquid; then hearken to thy next task, and keep silent. Build a furnace, place a small vessel therein, half full of the Liquid Air which thou hast collected ; seal and lute the said vessel effectually. Light thy fire in such a manner that the thinner portion of the smoke may rise frequently above. Thus shall Nature perform that which is continually accomplished by the central fire in the bowels of the earth, where it agitates the vapours of the air by an unceasing circulation. The fire must be light, mild, and moist, like that of a hen brooding over her eggs, and it must be sustained in such a manner that it will cook without burning the aerial fruits, which, having been for a long time agitated by a movement, shall rest at the bottom of the vessel in a state of perfect coction.
 
Add next unto this Cocted Air a fresh air, not in great quantity, but as much as may be necessary; that is to say, a little less than on the first occasion. Continue this process until there shall be no more than half a bowl of Liquid Air uncooked. Proceed in such wise that the cooked portion shall gently liquefy by fermentation in a warm dunghill, and shall in like manner blacken, harden, amalgamate, become fixed, and grow red. Finally, the pure part being separated from the impure by means of a legitimate fire, and by a wholly divine artifice, thou shalt take one part of pure crude Air and one part of pure hardened Air, taking care that the whole is dissolved and united together till it becomes moderately black, more white, and finally perfectly red. Here is the end of the work, and then hast thou composed that elixir which produces all the wonders that our Sages aforetime have with reason held so precious; and thou dost possess in this wise the Golden Key of the most inestimable secret of Nature - the true Potable Gold and the Universal Medicine. I bequeathe unto thee a small sample, the quality and virtues of which are attested by the perfect health which I enjoy, being aged over one hundred and eight years.
 
Do thou work, and thou shalt achieve as I have done. So be it in the name and by the power of the great Architect of the Aniverse.
 
III La comparaison entre les deux Epitres.
On se contentera ici d’un rapide survol et laissons à d’autres chercheurs le plaisir de se préter à un tel exercice.
Bien entendu, la répétition de la formule « mon fils » dans les deux cas est frappante ; citons entre autres, :
«Ton tard advenement César Nostradame mon fils (…) Encores mon fils que j’aye inséré nom de Prophéte (…) Viens à ceste heure entendre, mon fils que je trouve par mes revolutions (…) Car la misericorde de Dieu sera point dispergée, mon fils, que la plupart de mes Propheties seront accomplies » puis « faisant fin, mon fils, prends donc ce don de ton père »
Aristée entend transmettre à son fils une certaine « clé » dont le caractère médical est assez patent. Rappelons que Nostradamus était médecin et écrivit sur des sujets relatifs à la conservation de la santé (voir les dernières lignes du texte du recueil du Petit Albert (cf supra)./ « C’est de cette clé mon fils que je veux te faire mon héritier/ Mais je te conjure (…) de la tenir enfermée dans le cabinet de ton cœur et sous le sceau du silence (..) C’est une clé que nos pères nous ont si fort recommandée sous le sceau du serment’. Cette clé c’est « l’or potable et la médecine universelle » On pense à deux lettres dont une serait axée sur l’astrologie et la prophétie et l’autre sur la médecine et l’alchimie.
IV La Lettre d’Aristée à son frère Philocrate
Cette lettre signalée par Flavius Joséphe se rapporet à la Traduction grecque des Septante et à son inspiration , telle qu’elle fut réalisée à Alexandrie, sous Ptolémée II. Elle connut une large diffusion au XVIe siècle. En 1522, Luis Vives montre qu’il s’agit d’un faux : (In XXII Libros De Civitate Dei Commentaria, Bâle, 1522, sur XVIII, 42). Le texte est signalé par Flavius Josèphe (vers + 90), dans ses Antiquités juives XII, 12-118.
Dans l’édition française (Cerf, 1962) d’André Pelletier, on peut lire le résumé suivant :
« Ce qu’on a pris l’habitude d’appeler « La Lettre d’Aristée » est un document juif qui raconte comment la « Loi » des Juifs a été traduite d’hébreu en grec par soixante-douze savants juifs de Jérusalem venus à Alexandrie vers le milieu du IIIe siècle av. J.-C. L’auteur y insère une curieuse enfilade de soixante-douze sentences morales, où des lieux communs de philosophie stoïcienne voisinent avec d’authentiques principes du judaïsme. Ouvrage de propagande à la fois politique et religieuse en faveur des juifs de la Diaspora, la « Lettre » défend l’authenticité littéraire et l’inspiration divine de la version biblique de la Septante, qui sera la première adoptée par tous les chrétiens d’Orient et d’Occident et restera même le texte en usage dans l’Église grecque. »
On se servira d’extraits de la traduction anglaise The Letter Of Aristeas, R.H. Charles-Editor (Oxford: The Clarendon Press, 1913 )
 
“Since I have collected Material for a memorable history of my visit to Eleazar the High priest of the Jews, and because you, Philocrates, as you lose no opportunity of reminding me, have set great store upon receiving an account of the motives and object of my mission, I have attempted to draw up a clear exposition of the matter for you, for I perceive that you possess a natural love of learning, 2 a quality which is the highest possession of man - to be constantly attempting 'to add to his stock of knowledge and acquirements' whether through the study of history or by actually participating in the events themselves. It is by this means, by taking up into itself the noblest elements, that the soul is established in purity, and having fixed its aim on piety, the noblest goal of all, it uses this as its infallible guide and so acquires a definite purpose. 3 It was my devotion to the pursuit of religious knowledge that led me to undertake the embassy to the man I have mentioned, who was held in the highest esteem by his own citizens and by others both for his virtue and his majesty and who had in his possession documents of the highest value to the Jews in his own country and in foreign lands for the interpretation of the divine law, for their 4 laws are written on leather parchments in Jewish characters. This embassy then I undertook with enthusiasm, having first of all found an opportunity of pleading with the king on behalf of the Jewish captives who had been transported from Judea to Egypt by the king's father, when he first obtained possession of this city and conquered the land of Egypt. It is worth while that I should tell 5 you this story, too, since I am convinced that you, with your disposition towards holiness and your sympathy with men who are living in accordance with the holy law, will all the more readily listen to the account which I purpose to set forth, since you yourself have lately come to us from the island and are anxious to hear everything that tends to build up the soul. 6 On a former occasion, too I sent you a record of the facts which I thought worth relating about the Jewish race - the record 7 which I had obtained from the most learned high priests of the most learned land of Egypt. As you are so eager to acquire the knowledge of those things which can benefit the mind, I feel it incumbent upon me to impart to you all the information in my power. I should feel the same duty towards all who possessed the same disposition but I feel it especially towards you since you have aspirations which are so noble, and since you are not only my brother in character no less than in blood but are one with me as well in the pursuit of goodness. 8 For neither the pleasure derived from gold nor any other of the possessions which are prized by shallow minds confers the same benefit as the pursuit of culture and the study which we expend in securing it. But that I may not weary you by a too lengthy introduction, I will proceed at once to the substance of my narrative”.
 
(…)
 
I have now, my dear brother Philocrates, given you all the essential information upon this subject 121 in brief form. I shall describe the work of translation in the sequel.
 
(…) For the sake of illustration I will run over one or two 144 points and explain them to you. For you must not fall into the degrading idea that it was out of regard to mice and weasels and other such things that Moses drew up his laws with such exceeding care. All these ordinances were made for the sake of righteousness to aid the quest for virtue and 145 the perfecting of character
 
(…) 295 I have written at length and must crave your pardon, Philocrates.
 
(…) And now Philocrates, you have the complete story in accordance with my promise. I think that you find greater pleasure in these matters than in the writings of the mythologists. For you are devoted to the study of those things which can benefit the soul, and spend much time upon it. I shall attempt to narrate whatever other events are worth recording, that by perusing them you may secure the highest reward for your zeal.”
 
Selon nous la préface à César telle qu’elle figure à partir des années 1580 en tête des quatrains prophétiques a pu s’inspirer de ce document dans sa conception sinon en son contenu qui narre notamment un certain nombre de pratiques juives, telles que les lois alimentaires..En ce qui concerne le texte de Michel de Nostredame repris en partie par Antoine Couillard, nous ne le connaissons que par des fragments. Rappelons que l’Epître à Henri II emprunta également un certain mode de présentation. On a là deux styles : d’un côté, celui du courtisan qui se prosterne devant son souverain pour lui offrir un modeste présent et de l’autre, celui du frère ou du père qui livre à son parent un savoir qui lui sera profitable. En tout état de cause, reste ouverte la question de savoir quel est le texte le plus ancien, celui de la Préface ou celui repris dans le Petit Albert, dès lors que contrairement à ce qu’écrit Bernard Husson, nous ne pensons pas que Limojon en soit l’auteur en raison de la corruption de sa version.
 
JHB 28. 03.12

 

 
 

43 - La Lettre apocryphe de Saint Thomas d’Aquin sur l’alchimie et ses rapports avec la Lettre d’Aristée à son fils.

Par Jacques Halbronn
 
En 1686, dans son édition parue à La Haye en 1686 (puis à Paris, en 1688), Limojon de Saint Didier ne prétend nullement être l’auteur de cette Lettre. C’est là une supposition de Bernard Husson qui pourtant connait les deux textes, celui du Petit Albert et celui de La Lettre d’un philsophe sur le magistère du Grand Œuvre. Ne pourrait-on en fait remonter au grand disciple d’Albert, à savoir Thomas d’Aquin, lui aussi auteur (prétendu) d’une Lettre sur l’Alchimie ?
 
I La comparaison Petit Albert- Limojon de St Didier
Nous avons ci-dessous mis en évidence les différences et les variantes entre les deux documents, en mettant entre crochets ce qui ne figure que chez Limojon et entre parenthèses ce qui ne figure que dans le Petit Albert. Différences assez sensibles si on les compare, par exemple, à celles qui distinguent les diverses versions de la (pseudo) Préface à César de Nostredame par son père. Il est évident que ce travail ne peut se faire sur des traductions car il s’agit de s’assurer que les mots sont globablement les mêmes dans les deux versions et ne dérivent pas d’une autre source. En dépit des différences, les similitudes restent flagrantes.
Le paragraphe 5 retiendra particulièrement notre attention. Notons cependant que la version du Petit Albert n’est pas découpée en paragraphes numérotés :
5. « Lors qu'on est [en possession] (sans la possession) de cette clef, les richesses deviennent méprisables ; d'autant qu'il n'y a point de Tresor, qui puisse luy estre comparé. »
Il semble bien que la version Petit Albert soit préférable. L’auteur entend que celui qui n’a pas résolu ses problèmes de santé ne peut être heureux de ses richesses. A contrario, celui qui n’a plus à craindre de la maladie peut apprécier les autres plaisirs du monde. Ce que vient confirmer le début du paragraphe suivant figurant à l’identique dans les deux versions, ce qui semble signifier que Limojon ne maîtrise pas son texte et donc qu’il peut difficilement en être l’auteur :
6. En effet dequoy servent les richesses, lors qu'on est sujet à estre affligé des infirmitez humaines ?
Le paragraphe 33 ne se retrouve pas dans le Petit Albert :
33. [C'est un secret qui passe la portée de l'esprit de l'homme, sçavoir tirer de l'air, l'Arcane Celeste].
En revanche, les paragraphes 44 et 45 sont beaucoup plus étoffés chez le Petit Albert que dans Limoujon de St Didier :
44. Ajoute (Tu ajouteras) en suite à cet air (cuit) un nouvel air, non en grande quantité; mais autant qu'il luy en faut. (c'est-à-dire un peu moins que la première fois. Continue ainsi jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un demi-bocal d’air liquide qui n’ait point été cuit.)
45. Fais en sorte qu'il (ce qui a été cuit) se liquefie doucement (par fermentation au fumier chaud), [qu'il se pourrisse], qu'il noircisse, qu'il durcisse (s’endurcisse), qu'il s'unisse (s’unifie), qu'il se fixe, & qu'il rougisse
Nous avons été voir dans la littérature alchimique quel usage se faisait de ce « fumier chaud », absent de la Lettre de 1686. On y reviendra plus loin
Au-delà du paragraphe 50, qui est conclusif chez Limojon, on trouve ce développement uniquement chez le Petit Albert ;
(Je t’en laisse un petit échantillon dont la bonté te sera prouvée par la parfaite santé dont je jouis, étant âgé de plus de cent huit ans. Travaille et tu seras aussi heureux que je l’ai été, ainsi que je le souhaite, au nom et par la puissance du Grand Architecte de l’Univers)
Les deux versions croisées :
1. Mon Fils, après t'avoir donné la connoissance de toutes choses, & t'avoir apris comment tu dois vivre, & de quelle manière tu dois régler ta conduite par les maximes d'une excellente Philosophie;
2. Aprés t'avoir instruit aussi de tout ce qui regarde l'ordre & la nature de la Monarchie de l'Univers;
3 Il ne me reste autre chose à te communiquer, que les clefs de la nature, que j'ay jusques icy conservées avec un tres grand soin.
4. Entre toutes ces clefs, celle qui ouvre le lieu (saint) fermé (aux plus sublimes génies) tient sans difficulté le premier rang (doit tenir le rang) elle est la source généralement (générale) de toutes choses, & l'on ne doute point que Dieu ne luy ait particulièrement donné une propriété toute Divine.
5. Lors qu'on est en possession (sans la possession) de cette clef, les richesses deviennent méprisables ; d'autant qu'il n'y a point de Tresor, qui puisse luy estre comparé.
6. En effet dequoy servent les richesses, lors qu'on est sujet à estre affligé des infirmitez humaines ? à quoy sont bons (tous) les tresors, lors qu'on se voit terrassé par la mort ?
7. Il n'y a point de richesses qu'il ne faille abandonner, lors que la mort se saisit de nous ;
8. Il n'en est pas de même, quand je possede cette clef ; car pour lors je vois la mort loin de moy, & je suis asseuré que j'ay en mon pouvoir un secret qui m'ôte toute sorte de crainte.(toute l’appréciation des misères de cette vie)
9. J'ay les richesses à commandement, & je ne manque point de Tresor (s); la langueur fuit devant moy, & je retarde les approches de la mort, lors que je possede la clef d'or (dorée du grand œuvre).
10. C'est de cette clef, mon Fils, que je veux te faire mon héritier ; mais je te conjure par le nom de Dieu, & par le lieu Saint qu'il (que j’) habite, de la tenir enfermée dans le cabinet de ton cœur, & sous le sceau du silence.
11. Si tu sçay t'en servir, elle te comblera de biens, & lors que tu seras vieux ou malade, elle te rajeunira, te soulagera, & te guérira:
12. Car elle a la vertu particulière de guérir toutes les maladies (et) d'illustrer (sic) les métaux, & de rendre heureux ceux qui la possedent.
13. C'est cette (une) clef que nos Peres nous ont si fort recommandée sous le lien (sceau) du serment.
14. Apprend donc à la connoître, & ne cesse point de faire du bien au (x) pauvre (s) (à la veuve), & à l'orphelin, & que c'en soit-là [le sceau &] le véritable caractere.
15. (Sache donc que) Tous les estres qui sont sous le Ciel divisez en especes différentes, tirent leur origine d'un même principe, & c'est à l'air qu'ils doivent tous leur naissance, comme à leur principe commun.
16. La nourriture de chaque chose fait voir quel est son principe ; puisque ce qui soutient la vie, est cela même qui donne l'estre.
17. Le poisson joüit de l'eau, & l'enfant tette (tête) sa mere : l'arbre ne produit aucun fruit lorsque son tronc n'a plus d'humidité.
18. On connoist par la vie le principe des choses, la vie des choses est l'air, & par consequent l'air est leur principe.
19. C'est pour cela que l'air corrompt toutes choses, & comme il leur donne la vie, il la leur ôte aussi de même.
20. Les (le) bois, le fer, les pierres prennent fin par le feu,(et le feu ne peut subsister que par l’air)[ & enfin toutes choses sont reduites en leur premier estat.]
21. Mais telle qu'est la Cause de la corruption, telle (l') est aussi de la generation.
22. Quand par diverses corruptions il arrive enfin que les creatures souffrent, soit par le temps ou par le defaut du sort, l'air (leur) survenant (à leur secours) les guerit [aussi tost ] qu’elles soi(en)t imparfaites, ou languissantes.
23. La terre, l'arbre, & l'herbe languissant par l'ardeur de trop de secheresse, mais toutes choses sont reparées par la rosée de l'air.
24. [Toutefois] (néanmoins) Comme nulle creature ne peut estre reparée & rétablie qu'en sa propre nature, l'air estant la fontaine & la source originelle de toutes choses, il en est aussi pareillement la source universelle.
25. On voit manifestement que la semence, [la vie], la mort, la maladie & le remede de toutes choses sont dans l'air.
26. La nature y a mis tous ses tresors (avec les principes de generation et de corruption de toutes choses), & les y tient renfermez comme sous (derrière) des portes particulieres & secrettes.
27. Mais c'est (véritablement) posseder la clef d'or (dorée) (de ces portes, que de sçavoir ouvrir [ces portes] (assez heureusement), & puiser l'air de l'air.(cet air)
28. [Car si l'on ignore comment il faut puiser cet air], il est impossible d'acquerir ce qui guérit généralement toutes les maladies, & qui redonne (ou conserve) la vie aux hommes .
29. Si tu desires donc (ô mon fils) de chasser toutes les infirmitez, il faut que tu en cherches le moyen dans la source générale.(primitive et universelle)
30. La nature ne produit le semblable, que par le semblable, & il n'y a que ce qui est (semblable ou) conforme à la nature qui peut faire du bien à la nature.
31. Apprends donc, mon Fils, à prendre l'air ; apprends à conserver la Clef de la nature.
32. les Creatures peuvent bien connoistre l'air; mais pour prendre l'air, il faut avoir la clef de la nature.
33. [C'est un secret qui passe la portée de l'esprit de l'homme, sçavoir tirer de l'air, l'Arcane Celeste].
34. C'est un grand secret de comprendre la vertu que la nature a imprimée aux choses. Car les natures se prennent par des natures semblables.
35 Un poisson se prend avec un poisson; un oiseau avec un oiseau ;& l'air se prend avec un autre air, comme avec une douce amorce.
36. La neige & la glace sont un air que le froid a congelé, la nature leur a donné la disposition qu'il faut pour prendre l'air.
37. Mets (Tu mettras) une de ces deux choses dans un vase (vaisseau de terre ou de métal qui soit bien) fermé(et bien bouché). Prends (Tu prendras) l'air qui se congele à l'entour (de ce vase) pendant un temps chaud, [recevant] ce qui distille dans un vaisseau profond, (et bien) étroit,(par le col) épais, fort & net, afin que tu puisses faire comme il te plaira, ou les rayons du Soleil, ou de la Lune (c'est-à-dire l’or et l’argent).
38. Lors que tu en auras rempli un vase, bouche le bien, de peur que cette celeste éteincelle, qui s'y est concentrée, ne s'envole dans l'air.
39. Emplis de cette liqueur autant de vases que tu voudras ; écoute ensuite ce que tu en dois faire, & garde le silence.
40. Bâtis un fourneau, places y un petit vase moitié plein de l'air (liquide) que tu as pris (recueilli), & scelle(et lute (sic) le dit vase) le exactement.
41. Allume ensuite ton feu, en sorte que la plus legere partie de la fumée monte souvent en haut, & que la nature fasse ce que fait continuellement le feu central au milieu de la terre, où il agite les vapeurs de l'air, par une circulation qui ne cesse jamais.
42. Il faut que ce feu soit leger, doux & humide, semblable à celuy d'un oiseau qui couve ses oeufs.
43. Tu dois continuer le feu de cette sorte, & l'entretenir en cet état, afin qu'il ne brûle pas ; mais plûtost qu'il cuise ce fruit aérien, jusques à ce qu'après avoir esté agité de mouvement pendant un long-temps, il demeure entierement cuit au fond du vaisseau.
44. Ajoute (Tu ajouteras) en suite à cet air (cuit) un nouvel air, non en grande quantité; mais autant qu'il luy en faut.(c'est-à-dire un peu moins que la première fois. Continue ainsi jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un demi-bocal d’air liquide qui n’ait point été cuit.)
45. Fais en sorte qu'il (ce qui a été cuit) se liquefie doucement (par fermentation au fumier chaud), [qu'il se pourrisse], qu'il noircisse, qu'il durcisse (s’endurcisse), qu'il s'unisse (s’unifie), qu'il se fixe, & qu'il rougisse.
46. Ensuite la partie pure estant séparée de l'impure, par le moyen du feu (légitime), & par un artifice tout divin.
47. [Puis] tu prendras une partie [pure] d'air crud, que tu méleras avec la partie pure qui a esté durcie.
48. Tu auras soin que le tout se dissolve & s'unifie (s’unisse), qu'il devienne médiocrement noir, (puis) blanc, [dur], & enfin parfaitement rouge.
49. C'est icy la fin de l'Oeuvre, & tu as fait cet elixir qui produit toutes les merveilles (que nos Sages devanciers ont eu raison de tant estimer [ que tu as vues]
50. Et tu possedes (posséderas) par ce moyen la clef d'or (dorée), du plus inestimable secret de la nature, l' (le vrai) or potable (et) la médecine universelle,[ & un tresor inépuisable.]
( Je t’en laisse un petit échantillon dont la bonté te sera prouvée par la parfaite santé dont je jouis, étant âgé de plus de cent huit ans. Travaille et tu seras aussi heureux que je l’ai été, ainsi que je le souhaite, au nom et par la puissance du Grand Architecte de l’Univers )
II Le texte alchimique attribué à St Thomas d’Aquin
Abordons à présent un ouvrage qui s’est offert à nous à propos du « fumier chaud ». Ce n’est autre que’ le TRAITÉ DE SAINT THOMAS D’AQUIN SUR L’ART DE L’ALCHIMIE. Dédié au frère Reinaldus (Reginald). Rappelons que Thomas fut le disciple d’Albert le Grand qui est cité à deux reprises, fort élogieusement. Or, dans ce traité considéré comme apocryphe, Thomas s’adresse au frère Reinaldus en l’appelant, plusieurs fois, « mon fils », usage bien connu et qui n’implique aucun lien de parenté.
CHAPITRE I
A tes prières assidues, mon très cher frère, je me propose de te décrire en ce bref traité divisé en huit chapitres, certaines règles simples et efficaces pour nos opérations, ainsi que le secret des véritables teintures ; mais auparavant je t’adresse trois recommandations.
Premièrement : ne prête pas beaucoup d’attention aux paroles des Philosophes modernes ou anciens qui ont traité de cette science, parce que l’Alchimie consiste entièrement dans la capacité de l’entendement et dans la démonstration expérimentale (37). Les Philosophes voulant cacher la vérité des sciences, ont parlé presque toujours figurativement.
Deuxièmement : n’apprécie jamais ni n’estime la pluralité des choses ni les compositions formées de substances hétérogènes (38), car la nature ne produit rien que par les semblables, et quoique le cheval et l’âne produisent le mulet, ce n’en est pas moins une génération imparfaite, comme celle qui peut se produire par hasard exceptionnellement avec plusieurs substances.
Troisièmement : ne sois pas indiscret, mais surveille tes paroles, et comme un fils prudent, ne jette pas les perles aux pourceaux.
Conserve toujours présente à ton esprit la fin pour laquelle tu as entrepris l’œuvre. Tiens pour certain que si tu gardes constamment devant tes yeux ces règles qui me furent données par Albert-le-Grand, tu n’auras rien à quémander aux Rois et aux grands, mais, au contraire, les Rois et les grands te couvriront d’honneurs (39). Tu seras admiré de tous, en servant par cet art les Rois et les Prélats, car non seulement tu subviendras à leurs besoins mais encore tu subviendras à ceux de tous les indigents, et ce que tu donneras ainsi vaudra dans l’éternité autant qu’une prière. Que ces règles soient donc gardées au fonds de, ton cœur sous un triple sceau inviolable, car dans mon autre livre, donné au vulgaire, j’ai parlé en philosophe, tandis qu’ici, confiant en ta discrétion, j’ai révélé les secrets les plus cachés.
CHAPITRE II DE L’OPERATION
Comme l’enseigne Avicenne dans son épître au roi Assa, nous cherchons à obtenir une substance véritable au moyen de plusieurs intimement fixées, laquelle substance étant placée dans le feu, l’entretienne et l’alimente, et qui soit en outre pénétrative et ingressive, qui teigne le mercure et les autres corps; teinture très véritable, ayant le poids requis et surpassant par son excellence tous les trésors du monde.
Pour faire cette substance, comme le dit Avicenne, il faut avoir de la patience, du temps et les instruments nécessaires.
De la patience, parce que selon Geber, la précipitation est l’œuvre du diable; aussi celui qui n’a pas de patience doit suspendre tout travail.
Du temps, parce que dans toute action naturelle résultant de notre art, le moyen et le temps sont rigoureusement déterminés .
Des instruments, nécessaires non pas en grand nombre comme on le verra dans la suite, puisque notre œuvre s’accomplit au moyen d’une chose, d’un vase, d’une seule voie et d’une seule opération (in una re, uno vase, una via et una operatione) comme l’enseigne Hermès.
Il est permis de former la médecine de plusieurs principes agglomérés; toutefois, il n’est besoin que d’une matière et d’aucune chose étrangère, sinon du ferment blanc ou rouge. Toute l’Œuvre est purement naturelle; il suffit d’observer les diverses couleurs suivant le temps où elles apparaissent.
Le premier jour, il faut se lever de grand matin et de voir si la vigne est en fleurs et se transforme en tête de corbeau; puis elle passe par diverses couleurs entre entres lesquelles il faut remarquer le blanc intense parce que c’est celle-là que nous attendons et qui révèle notre roi, c’est-à-dire 1 ‘élixir ou la poudre simple, lui a autant de noms qu’il y a de choses au monde. Mais Pour terminer en peu de mots notre matière ou magnésie est appelée Terre d’Espagne ou Antimoine, mais remarque bien que je ne désigne pas par-là le mercure commun dont se servent les sophistes et qui ne donne qu’un résultat médiocre, malgré les grandes dépenses qu’il occasionne, et s’il te plaisait de travailler avec lui, tu parviendrais incontestablement à la vérité, mais après une interminable coction et digestion Suis donc Plutôt le bienheureux Albert le Grand, mon maître, et travaille avec le vif argent minéral, car en lui seul est le secret de l’œuvre. Puis, tu opéreras la conjonction des deux teintures, blanche et rouge, provenant des deux métaux parfaits qui, seuls, donnent une teinture parfaite; le mercure ne communique cette teinture qu’après l’avoir reçue; c’est pourquoi en les mêlant toutes deux, elles se mélangeront mieux avec lui et le pénétreront plus intimement.
DE LA COMPOSITION DU MERCURE ET DE SA SÉPARATION
Et quoique notre œuvre s’achève au moyen de notre mercure seul, il a besoin néanmoins du ferment rouge ou blanc ; il se mêle alors facilement avec le Soleil et la Lune, car ces deux, corps participent beaucoup de sa nature et sont aussi plus parfaits que les autres. La raison est que les corps sont plus parfaits suivant qu’ils contiennent plus de mercure. Ainsi le Soleil et la Lune, en contenant plus que les autres, se mêlent au rouge et au blanc et se fixent dans le feu, parce que c’est le mercure seul qui parfait l’Œuvre en lui, nous trouvons tout ce qui nous manque pour notre œuvre, sans que nous ayons besoin d’y rien ajouter.
Le Soleil et la Lune ne lui sont pas étrangers, parce qu’ils sont réduits dès le commencement de l’Œuvre, en leur matière première, c’est-à-dire en mercure; ils tiennent donc de lui leur origine. Certains s’efforcent de parachever l’Œuvre au moyen du seul mercure ou de la simple magnésie, les lavant dans le vinaigre très aigre, les cuisant dans l’huile, les sublimant, les brûlant, calcinant, distillant ; extrayant leur quintessence, les mettant à leur torture par les éléments et une infinité d’autres supplices (martyrizationibus) croyant que leur opération leur sera très profitable; et finalement, ils n’en tirent qu’un résultat modique.
Mais crois-moi, mon fils, tout notre mystère consiste seulement dans le régime et la distribution du feu et dans la direction intelligente de l’Œuvre.
Nous n’avons que peu de chose à faire, c’est la vertu du feu bien dirigé qui opère sur notre œuvre , sans que nous ayons grand travail, ni grande dépense, car je suppose que lorsque notre pierre était dans son état premier, c’est-à-dire Eau première, ou Lait de la Vierge, ou Queue de dragon on l’ait dissoute, elle se calcine alors, se sublime, se distille, se réduit, se lave, se congèle elle-même et par la vertu du feu bien proportionné s’achève seule dans un vase unique sans aucune autre opération manuelle. Sache donc, mon fils comment les philosophes ont parlé figurativement des opérations manuelles et afin que tu sois assuré de la purgation de notre mercure, je t’en enseignerai la simple préparation. Pends donc du mercure minéral ou Terre d’Espagne ou Antimoine ou Terre noire, ce qui est la même chose et qui n’ait été employé auparavant à aucune autre œuvre. Prends en vingt-cinq livres ou un peu plus et fais les passer par drap de lin un peu épais, et ceci est le véritable lavage (lotio vera). Regarde bien après l’opération s’il ne reste aucune ordure ou scorie, car alors le mercure, ne, pourrait être employé à notre œuvre. Si rien n’apparaît, tu peux le juger excellent. Remarque bien qu’il n’est besoin de rien ajouter à ce mercure et que l’œuvre peut être ainsi achevée.
DE LA MANIERE DE FAIRE L’AMALGAME
Puisque notre Œuvre s’accomplit par le seul mercure sans l’addition d’aucune autre matière étrangère, je traiterai brièvement de la manière de faire l’amalgame. Car ceci est très mal compris de beaucoup de philosophes qui croient que l’œuvre peut s’accomplir par le seul mercure sans être pourtant uni à sa sœur ou sa compagne (compar ejus) Je te dis donc avec assurance que tu dois travailler avec le mercure uni à son compagnon, sans ajouter, aucune matière étrangère au mercure, et sache que l’Or et, l’Argent ne sont pas étrangers au mercure, mais au contraire participent plus de sa nature que tous les autres corps. C’est pourquoi réduit en leur première nature, on les appelle sœurs ou compagnes du mercure, car de leur composition et de leur fixation, résulte le lait de la Vierge. Si tu comprends clairement ceci et si tu n’ajoutes rien d’étranger au mercure, tu obtiendras la réalisation de tes vœux.
DE LA COMPOSITION DU SOLEIL ET DU MERCURE
Prends le soleil commun bien épuré, c’est-à-dire chauffé au feu ce qui donne le ferment rouge; prends en deux onces et coupe-le en petits morceaux avec les pinces; ajoute quatorze onces de mercure que tu exposeras au feu dans une tuile creuse, puis dissous l’or en le remuant avec une baguette de bois. Lorsqu’il sera bien dissout et mêlé, place-le tout dans l’eau claire et dans une écuelle de verre ou de pierre, lave le et nettoie-le jusqu’à ce que la noirceur s’en aille de l’eau alors si tu y prends garde, tu entendras la voix de l’oiseau (vox turturis) dans notre terre. Et lorsqu’elle sera bien purifiée, place l’amalgame dans un morceau cuir bien lié à sa partie supérieure en forme de sac, puis tu presseras fortement pour qu’il passe au travers. Lorsque deux auront été ainsi pressées les quatorze qui restent sont aptes à être employées à notre opération. Prends bien garde de n’en extraire que deux onces ni plus ni moins. S’il y en avait plus, retranches-en ; s’il y en avait moins ajoute. Et ces 2 onces ainsi exprimées, et qui sont appelées lait de la Vierge, tu les réserveras pour la deuxième opération.
 
Transvase maintenant la matière dans un vase de terre et mets ce vase dans le fourneau décrit ci-dessus. Puis ayant allumé une lampe au-dessous, chauffe ainsi avec ardeur nuit et jour sans jamais éteindre. Que la flamme soit entièrement enfermée et environne l’athanor qui sera bien fixé sur le lut de sapience.
Si après un mois ou deux tu as observé les fleurs éclatantes et les couleurs principales de l’œuvre c’est-à-dire la noire, la blanche, la citrine et la rouge, alors sans aucune autre opération de tes mains, par la direction du seul feu, ce qui était manifeste sera et ce qui était caché sera manifeste. C’est pourquoi notre matière parvient d’elle-même à l’élixir parfait, se convertissant en une poudre très subtile appelée terre morte ou homme mort dans le sépulcre ou magnésie sèche; cet esprit est caché dans le sépulcre, et l’âme en est presque séparée. Lorsque vingt-six semaines se sont écoulées depuis le commencement de l’œuvre, alors ce qui était grossier deviendra subtil, ce qui était rude deviendra mou, ce qui était doux deviendra amer et par la vertu occulte du feu la conversion des principes sera achevée. Lorsque tes poudres seront complètement sèches et que tu auras achevé ces opérations, tu essaieras la transmutation du mercure; ensuite je t’enseignerai les deux autres opérations parce qu’une partie de notre œuvre ne peut encore transmuer que sept parties de mercure bien épuré.
DE L’AMALGAME AU BLANC
On suit la même méthode pour obtenir 1e ferment blanc ou ferment de la Lune. On mélange ce ferment blanc avec sept parties de mercure bien épuré comme on a fait pour le rouge. Car dans l’œuvre au blanc il n’entre aucune autre matière que le blanc et dans l’œuvre au rouge aucune autre que le rouge ; de même notre eau devenant rouge ou blanche suivant le ferment ajouté et le temps employé à l’œuvre, on peut teindre le mercure au blanc comme on l’a fait pour le rouge.
Remarquons en outre que l’argent en feuilles est plus utile ici que l’argent en lingot (argentum massale) par ce qu’il se lie plus facilement au mercure et se doit amalgamer avec le mercure froid et non pas chaud. Ici beaucoup ont erré en dissolvant leur amalgame dans l’eau forte la composition de l’eau forte, ils reconnaissent qu’elle ne peut que la détruire. D’autres, voulant travailler avec l’or ou l’argent selon les règles de ce livre, errent en disant que le soleil n’a pas d’humidité selon les de té, et le font dissoudre dans l’eau corrosive puis le laisse digérer dans un vaisseau de verre bien fermé pendant quelques mois; mais il vaut mieux au contraire que la quintessence soit extraite par la vertu du feu subtil, dans un vase de circulation appelé à cause de cela Pélican .
Le soleil minéral ainsi que la Lune sont mêlés de tant d’immondices que leu purification est, nécessaire et n’est pas une œuvre de femmes ni un jeu d’enfants; au contraire la dissolution, la calcination et les autres opérations pour le parachèvement du grand Œuvre sont un travail d’hommes robustes .
DE LA SECONDE ET DE LA, TROISIEME OPERATION
Cette première, partie, achevée, procédons à l’accomplissement de la seconde. Il faut ajouter sept parties de mercure, au corps obtenu dans notre première œuvre et appelé Queue de, dragon ou Lait de la Vierge. Fais passer, le tout à travers le cuir et retiens-en sept parties; lave et mets-le tout dans le vase de fer, puis dans le fourneau comme tu as fait la première fois et tu y emploieras le même temps ou à peu près, jusqu’à ce que la poudre soit de nouveau formée. Tu la recueilleras et tu la trouveras beaucoup plus fine et subtile que la première parce qu’elle est plus digérée. Une partie en teint sept fois sept en Elixir. Procède alors à la troisième opération comme tu as fait pour la première et pour la seconde ; ajoute au poids de la poudre obtenue dans la seconde opération sept parties de mercure épuré et mets-le dans le cuir de telle sorte qu’il en reste sept parties du tout, comme ci-dessus. Fais cuire le tout de nouveau, réduis en poudre très subtile, laquelle projetée sur le mercure en teindra sept fois quarante-neuf parties, ce qui fait trois cent quarante-trois parties. La raison en est que plus notre médecine est digérée, plus elle devient subtile; plus elle est subtile, plus elle est pénétrative; et plus elle est pénétrative, plus elle transmue de matière. Pour finir, remarque bien que si l’on n’a pas de mercure minéral, on peut indifféremment travailler avec le mercure commun ; quoique ce dernier n’ait pas la même valeur, il donne néanmoins un bon profit.
DE LA MANIERE DE TRAVAILLER LA MATIERE ou MERCURE
Passons maintenant à la teinture du mercure. Prends une coupelle d’orfèvre et enduis en un peu l’intérieur avec de la graisse et places-y notre, médecine suivant la proportion requises le tout sur feu lent, et lorsque le, mercure commence à fumer projette, la médecine enfermée dans de la cire propre ou dans du papier (papyrus) et prends un gros charbon embrasé et spécialement préparé pour cet usage que tu mettras sur le fond du creuset; puis donne un feu violent, et lorsque tout sera liquéfié, tu projetteras clans un tube enduit de graisse et tu auras de l’or ou de l’argent très fins suivant le ferment que tu aura ajouté. Si tu veux multiplier la médecine, opère avec le fumier de cheval suivant le moyen que je t’ai déjà enseigné oralement comme tu le sais, et que je ne veux pas écrire, parce que c’est un péché de révéler ce secret aux hommes du siècle qui recherchent la science plutôt par vanité que dans le but du bien et pour l’hommage dû à Dieu, auquel gloire et honneur soient dans les siècles des siècles. Amen ! Remarque bien que j’ai toujours vu accomplir par le Bienheureux Albert le Grand cet œuvre que je viens de décrire en style vulgaire, au moyen de la terre Hispanique ou Antimoine, mais je te conseille de n’entreprendre que le petit Magistère que je t’ai brièvement décrit, dans lequel il n’y a nulle erreur et qui s’accomplit avec peu de dépense, peu de travail, et en peu de temps ; alors tu arriveras à la fin désirée. Mais, mon très cher frère n’entreprends pas le Grand Magistère, parce que pour ton salut et pour le devoir de la Prédication du Christ, tu dois plutôt attendre les richesses éternelles que les biens terrestres et temporels.
 
Ici finit le Traité de Saint-Thomas sur la multiplication alchimique, dédié à son frère et ami, le Frère Reinaldus pour le Thesaurus secretissimus.
Nous terminerons par cette réflexion : est-ce que la forme « mon fils » que l’on trouve dans la Préface (centurique) à César, dans le Petit Albert et dans la Lettre « au sujet de ce qu’Aristée a laissé par écrit à son fils, touchant le magistère ne trouvent point leur origine dans ce pseudépigraphe attribué à Thomas d’Aquin. Mais dans ce cas, pourquoi ce recours à Aristée ? Parce qu’il est l’auteur (prétendu) d’une Lettre célèbre (adressée à son frère Philocrate). Ce genre d’amalgame est assez courant chez les faussaires.
L’ouvrage de notre regretté ami Serge Hutin (Nostradamus et l’alchimie, Ed. du Rocher 1988) montre assez la marque de la culture alchimique en plus d’un quatrain (on pense, entre autres, à ce quatrain où Jupiter est désigné par l’étain (et non l’estang). Selon nous, parmi les rédacteurs du corpus centurique devait figurer un personnage imprégné de littérature alchimique et c’est lui qui aurait eu, notamment, l’idée de cette Lettre de Nostradamus à son fils. Faut-il rappeler que si Nostradamus mentionne son fils dans un texte repris par Antoine Couillard (Prophéties, 1556), il ne s’agissait pas alors d’une épitre à lui dédiée comme ce sera le cas dans les contrefaçons des années 1580. En vérité, le corpus centurique est fort hétéroclite et hétérogène et mérite vraiment d’être qualifié de compilation, allant de la géographie des pèlerinages à l’alchimie des grimoires, des emprunts au Livre de l’Estat et mutation de Richard Roussat comme au Compendium de Savonarole. Y voir l’expression d’un seul auteur et d’une seule et même époque historique nous semble bien vain.
JHB
28. 03. 11
 

44 - L’influence d’une adresse à Reginald de Piperno sur la Préface à César

Par Jacques Halbronn
 
Dans une précédente étude nous évoquions l’éventualité d’une influence « aquinienne » ou pseudo-aquinienne sur la formation du corpus centurique (quatrains plus épitres). En fait, le personnage du Frère Réginald n’apparait pas uniquement dans la "Lettre sur L'Art de l'alchimie" (à ne pas confondre avec son texte sur la Pierre Philosophale(cf.Thomas d'Aquin, [Ps.], Traité de la pierre philosophale, traduit du latin pour la première fois et précédé d'une introduction ( Paris, Chamuel, 1898)
Qui est ce Réginald, dominicain à l’instar d’Albert, de Thomas et de cet auteur que nous avons étudié à propos de Nostradamus, Jean Giffré de Réchac (cf sur le site propheties.it) ? On trouve un article wikipedia le concernant que nous reproduisons partiellement : :
Réginald de Piperno ou encore Reginaldus ou Reynaldus, ou encore Raynaldné à Piperno (c'est-à-dire Priverno dans le diocèse de Terracine, Sezze, et Pipernoen) en 1230 et mort entre 1285 et 1295 à Anagni, est un dominicain,théologien, maître enseignant (au studium generalede Naples et Orvieto, vers 1263-1265), prédicateur, confesseur et secrétaire de Thomas d'Aquin puis compilateur.
 
« Réginald de Piperno fait partie des secrétaires dont s'entourait Thomas d'Aquin. Celui-ci le guérit un jour de la fièvre et il lui succèdera au Studium de Naples en 1272, pour compagnon intime (socius), c'est-à-dire secrétaire (il lui dédiera quelques œuvres), collaborateur, confesseur, puis compilateur.
 
« Secrétaire de Thomas d'Aquin, il vit dans l'ombre du saint. Il rapporte, parfois de mémoire (nota) ses enseignements pour les mettre par écrit. Il recueille après sa mort tous les manuscrits du saint et les compile (Supplément de la Summa Theologiae et Livre IV du Commentaire des Sentences) et organise la Somme Théologique (Opuscula Postillae super Epistolas S. Paul, Postilla super Tres Nocturnos Psalterii, Lectura super Primum de Anima) en plus des écrits qui lui furent dictés par saint Thomas. On lui attribue aussi une partie de Postilla In Iohannem, la fin de l'œuvre qui aurait pu être corrigée par Saint Thomas[2],[3]. Il aurait composé le catalogue «officiel » des œuvres de saint Thomas.
 
« Frère Reginald rapporte le souvenir d'une extase de saint Thomas en 1247: pendant quelques jours, le saint refuse de lui dicter quoi que ce soit, contrairement à son habitude. Il lui demande alors la raison. Frère Thomas d’Aquin lui dit alors « J’ai vu des choses que la langue de l’homme ne peut exprimer : À côté de ce qui m’a été révélé, tout ce que j’ai écrit et dit m’apparaît comme rien». L'extase met fin aux recherches théologiques du saint Docteur et plus jamais saint Thomas, qui meurt cette même année, ne dicta quoi que ce soit à frère frère Réginald est compilé à partir du Commentaire du livre des Sentences, et traite de la pénitence, de l'ordre, du mariage, de l'extrême-onction et surtout des fins dernières.
 
« Il succède à Saint Thomas d'Aquin au couvent de Naples. Il meurt entre 1285 et 1295 à Anagni.
 
On trouve mention de frère Reginald dans les explicit de saint Thomas :
  • « Fin du vingt-sixième Opuscule, c'est-à-dire De l'astrologie, d'après saint Thomas d'Aquin, au très cher frère Reginald son confrère bien-aimé ».
Reginald écrivait à propos de Thomas:
 
«Tant qu'il vécut, mon Maître m'empêchait de révéler les merveilles dont j'ai été le témoin. Il devait moins sa science à l'effort de son esprit qu'à la puissance de sa prière. Toutes les fois qu'il voulait étudier, discuter, enseigner, écrire ou dicter, il recourait d'abord au secret de l'oraison, pleurant devant Dieu pour trouver dans la véritéles secrets divins, et par l'effet de cette prière étant avant l'oraison dans l'incertitude, il s'en revenait instruit»

Bibliographie :

Abrégé de théologie ou Bref résumé de théologie pour le frère Raynald, Thomas d'Aquin (saint) : Compendium theologiae introduction .-traduction française et annotations par Jean-Pierre Torrell, Le Cerf, collection « Dictionnaires ».-août 2007. Livre écrit à la demande de Reginald de Piperno »
 
C’est ce Frère Reginald, auquel Thomas d’Aquin s’adresse en l’appelant « mon fils », dans le texte alchimique qui lui est faussement attribué- le Tractatus D. Th. De Aquina datus fratri Reinaldo in Arte Alchimiae(trad. française, Paris, Chamuel, 1898) car on y cite des traités alchimiques bien plus tardifs- qui aurait pu, selon nous, inspirer le ton et le concept même de la Préface de Nostradamus à son fils, qu’il s’agisse d’œuvres authentiques ou controuvées de Thomas d’Aquin. Cette Lettre sur l’alchimie, reprise dans notre précédente étude, et considérée le plus souvent comme un faux fait pendant à une autre sur l’astrologie qui est, quant à elle, acceptée comme authentique et que nous reproduisons ci-après. Le fait que Réginald soit le dédicataire de cette lettre est toutefois débattu.( on connait deux textes alchimiques de Thomas d’Aquin, tous deux figurant in Thomas d'Aquin, Traité de la pierre philosophale, traduit du latin pour la première fois et précédé d'une introduction(anonyme) ( Ed. Chamuel, Paris, 1898) 110 pp. En revanche, le texte alchimique fut bel et bien publié à l’adresse du dit Frère.
On en présente ici un texte bilingue (trad. français de Pierre Monat, 2007) comme probable interlocuteur d’une lettre du Docteur Angélique. Mais ce texte n’offre quant à lui aucun caractère de ressemblance avec la Préface à César si ce n’est qu’il traite d’astrologie. La forme « mon fils » -ou plutôt son équivalent latin ne figure pas.
 
 
Prooemium

Prologue

[69900] De iudiciis astrorum,
Quia petisti ut tibi scriberem an liceret iudiciis astrorum uti, tuae petitioni satisfacere volens, super ea quae a sacris doctoribus traduntur, scribere curavi.
Les arrêts des astres.
Puisque tu m'as demandé de t'écrire s'il était permis d'avoir recours aux arrêts des astres, étant donné que je voulais satisfaire à ta demande, j'ai pris soin d'écrire ce qui nous a été transmis là-dessus par les saints docteurs.
 
 
 

Les influences physiques des astres

[69901] In primis ergo oportet te scire, quod virtus caelestium corporum ad immutanda inferiora corpora se extendit. Dicit enim Augustinus, V de civitate Dei: non usquequaque absurde dici potest, ad solas corporum differentias afflatus quosdam sidereos pervenire. Et ideo si aliquis iudiciis astrorum utatur ad praenoscendum corporales effectus, puta tempestatem et serenitatem aeris, sanitatem vel infirmitatem corporis, vel ubertatem et sterilitatem fructuum, et cetera huiusmodi quae ex corporalibus et naturalibus causis dependent, nullum videtur esse peccatum.
Tout d'abord, il te faut savoir que la puissance des corps célestes s'étend jusqu'à modifier les corps inférieurs. Augustin (Cité de Dieu, 5,-) dit : « on peut soutenir sans aucune absurdité que certains souffles astraux parviennent à provoquer des variations dans les corps ». Dès lors, si on a recours aux arrêts des astres pour connaître d'avance des effets physiques, par exemple tempête et temps calme, santé ou maladie du corps, abondance et pauvreté des récoltes et toutes les choses de ce genre, qui dépendent de causes physiques et naturelles, il est clair qu'il n'y a pas de péché.
Nam omnes homines circa huiusmodi effectus aliqua observatione utuntur caelestium corporum: sicut agricolae seminant et metunt certo tempore, quod observatur secundum motum solis; nautae navigationes vitant in plenilunio, vel in lunae defectu; medici circa aegritudines criticos dies observant, qui determinantur secundum cursum solis et lunae.
 
De fait, tous les hommes, quand il s'agit de faits de ce genre, ont recours à l'observation des corps célestes : ainsi les paysans sèment et moissonnent à un moment donné, qui est déterminé d'après le mouvement du soleil ; les marins évitent de naviguer à la pleine lune ou en éclipse de lune ; les médecins, en face des maladies, respectent des jours critiques qui sont déterminés par la course du soleil ou de la lune.
 
 
 

Légitimité de l’astronomie et danger de l »’astrologie

Unde non est inconveniens secundum aliquas alias occultiores observationes stellarum circa corporales effectus uti astrorum iudicio. Hoc autem omnino tenere oportet, quod voluntas hominis non est subiecta necessitati astrorum; alioquin periret liberum arbitrium: quo sublato non deputarentur homini neque bona opera ad meritum, neque mala ad culpam. Et ideo certissime tenendum est cuilibet Christiano, quod ea quae ex voluntate hominis dependent, qualia sunt omnia humana opera, non ex necessitate astris subduntur: et ideo dicitur Ierem. X, 2: a signis caeli nolite metuere, quae gentes timent.
 
 
C'est pourquoi il n'est pas condamnable d'avoir recours, en suivant d'autres observations moins visibles sur les étoiles, d'avoir recours aux arrêts des astres en matière de phénomènes physiques. Toutefois, il faut absolument maintenir que la volonté de l'homme n'est pas soumise à une fatalité astrale ; sans cela, ce serait la fin du libre arbitre ; et si on le supprimait, ni les bonnes actions ne seraient alors comptées comme un mérite pour l'homme, ni les mauvaises comme une faute. Et c'est pourquoi tout chrétien doit soutenir fermement que tout ce qui dépend de la volonté humaine, c'est le cas de toutes les actions humaines, ne dépend pas d'une fatalité astrale : c'est pourquoi il est dit (Jér. 10,2) : « ne craignez rien des signes du ciel que redoutent les nations ».
 
 
 

Le risque du diable

Sed Diabolus ut omnes pertrahat in errorem, immiscet se operibus eorum qui iudiciis astrorum intendunt. Et ideo Augustinus dicit in II super Gen. ad litteram: fatendum, quando ab astrologis vera dicuntur, instinctu quodam occultissimo dici, quem nescientes humanae mentes patiuntur: quod cum ad decipiendos homines fit, spirituum immundorum et seductorum operatio est; quibus quaedam vera de temporalibus rebus nosse permittitur. Et ideo Augustinus dicit in II de doctrina Christiana, quod huiusmodi observationes astrorum referendae sunt ad quaedam pacta cum Daemonibus habita.
 
 
Mais le Diable, afin d'entraîner tous les hommes dans l'erreur, se mêle aux actions de ceux qui prêtent attention aux arrêts des astres. C'est pourquoi Augustin dit (Gen. ad Litt. II) : « il faut reconnaître que, quand des choses vraies sont dites par les astrologues, elles sont dites sous l'effet d'une inspiration bien cachée, à laquelle les esprits humains sont soumis sans le savoir ; comme cela se fait pour tromper les hommes, c'est une opération des esprits immondes et trompeurs, auxquels il est permis de savoir un certain nombre de choses vraies sur les réalités temporelles. C'est pourquoi Augustin dit (Doct. chr. II) que ce genre de réussites des astres doit être mis sur le compte de pactes passés avec les Démons.
Est autem omnino Christiano vitandum pactum vel societatem cum Daemonibus habere, secundum illud apostoli, I Corinth. X, 20: nolo vos fieri socios Daemoniorum. Et ideo pro certo tenendum est, grave peccatum esse, circa ea quae a voluntate hominis dependent, iudicio astrorum uti.
Le chrétien doit absolument éviter de passer un pacte ou une alliance avec les démons, selon le mot de l'Apôtre (I Cor. 10,20) : Je ne veux pas que vous deveniez alliés des Démons. Voilà pourquoi il faut tenir pour assuré que c'est un grave péché d'avoir recours aux arrêts des astres à propos de ce qui dépend de la volonté de l'homme.
 
 
 
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La source qui aurait ainsi servi à camper Nostradamus s’adressant à son fils à l’instar d’un Thomas fut en latin et non en français. Les premières dates d’impression connues sont Cologne 1579, chez Daniel Van Broekhuiser, ainsi que Leyde 1598 et Lyon 1602. Ces textes seront repris en 1659, au sein du Theatrum Chemicum. La date de 1579 nous semble tout à fait convenir puisque cela n’aurait précédé que de quelques années la parution de la Préface à César que nous situons au milieu des années 1580.

L’idée d’imaginer une telle Epitre de Nostradamus à son fils fut évidemement inspirée par le fait que dans un texte disparu mais que Couillard reprend et dont les faussaires devaient disposer, Nostradamus évoquait, en 1555, la récente naissance de son fils César. C’est d’ailleurs le texte largement étudié par les nostradamologues comme Robert Benazra, d’Antoine Couillard, sieur du Pavillon Les Lorriz (Prophéties, 1556) - par ailleurs auteur de Contreditz à l’encontre de Nostradamus et d’autres astrologues (1560)- qui servira à constituer la substance de la dite Epitre, ce qui en fait un faux utilisant des éléments authentiques tout comme le Centiloque, faussement attribué à Ptolémée fut repris du Tetrabiblos.(cf notre étude en postface au « Centilogue » de Bourdin, Paris, La Grande Conjonction-Trédaniel, 1993, cf sur la confection des faux, notre ouvrage sur les Protocoles des Sages de Sion, Lyon, Ed. Ramkat, 2002) à moins que le texte (perdu) que parodie Couillard n’ait été accessible à l’époque.
Bien entendu, l'influence de cette lettre sur l'alchimie aura également servi pour la pièce figurant dans le Petit Albert (vers 1722), comme émanant d'Aristée -(et non plus de Thomas d'Aquin)- récupérant ainsi une pièce elle-même considérée comme un faux et datant de deux siècles avant notre ère.(Lettre d'Aristée à Philocrate, son frère). C'est donc cette même pièce qui sera reprise par Limojon de Saint Didier, en 1686, étant entendu que la pièce du recueil albertien est plus proche de l'original que celle reprise par la Lettre d'Aristée à son fils, publiée anonymement (avec anagramme) par le dit Limojon[1]€€ (sur la réception de ce traité, cf Der alchemistische Traktat « Von der Multiplikation von pseudo Thomas von Aquinas. Untersuchungen von D Goltz, J. Telle, H. J. Vermeer, Sudhoffs Archiv, Beiheft 19, 1977, pp. 87 et seq)
 
On notera que dans cette lettre- que l’on pourrait qualifier de « mémoire » pour user d’une formule de la Préface à César - Thomas d’Aquin laisse entendre qu’il a déjà transmis d’autres informations dans le passé. « Il ne me reste autre chose que les clefs de la nature que j’ay jusqu’ici conservées avec un très grand soin ». Cette idée de transmettre le « restant » d’un ensemble se retrouve d’ailleurs dans l’Epître à Henri II, inspirée dans sa forme centurique de la Préface à César qui y est mentionée : « ces trois Centuries du restant de mes Prophéties, parachevant la miliade ».
JHB
31.03.12
 
[1] Signalons un texte découvert par Bernard Husson, d’un certain Claude Limojon de Saint Didier, auteur d’une Lettre d’un philosophe à son ami sur le grand œuvre, (1680) Ed de la Hutte. , au titre très proche de celui d’Alexandre Limojon « Lettre d’un philosophe sur le secret du grand œuvre au sujet de ce qu’Aristée a laissé par écrit à son fils touchant le Magistère philosophique » et qui semble avoir précédé de quelques années l’édition de 1686))
 
 

45 - L’adresse au fils dans la littérature alchimique médiévale

Par Jacques Halbronn

C’est en lisant (p.. 21) le Que Sais je de Serge Hutin sur « L’alchimie » (PUF, 1951, rééd 1991) que d’autres textes que ceux présentés dans nos trois premièrs études sont venus s’ajouter. Hutin s’y référe incidemment à la Summa Perfectionis de Geber. « Prends, mon fils, pour commencer la pierre que tu sais pour remède ». Il se confirme ainsi que l’adresse au fils serait une figure obligée de la littérature alchimique, au vu du nombre de récurrences observées et que ce point n’avait pas été mis en avant par les historiens de l’ésotérisme, à commencer par le dit Serge Hutin, auteur également de textes sur Nostradamus.
 
Nous en proposons ci-dessous deux nouveaux échantillons : l’un attribué au mythique Hermès Trismégiste, l’autre, justement, à l’Arabe Jabir Ibn Hayan dit Geber.

I Summa Perfectionis du pseudo Geber ( XIIIe siècle)

 

I Summa Perfectionis du pseudo Geber ( XIIIe siècle)

 

Portrait de Geber du XVe siècle, Codici Ashburnhamiani

 

« J’ai réduit brièvement en cette Somme de la Perfection toute la Science de Chimie, ou de la Transmutation desMétaux. Dans mes autres Livres, j’en avais fait plusieurs Recueils que j’avais tirés et abrégés des Ecritsdes Anciens : mais en celui-ci j’ai achevé ce que je n’avais qu’ébauché en ceux-là. J’y ai ajouté en peu de paroles ce que j’avais omis dans les autres ; j’y ai mis tout au long ce que je n’avais dit ailleursqu’imparfaitement, et j’y ai déclaré entièrement et aux mêmes endroits ce que j’avais celé dans mes autres Œuvres. Et je l’ai fait afin de découvrir aux personnes intelligentes et sages l’accomplissement et la perfection d’une si excellente et si noble partie de la Philosophie. Ainsi, ô mon cher Fils ! Je puis t’assurer avec vérité que dans les Chapitres généraux de ce Livre, j’ai missuffisamment le Procédé de cet Art tout entier et sans nulle diminution. Et je proteste devant Dieu, que quiconque travaillera comme ce Livre enseigne de le faire, aura la satisfaction d’avoir trouvé la véritable fin de cet Art, et d’y arriver. Mais, mon Cher, je t’avertis aussi que celui qui ignorera les Principes naturels de la Philosophie, est fort éloigné de cette Connaissance, parce que le véritable fondement, sur lequel il doit appuyer son dessein, lui manque ; comme au contraire en est bien près celui qui connaît déjà les Principes naturels des Minéraux. Ce n’est pas que pour cela il ait encore la véritable racine, ni la fin profitable de cet Art très caché : mais ayant plus de facilité à en découvrir les Principes que celui qui forme quelque projet denotre Œuvre sans en connaître la voie ni la manière, ilest aussi moins éloigné que lui de l’entrée de cette Science. Mais que celui qui connaîtra tous les Principes de la Nature, quelles sont les Causes des Minéraux, et de quelle manière la Nature les forme, il n’y a que fort peu à dire qu’il ne sache l’Œuvre toute entière, quoique sans ce peu là qui lui manque, il soit absolument impossible de faire notre Magistère. Parce que l’Art ne peut pas imiter la Nature en toutes ses Opérations, mais il l’imite seulement autant qu’il lui est possible. Et c’est ici un Secret que je te révèle, mon Fils, qui est que ceux qui recherchent cet Art, et les Artistes même, manquent tous en ce qu’ils prétendent imiter la Nature en toute l’étendue et en toutes les différences et les propriétés de son action. Applique-toi donc soigneusement à étudier nos Livres, et attache-toi surtout à celui-ci. Considère et médite mes paroles attentivement et très souvent, afin que t’étant rendu familière notre manière de parler, et entendant notre idiome ou langage particulier, tu puisses pénétrer dans notre véritable intention et la découvrir. Car tu trouveras dans les Livres sur quoi faire un Projet assuré de ce que tu cherches ; tu y apprendras à éviter toutes les erreurs, et par ce même moyen tu sauras en quoi tu peux imiter la Nature dans l’artifice de notre Œuvre ».
Bibliographie : Somme de la perfection ou l'Abrégé du Magistère Parfait Geber Œuvre chymique de Geber, philosophe arabe, avec une introduction de Charles- Gustave Burg, Paris, Ed. Trédaniel Cf aussi Ed Maçonniques 2006 avec des études de J. Feuillebois et Y. Ghernaouti. ( à partir d’une édition du XVIIe siècle)

 

 

 

II Sept Traités ou Chapitres Dorés , attribués à Hermès Trismégiste

 

 

FIGURE III
(Hermès Trismégiste idéalisé)

 

Chapitre I.
 
(….) Mon fils, cette pierre est environnée de plusieurs couleurs, et est née en une couleur ; sache-le, et le scelle, par icelui, avec la grâce de Dieu, vous chasserez de vous toutes grandes maladies, tristesse, tout dommage et angoisses : par son moyen vous viendrez des ténèbres à la lumière, des déserts à l'habitation, et de l'affliction à la joie.
 
Chapitre II.
 
Mon fils je vous avertis par dessus toutes choses de craindre Dieu, vers lequel est tout l'effort de votre disposition, et l'union de toutes choses séparées. Mon fils raisonnez sur tout ce que vous entendez, car je ne crois pas que vous soyez privé de raison et ignorant : c'est pourquoi recevez mes exhortations, et méditez et établissez votre cœur de la même façon que si vous étiez l'auteur des exhortations, car si celui qui est de nature chaude, se fait froid, il n'en recevra aucun dommage : semblablement que celui qui use de raison chasse de soi toute l'ignorance de peur qu'il ne soit trompé sans y penser. Mon fils, prenez le volatil qui vole, submergez-le et le divisez, tirez et chassez de lui sa couleur qui le tue, à ce qu'il soit fait vif, et qu'il vous réponde, ne volant point par les régions, mais qu'il contienne actuellement ce qui vole, car si vous le tirez de l'affliction, après l'affliction dans les jours qui vous sont connus, vous serez Roi par raison, il vous sera un compagnon convenable, et vous serez décoré par icelui
Mon fils, tirez du rayon son ombre et ordure, parce que les mers surnagent au-dessus de lui, le gâtent, et l'empêchent de [manifester] sa lumière, parce qu'il est brûlé par l'affliction et sa rougeur. Mon fils, prenez cette rougeur corrompue par l'eau, comme le feu en est le porteur, qui est cendre vive, laquelle si vous ôtez toujours de lui jusqu'à ce que la rougeur vous soit purifiée, vous avez une compagnie par laquelle il est échauffé, et en laquelle il repose
 
Mon fils, rendez à l'eau le charbon éteint par les trente jours que vous connaissez, c'est pourquoi vous êtes Roi couronné, reposant sur le puits de l'orpiment qui n'a point d'humeur. J'ai maintenant réjoui les cœurs des écoutants qui espèrent en toi, et les yeux qui te regardent par l'espérance de ce que tu contiens.
Mon fils, sache que l'eau était auparavant en l'air, puis en la terre, rendez-la aussi aux Supérieurs, changez-la discrètement par ses conduits, puis conjoignez-la derechef à son esprit rouge assemblé.
Sachez, mon fils, que notre terre est un onguent, soufre, orpiment, feu, et colcothar qui est Mercure, orpiment, soufre, et semblables choses desquelles chacun est plus vil que l'autre, auquel se trouve diversité, desquels aussi est l'onguent de colle, qui est cheveux, ongles, et soufres, desquels aussi est l'huile de pierre et cervelle qui est orpiment, desquels est encore l'ongle des chats qui est Mercure, desquels est encore l'onguent des blancs et l'onguent de deux argents vif Orientaux qui cherchent les soufres, et contiennent les corps. Je dis, que le soufre teint et fixe, et est contenu, et est par la connexion des teintures, or les onguents contenus dans le corps, teignent et fuient qui sont contenus dans le corps qui est la conjonction des [matières sublimées] et le poids ou soufre alumineux, qui contiennent le fugitif.
Mon fils, la disposition recherchée par les Philosophes est unique en notre œuf, ce qui ne se trouve point en l'œuf de la poule, et de peur que dans l'œuf ne soit éteinte une si grande sagesse divine de la poule, sa composition est faite des quatre Eléments.
Sachez mon fils, que dans l'œuf de la poule il y a une grande aide et une grande proximité en la nature, car en icelui est la spiritualité et la comparaison des Eléments et la terre de sa nature est l'or.
Le fils dit à Hermès, quels sont les soufres convenables à notre œuvre, célestes ou terrestres ? Hermès répond, les uns sont célestes, les autres terrestres Le fils : Mon père, je pense que le cœur des choses supérieures est le Ciel, et des choses inférieures, la terre. Le père : Il n'en est pas ainsi, mais le mâle est le Ciel de la femelle, et la femelle la terre du mâle]. Le fils : Mon père, lequel des deux est le plus digne d'être Ciel ou d'être terre ? Hermès répond, ils ont besoin l'un de l'autre, car la médiocrité est commandée par les préceptes, comme si vous disiez : Le sage commande à tous les hommes : car le médiocre est meilleur, parce que toute la nature s'unit, comme accompagne sa nature, nous avons trouvé que la médiocrité s'unit à la vertu de la sagesse. Le fils : Mon père, laquelle de ces choses est le médiocre ? Le père : de chacune trois, sont deux. Premièrement l'eau est utile, et après l'onguent et au-dessous demeure l'ordure. Le dragon demeure en toutes ces choses, et sa noirceur est en iceux, et par icelle il monte en l'air, parce qu'il est le Ciel de leur Orient, mais quand la fumée demeure en icelle, ils ne sont point perpétuels, mais ôtez la fumée de l'eau, et de l'onguent la noirceur et des fèces la mort, et la dissolution étant faite, vous triompherez, par le don duquel les possesseurs vivent. Sachez, mon fils, que l'onguent médiocre, qui est le feu, est le milieu entre l'ordure et l'eau, et le scrutateur de l'eau, parce qu'ils sont appelés onguent et soulphre, il y a une très étroite proximité, parce que comme le feu monte, ainsi monte aussi le soulphre.
Sachez mon fils, que toutes les sagesses qui sont au monde sont sujettes à cette mienne sagesse. En ces admirables Eléments cachés, les arts sont casuels. Il faut donc que celui qui veut être introduit en cette notre sagesse cachée, chasse de soi le vice d'arrogance, et qu'il soit pieux et homme de bien, et excellent esprit, aimant son prochain d'une face joyeuse, courtois et fidèle gardien des ses secrets.
Et sachez cela, mon fils, si vous savez mortifier et introduire la génération, vivifier les esprits, les modifier, et introduire la lumière jusqu'à ce qu'ils soient combattus, colorés et purifiés de leurs taches et ténèbres, vous ne savez rien, et ne perfectionneraient rien : que si vous savez cela, vous serez élevé à une très grande dignité, de sorte que les Rois même vous révéreront. Mon fils, il nous faut conserver ces sciences, et les sceller à tous les méchants et ignorants.
Et sachez, mon fils, que notre pierre est composée de plusieurs choses, et diverses couleurs des quatre Eléments qu'il nous faut diviser et couper par pièce, et séparer leurs membres, mortifier en partie la nature qui est en icelle, conserver le feu et l'eau qui habite en elle, et est composé des quatre Eléments, et contenir leurs eaux, par son eau, qui n'a point la forme de l'eau, mais un feu montant sur les eaux, et les contenant en un vase pur et sincère, de peur que les esprits ne s'enfuient des corps ; car par ce moyen ils sont fait tingents et permanents. O bénite forme d'eau pontique ! qui dissoue les Eléments ; il faut aussi qu'avec cette forme d'eau, nous possédions une âme sulfureuse, et la mêler avec notre vinaigre, car quand par la puissance de l'eau le composé se dissout, c'est la clef de la restauration, alors la mort et noirceur s'enfuit d'icelle, et la sagesse en sort ».
 
C’est dire que notre corpus « Mon fils » s’enrichit et que la thèse d’un emprunt de l’idée même de Préface à César au dit corpus se renforce. On assiste là à une transposition qui place ainsi Nostradamus, ipso facto, au sein d’un club fort honorable, si ce n’est que la totalité de ces textes semblent avoir été des contrefaçons antidatées, ce qui vaut, selon nous, tout aussi bien pour le dit Nostradamus. Il resterait à comparer plus systématiquement ces diverses pièces pour en déterminer les variantes et notamment d’établir une chronologie.
Une certaine inspiration alchimique semble avoir participé à la mise en place du canon centurique. On parle de « clef » ou de ‘pierre » c’est selon. Le nom des planétes fait également sens au regard de l’alchimie pour désigner les métaux (voir I, 16), ce qui confère un air de famille entre alchimie et astrologie, tant à la prose des épitres qu’à un certain nombre de quatrains. Les deux premiers quatrains de la Centurie Première ne sont pas sans comporter une dimension magique reprise de Jamblique.
Notons que ce type de recherche est singulièrement facilité par la numérisation des textes et pas seulement des titres. Cela permet de réunir très vite toutes sortes de documents présentant certains points communs.
JHB
02.04. 12
 
 

46 - La place des éditions Macé Bonhomme dans la chronologie des éditions centuriques

Par Jacques Halbronn

 

Si l’on part des récentes observations de Mario Gregorio au sujet des liens existants entre les éditions Macé Bonhomme et l’édition de Rouen 1589, chez Raphaël du Petit Val, cela nous éclaire sur la date de fabrication des dites éditions mais nos conclusions sont loin de coïncider avec celles de notre ami Italien.

En effet, on ne peut ignorer que les éditions parisiennes de la Ligue correspondent à des états antérieurs à celui de Rouen 1589, notamment en ce qui concerne la centurie IV. Dans les éditions parisiennes (1588-1589), il est indiqué qu’on a ajouté des quatrains après le 53e. Cette mention a disparu dans Rouen 1589.

On ne peut pas non plus négliger le fait que l’édition Rouen 1588, chez le même libraire, qui ne nous est connue que par une description de Daniel Ruzo, ne comporte que 349 quatrains (non classés en centuries par ailleurs), elle correspond donc à un état antérieur à Macé Bonhomme 1555.

En outre, les éditions Macé Bonhomme comportent toute une série de mots intégralement en capitales (majuscules), ce qui n’est pas le cas de Rouen Petit Val 1589 (dont nous disposons d’un exemplaire fourni par Mario Gregorio) Cette pratique de l’usage de majuscules n’est pas non plus attestée dans l’édition Antoine Du Rosne (Bib. Budapest), elle existe en revanche dans l’autre édition Du Rosne (Bib. Utrecht), plus tardive et comportant un second volet (disparu mais annoncé au titre).

Cette pratique des majuscules est caractéristique du Janus Gallicus (1594) et il semble que Gregorio n’ait tenu aucun compte de ce critère qui peut servir au niveau de l’établissement d’une chronologie des éditions.

On pourrait certes nous objecter qu’on ne voit pas l’intérêt de produire à la fin du XVIe siècle une édition qui ne comporterait que 353 quatrains en 4 centuries alors que paraissent, depuis 1588, au plus tard, des éditions à 6 ou 7 centuries, pour ne pas parler des centuries VIII à X, à Paris, Rouen, Anvers et Cahors.(édition qui selon nous est la matrice des éditions Benoist Rigaud 1568, cf. nos études sur le site propheties.it)

Notons que ces éditions Macé Bonhomme 1555, bien que distribuées en 4 centuries, ne comportent même pas en leur titre « divisées en 4 centuries » alors que ce titre a existé puisqu’il est repris par Petit Val 1588. Ajoutons que tout indique que la première édition n’était pas divisée en centuries à la différence des éditions Macé Bonhomme 1555, et qu’elle comportait 349 et non 353 quatrains (cf. la description Ruzo reprise par R. Benazra, RCN). La page de titre des éditons Macé Bonhomme ne correspond donc pas à leur contenu, du fait qu’elle ne précise pas une division en centuries. Ce genre de bévue se conçoit de la part d’éditions tardives qui ne sont pas au fait de tous ces éléments et c’est justement le cas. On aura voulu faire du « faux ancien, c'est-à-dire établir un premier état d’édition centurique mais on l’a fait maladroitement et sans imaginer que certaines éditions permettraient de montrer les lacunes d’une telle entreprise. Il faut bien comprendre que la dite entreprise rétrospective ne se souciait que très relativement de vraisemblance historique. On a ici affaire à des pseudo-savants, à des pseudo-érudits s’adressant à un public bien incapable de critiquer une telle reconstitution. Ce qui est regrettable c’est que de nos jours, alors que nous disposons des moyens pour le faire, nous ne le faisions pas avec toute la rigueur voulue, ce qui ne peut que discréditer les études nostradamologiques.

On ne saurait en effet sous estimer l’importance accordée dans les années 1580-1590 à une certaine mise en scène du passé, ce qui va jusqu’à situer les dites éditions du vivant même de Nostradamus. Le rôle du faussaire ne se réduit pas, en effet, à parler au nom de Nostradamus en lui attribuant des textes qui ne sont pas de sa plume mais il lui faut aussi abandonner la thèse posthume – documents retrouvés à sa mort- par une thèse impliquant une parution avant sa mort, s’étalant à partir de 1555 et allant jusqu’à 1560 (cf. les sous titres des éditions parisiennes « pour l’an 1561 », addition de 38/39 articles)

La tentation était donc forte pour crédibiliser une telle entreprise rétroactive de suggérer que le corpus centurique s’était constitué en une série d’éditions du vivant même de Nostradamus, à 4 puis à 7 centuries (sans parler de probables éditions intermédiaires à 6 centuries). Chronologie d’ailleurs assez proche de la genèse véritable du corpus mais simplement déplacée, transférée dans le temps, d’une trentaine d’années en arrière. Bien entendu, il n’était pas question de réaliser autant d’éditions antidatées qu’il y avait eu de stades pour la fabrication d’édifiions successives. Et c’est là que le bât blesse. ! On dut se contenter de quelques cas parmi tant d’autres : une édition à 353 quatrains, une édition à 7 centuries (mais à 99 quatrains seulement à la VI) et 40 quatrains à la VII et une autre à 42 quatrains à laVII mais accompagnée d’un second volet (sinon les deux éditions eussent fait double emploi) et que l’on connait par la réédition de 1568 ( Lyon Benoist Rigaud) qui n’est pas posthume en sa présentation et qui n’est qu’une réédition de Antoine du Rosne 1557 (Utrecht, à deux volets) : on ne signale même pas la mort (1566) de Nostradamus au titre ! une nouvelle tentative aura lieu vers 1716 avec la fabrication d’une édition 1566 Pierre Rigaud qui elle comporte cette dimension posthume avec la reproduction de la pierre tombale.

Pour conclure, nous dirons que l’édition Petit Val 1589 est tardive, elle est à 7 centuries, mais comme elle est tronquée, on ne connait pas le nombre de quatrains à la VII, probablement intérieur à 40 comme semble l’indiquer l’édition St Jaure Anvers 1590, à 35 quatrains seulement à la VII, ce qui fait d’elle un état antérieur à Antoine du Rosne 1557 (Budapest, à 40 quatrains à la VII).En tout état de cause et c’est ce que Mario Gregorio se refuse présentement à admettre, l’édition Macé Bonhomme ne peut qu’être issue de Petit Val 1589 et certainement pas en être à l’origine. Elle appartient à un chantier de contrefaçons antidatées – c'est-à-dire ne comportant pas la date réelle de fabrication à la différence des éditions de Rouen et de Paris, avec mention de libraires de la période de la Ligue- qu’il faut situer dans le cours des années 1590 et dont les liens avec Jean Aimé de Chavigny (Janus Gallicus 1594) nous semblent fort probables du fait du recours à des mots en capitales dont la raison d’être mérite une étude en soi. Reconnaissons que peu de chercheurs sont en mesure de se retrouver dans le labyrinthe des éditions centuriques des XVI et XVIIe siècles. Un dernier mot sur l’édition lyonnaise Antoine Besson (c 1691). Contrairement à ce qu’affirme Mario Gregorio, il ne s’agit nullement, en ce qui concerne les épitres, de versions abrégée des textes en prose mais au contraire des premiers états avant que des interpolations n’aient été effectuées, ce qui situe les éditions Macé Bonhomme 1555, quant au contenu de la Préface à César, dans la série des contrefaçons, à un stade relativement tardif. Rappelons que l’édition anglaise de Théophile de Garencières (1672) recoupe très largement la Préface à César reprise dans la dite édition Besson et est issue d’une édition française disparue.

 

JHB

04. 04.12

 
 

47 - La Préface à César et les Clavicules de Salomon

Par Jacques Halbronn

Il y aurait certainement une belle thèse de doctorat à consacrer à la littérature ésotérique liée à la transmission du père au fils, d’Hermès Trismégiste (s’adressant à son fils Tat) à Geber, du Petit Albert à Limojon de Saint Didier – autour d’Aristée - en passant par Thomas d’Aquin comme on l’a vu dans nos précédentes études. Encore ne faudrait-il pas oublier le cas des Clavicules de Salomon. Notons que les nostradamologues avaient jusque là, à notre connaissance, le problème des similitudes de genre entre le corpus nostradamique et d’autres corpus connexes. De tels cloisonnements sont dommageables à la recherche historique, au nom d’un structuralisme mal compris. L’Histoire d’un texte ne se limite pas à la recension de ses occurrences mais passe aussi par la question de ses emprunts.

Nous avons deux grandes directions qui empruntent peu ou prou le langage de l’astrologie : l’alchimie et la magie, l’une en ce qui concerne les métaux, l’autre pour ce qui est des anges.

Abordons la question des ressemblances entre la Préface à César et les Clavicules (petites clefs) de Salomon. Nous n’en fournirons que des extraits, tant en français qu’en anglais. Nous avons souligné par des caractères différents les passages les plus frappants.

Dans son ‘Discours préliminaire » - ce qui équivaut à une « Préface », le roi Salomon, fils de David, s’adresse à son fils Roboam. Notons cependant qu’au début le texte est à la troisième personne, on parle de Salomon s’adressant à son fils. Ce n’est qu’ensuite que l’on passe à une adresse du roi à son fils.

Rappelons le début de la Lettre à César, en français et dans la première traduction anglaise (1672)

« te délaisser mémoire après la corporelle extinction de ton progéniteur »

« I might leave a Memorial of me after my death to the common benefit of Mankind”

Rappelons que “Mémoire” renvoie ici à un « testament, à un document et non à quelque « souvenir » comme l’a cru Pierre Brind’amour.

Clavicules : « Etant pour ainsi dire sur sa fin il laissa a son fils ROBOAM un Testament

Traduction anglaise cf. dans le corps du texte infra) :

On notera que la ville d’Arles en Provence dont il est question fait pendant à Salon de Provence, surtout si l’on situe cette Préface, initialement, dans un contexte posthume, outre les origines juives de Nostradamus :

« Ce Testament fut anciennement traduit de l' Hébreu en Langue Latine par le Rabin Abognazar qui le transporta avec lui dans la Ville d' Arles en Provence, où par un insigne bonheur, l'ancienne Clavicule Hébraïque, c'est à dire la précieuse traduction d'icelle tomba entre les mains de l'Archevêque d'Arles, après la destruction des Juifs en cette Ville, qui du Latin la traduisit en langue Vulgaire & dans les mêmes termes qui s'ensuivent sans avoir altéré ni augmenté l'originale traduction de l'Hébreu »

On reprendra le début de cette adresse de Salomon à son fils : on éprouve là une certaine sensation de « déjà vu »

« MON FILS ROBOAM; comme de toutes les Sciences il n'en est point de plus naturelle, & de plus utile que la connaissance des mouvemens Célestes, j'ai crû en mourant devoir te laisser un héritage plus précieux que toutes les Richesses dont je jouis ».

Tout le texte des Clavicules (nous renvoyons le lecteur à la lecture du document tout entier, aisément trouvable sur Internet) est truffé de références aux dieux-planétes.

Retenons deux passages :

Clavicules :

« Tout d'un coup j'aperçus au fond d'une allée époisse d'arbres, une lumière en forme d'Etoile ardente »

Préface à César « le glaive mortel s’approche maintenant de nous ». On sait que cela se réfère à un phénomène céleste.

Clavicules :

« Si tu n'avais le dessein de bien user des secrets que je t'enseigne; je t'ordonne de jeter plutôt ce Testament au feu »

Préface à César « faire présent à Vulcain », ce qui réfère au feu auquel on donne un document à brûler.

(Les Véritables Clavicules de Salomon, traduites de l'Hebreux en langue Latine par le Rabin Abognazar.)

Cf. Les Clavicules de Salomon. Traduit de l'hébreux en langue latine par le rabbin Abognazar et mis en langue vulgaire par M. Barault J. Jaubert de Barrault,... M.DC.XXXIV [

The Veritable Clavicles of Solomon,

Translated from Hebrew into the Latin Language by Rabbi Abognazar.

Edited from British Library, Lansdowne MS. 1203. 74 folios. 4°.

 


 

LES VÉRITABLES

CLAVICULES

DE SALOMON

Traduites de l'Hébreu en langue Latine

Par le Rabin ABOGNAZAR.

The Veritable

Clavicles

of Solomon,

translated from the Hebrew into the Latin language

by the Rabbi Abognazar.1

DISCOURS
PRÉLIMINAIRE.

PRELIMINARY DISCOURSE

TOUT l'Univers a sçu jusqu'a ce jour que de tems immémorial SALOMON possédait les sciences infuses par les Sages enseignemens d'un Ange, auquel il parut si soumis & obéissant, que par surcroit du Don de Sagesse qu'il demanda, il obtint avec profusion toutes les autres Vertus, ce qui fit que pour ne pas inhumer avec son corps des Sciences dignes d' une mémoire Eternelle étant pour ainsi dire sur sa fin il laissa a son fils ROBOAM un Testament qui les contenoit toutes & dont il a joui jusqu'a sa mort. Les Rabins qui après lui ont été soigneux deles cultiver nommérent ce Testament, Clavicule de Salomon qu'ils firent graver sur des écorces d'Arbres & les Pentacules sur des plaques de cuivre en Lettres Hébraïques pour être soigneusement conservées dans le Temple que ce Sage avait fait construire.

Every one knoweth in the present day that from time immemorial Solomon possessed knowledge inspired by the wise teachings of an angel, to which he appeared so submissive and obedient, that in addition to the gift of wisdom, which he demanded, he obtained with profusion all the other virtues; which happened in order that knowledge worthy of eternal preservation might not be buried with his body. Being, so to speak, near his end, he left to his son Roboam a Testament which should contain all (the Wisdom) he had possessed prior to his death. The Rabbins, who were careful to cultivate (the same knowledge) after him, called this Testament the Clavicle or Key of Solomon, which they caused to be engraved on (pieces of) the bark of trees, while the Pentacles were inscribed in Hebrew letters on plates of copper, so that they might be carefully preserved in the Temple which that wise king had caused to be built.

 

This Testament was in ancient time translated from the Hebrew into the Latin language by Rabbi Abognazar, who transported it with him into the town of Arles in Provence, where by a notable piece of good fortune the ancient Hebrew Clavicle, that is to say, this precious translation of it, fell into the hands of the Archbishop of Arles, after the destruction of the Jews in that city; who, from the Latin, translated it into the vulgar tongue, in the same terms which here follow, without having either changed or augmented the original translation f

 

LES VÉRITABLES

CLAVICULES

DE SALOMON.

 

The Veritable

CLAVICLES

OF SOLOMON.

 

MON FILS ROBOAM; comme de toutes les Sciences il n'en est point de plus naturelle, & de plus utile que la connaissance des mouvemens Célestes, j'ai crû en mourant devoir te l'aisser un héritage plus précieux que toutes les Richesses dont je joüis. Et pour te faire comprendre de quelle maniére je suis parvenu â ce dégré, il faut te dire qu'un jour contemplant la puissance de l'Etre Suprême, l'Ange du Grand Dieu s'apparut devant moi dans le tems que je disois O quam mirabilia opera Dei, Que les Ouvrages de Dieu sont surprenants & admirables. Tout d'un coup j'apperçus au fond d'une allée époisse d'arbres, une lumiére en forme d'Etoile ardente qui me dit d'une voix tonnante Salomon, Salomon, Salomon ne t'étonne point? le Seigneur veut bien satisfaire ta curiosité en te donnant la connaissance dela chose qui te sera la plus agréable. Je t'ordonne de lui demander ce que tu désires surquoi étant revenu de la surprise où j'etais, je répondis à l'Ange, qu'après la volonté du Seigneur, je ne désirais que le Don de Sapience, & par la bonté du grand Dieu j'obtins par surcroit la jouissance de tous les Trésors Célestes & la connaissance de toutes choses naturelles.

O my Son Roboam! seeing that of all Sciences there is none more useful than the knowledge of Celestial Movements, I have thought it my duty, being at the point of death, to leave thee an inheritance more precious than all the riches which I have enjoyed. And in order that thou mayest understand how I have arrived at this degree (of wisdom), it is necessary to tell thee that one day, when I was meditating upon the power of the Supreme Being, the Angel of the Great God appeared before me as I was saying, O how [great and] wonderful are the works of God! I suddenly beheld, at the end of a thickly-shaded vista of trees, a Light in the form of a blazing Star, which said unto me with a voice of thunder: Solomon, Solomon, be not dismayed; the Lord is willing to satisfy thy desire by giving thee knowledge of whatsoever thing is most pleasant unto thee. I order thee to ask of Him whatsoever thou desirest. Whereupon, recovering from my surprise, I answered unto the Angel, that according to the Will of the Lord, I only desired the Gift of Wisdom, and by the Grace of God I obtained in addition the enjoyment of all the Celestial treasures and the knowledge of all natural things.

C'est mon Fils par ce moyen que je posséde toutes les Vertus & Richesses dont tu me vois jouir à present, & pour peu que tu veuille être attentif à tout ce que je vais raconter, & que tu retienne avec soin ce que je te vais dire, je t'assure que les Graces du grand Dieu te seront familiéres, & que les Créatures Célestes & terrestres te seront obéïssantes, Science qui n'opére que la force & la Puissance des choses naturelles & des Anges purs qui les régissent dont je te donnerai les Noms par Ordre, leurs exercices & emplois particuliers auxquels ils sont déstinés, ensemble les jours auxquels ils président particuliérement, pour que tu puisse venir à bout de tout ce que tu trouveras dans ce mien Testament, Dont je promets la réussite, pourvû que tous tes ouvrages ne tendent qu'à l'honneur de Dieu qui m'a donné la force de dominer non seulement sur les choses Terrestres mais aussi sur les Célestes c'est à dire sur les Anges dont je puis disposer à ma volonté & obtenir d'eux des Services très considérables.

It is by this means, my Son, that I possess all the virtues and riches of which thou now seest me in the enjoyment, and in order that thou mayest be willing to be attentive to all which I am about to relate to thee, and that thou mayest retain with care all that I am about to tell thee, I assure thee that the Graces of the Great God will be familiar unto thee, and that the Celestial and Terrestrial Creatures will be obedient unto thee, and a science which only works by the strength and power of natural things, and by the pure Angels which govern them. Of which latter I will give thee the names in order, their exercises and particular employments to which they are destined, together with the days over which they particularly preside, in order that thou mayest arrive at the accomplishment of all, which thou wilt find in this my Testament. In all which I promise thee success, provided that all thy works only tend unto the honour of God, Who hath given me the power to rule, not only over Terrestrial but also over Celestial things, that is to say, over the Angels, of whom I am able to dispose according to my will, and to obtain from them very considerable services.

Premiérement, il faut que tu sache que Dieu ayant fait toutes choses pour lui être soumises, il à bien voulu porter ses oeuvres jusqu'au dégré le plus parfait en faisant un ouvrage qui participe, du Divin & du Terrestre, c'est-à-dire l'homme, [dont le Corps est grossier & terrestre, & l'ame Spirituelle & céleste, auquel il a soumis toute la terre & ses habitans, & lui a donné des moyens par lesquels il peut se rendre les Anges familiers que j'appelle Créatures célestes, qui sont déstinés, les vns à regler le mouvement des Astres, les vns a habiter les Elémens, les autres à aider & conduire les hommes, & les autres à chanter continuellement les Louanges du Seigneur; tu peux donc par le moyen de leurs Sceaux & Caracteres teles rendre familiers pourvu~ que tu n'en abuse pas en exigeant d'eux des choses qui leurs sont contraires, car maudit celui qui prendra le Nom de Dieu en vain & qui mal emploira les sciences & les biens dont il nous a enrichis.

Firstly. It is necessary for thee to understand that God, having made all things, in order that they may be submitted unto Him, hath wished to bring His works to perfection, by making one which participates of the Divine and of the Terrestrial, that is to say, Man; whose body is gross and terrestrial, while his soul is spiritual and celestial, unto whom He hath made subject the whole earth and its inhabitants, and hath given unto Him means by which He may render the Angels familiar, as I call those Celestial creatures who are destined: some to regulate the motion of the Stars, others to inhabit the Elements, others to aid and direct men, and others again to sing continually the praises of the Lord. Thou mayest then, by the use of their seals and characters, render them familiar unto thee, provided that thou abusest not this privilege by demanding from them things which are contrary to their nature; for accursed be he who will take the Name of God in vain, and who will employ for evil purposes the knowledge and good wherewith He hath enriched us.

Je te commande Mons Fils, de bien graver en ta mémoire tout ce que je te dis, pour qu'il n'en sort jamais. Si tu n'avais le dessein de bien user des secrets que je t'enseigne; je t'ordonne de jetter plutôt ce Testament au feu que d' abuser du pouvoir que tu auras de contraindre les Esprits, car je t'avertis que ces Anges bienfaiteurs fatigués & lassés par tes illicites demandes, pourraient à ton malheur exécuter les Ordres de Dieu, aussi bien qu'à celui de tous ceux qui mal intentionnés abuseraient des secrets qu'il lui à plû me donner & reveler; ne crois pas pourtant mon Fils, qu'il ne te soit permis de profiter des biens & plaisirs que les Esprits Divins peuvent te rendre, au contraire, c'est pour eux un trés grand plaisir de rendre service à l'homme avec qui plusieurs de ces Esprits ont beaucoup de penchant & d'affinité, Dieu les ayant destinés à la conservation & conduite des choses Terrestres qui sont soumises au pouvoir de l'homme.

I command thee, my Son, to carefully engrave in thy memory all that I say unto thee, in order that it may never leave thee. [F adds: ou du moins, je t’ordonne que ("or, at least, I order that...")] If thou dost not intend to use for a good purpose the secrets which I here teach thee, I command thee rather to cast this Testament into the fire, than to abuse the power thou wilt have of constraining the Spirits, for I warn thee that the beneficent Angels, wearied and fatigued by thine illicit demands, would to thy sorrow execute the commands of God, as well as to that of all such who, with evil intent, would abuse those secrets which He hath given and revealed unto me. Think not, however, O my Son, that it would not be permitted thee to profit by the good fortune and happiness which the Divine Spirits can bring thee; on the contrary, it gives them great pleasure to render service to Man for whom many of these Spirits have great liking and affinity, God having destined them for the preservation and guidance of those Terrestrial things which are submitted to the power of Man.

Il y a de différentes sortes d'Esprits, selon les choses auxquelles ils président, ils y en a qui régissent le Ciel Empiré, d'autres le premier Mobile, d'autres le premier & Second Cristallin, d'autres le Ciel Etoilé, il y a aussi des Esprits au Ciel de Saturne que je nomme Saturnites, il y a des Esprits Jovials, Martials, Solaires, des Véneriens, Mercuriels & Lunaires; il y en a aussidans les Elémens aussi bien qu'aux Cieux, il y en a dans la Région ignée, d'autres dans l'Air; d'autres dans l'Eau, & d'autres sur la terre, qui tous peuvent rendre Service à l;homme, qui aura le bonheur de les Connaitre & de savoir les attirer.

There are different kinds of Spirits, according to the things over which they preside; some of them govern the Empyrean Heaven, others the Primum Mobile, others the First and Second Crystalline, others the Starry Heaven; there are also Spirits of the Heaven of Saturn, which I call Saturnites; there are Jovial, Martial, Solar, Venerean, Mercurial, and Lunar Spirits; there are also (Spirits) in the Elements as well as in the Heavens, there are some in the Fiery Region, others in the Air, others in the Water, and others upon the Earth, which can all render service to that man who learns their nature, and knows how to attract them.

Au surplus mon cher fils je t'ordonne de ne pas ensevelir cette Science mais d'en faire part à tes amis avec ordre de ne point profaner les choses Divines parce que bien loin de se rendre ami des esprits ce seroit le moyen d'en venir à la déstruction générale d'un chacun. Furthermore, my beloved Son, I order thee not to bury this Science, but to make thy friends partakers in the same, subject however to the strict command never to profane the things which are Divine, for if thou doest this, far from rendering thee a friend of the Spirits, it will but be the means of bringing thee unto destruction.
Il ne faut pas les prodiguer parmi les ignorans car ce seroit chose aussi blamable que celle de jetter des pierres précieuses devant des pourceaux, il faut au contraire que d'un Sage elle passe à un autre, pour que de cette maniére le trésor des trésors ne soit pas mis en oubli. / . But never must thou lavish these things among the ignorant, for that would be as blameable as to cast precious gems before swine; on the contrary, from one Sage the secret knowledge should pass unto another Sage, for in this manner shall the Treasure of Treasures never descend into oblivion.

 

FIN.

The End.


En conclusion, nous dirons que si la Préface à César s’inscrit dans un genre largement attesté, le rapprochement avec les Clavicules de Salomon nous semble le plus frappant. Rappelons cette mention des « Vaticinations perpétuelles » dans la Préface . Or, que sont les Clavicules sinon un système qui permet, en se servant d’une terminologie planétaire, de se passer des données astronomiques en les remplaçant par une forme de cyclicité numérique qui apparait du fait des emprunts au Livre de l’Estat et Mutation de Richard Roussat et qui renvoie à Trithème voire à Abraham Abenezra (Ibn Ezra) ?

Il nous semble que les lecteurs éclairés des XVIe et XVIIe siècles étaient peu ou prou familiers avec cette forme épistolaire - le père transmettant au fils - quand il s’agissait de révéler quelque enseignement tenu secret. Mais on n’imagine mal Michel de Nostredame user une telle forme en se prenant en quelque sorte pour Salomon ou pour Hermés Trismégiste. C’est bien plutôt à ses thuriféraires qu’il convient d’accorder une pareille démarche hagiographique. Ce genre épistolaire est intrinsèquement de l’ordre de la contrefaçon.

Autrement dit, l’œuvre nostradamique, plus que jamais, nous apparait comme dépassant le personnage et le temps de Nostradamus. On accède ici à la constitution d’un mythe.

JHB

06. 04. 12

 

48 - L’hermétisme dans les premiers quatrains et dans la Préface à César.
Par Jacques Halbronn

Il semble que l’on puisse établir un lien entre les deux premiers quatrains du corpus centurique (qui au départ n’était pas divisé en centuries, cf. Ruzo Testament de Nostradamus(1982, Ed Rocher) sur l’édition Rouen du Petit Val 1588) et l’idée même d’une épître de Nostradamus à son fils (cf. nos précédentes études). Ces premiers quatrains viennent en fait confirmer notre thèse d’une influence hermétique chez les rédacteurs du dit corpus, dans la mesure où nous tendons à minimiser le rôle direct joué par Michel de Nostredame dans cette entreprise collective tant au niveau rédactionnel qu’exégétique.
Il importe de resituer le texte en prose qui a servi à la composition des deux premiers quatrains – ce passage de la prose aux vers étant un phénomène typique de la production centurique, que l’on se souvienne des emprunts à la Guide des Chemins de France ou plus largement de l’origine des quatrains(présages) des almanachs de Nostradamus (cf. notre post doctorat numérisé, sur propheties.it)
Au départ, il s’agit d’une réponse (« sur les solutions et difficultés ») d’un certain Abamon à une attaque de Porphyre (Ive siècle de notre ère) adressée à Anebo (-nom sous lequel Porphyre aurait en fait désigné Jamblique[1]) contre les mancies et dans les deux cas on a affaire à des épitres, l’une que l’on ne connait que partiellement (par reconstitution) et l’autre qui nous est apparemment parvenue dans son intégralité. Les deux textes comportent inévitablement quelques ressemblances puisque l’un répond à l’autre et le cite comme Couillard du Pavillon réagit (Prophéties, 1556) à un texte, perdu, de Nostradamus. Il y a eu de nombreux travaux académiques consacrés à ce corpus, tant en français qu’en anglais ou en allemand et il n’est pas étonnant qu’un beau jour quelqu’un ait fait le rapprochement entre un passage du Livre III des Mystères d’Egypte de Jamblique et le début de la première centurie. En revanche, la dimension épistolaire de l’hermétisme ne semble pas avoir été cernée comme ayant pu être à l’origine de la Préface de Nostradamus à son fils. (cf. nos précédentes études sur le site de Mario Gregorio, n°40 et se). Les Branchides (au sud de Milet( Carie), en Asie Mineure) étient une tribu de prétres se disant descendre de Branchus, fils d’Apollon et d’une milésienne ayant reçu le don de prophétie[2]. Ils seront par la suite déportés en Sodiane et y fondèrent la ville de Branchide.(source Wikipedia) Il ne semble pas que l’on puisse parler de prophétesses – ce sont des hommes - sauf en ce qui concerne l’épouse de Branchus.
Porphyre mentionne trois grandes écoles oraculaires : celle de Colophon (Apollon), celle de Delphes et celle des Branchides. « Les uns ont bu de l’eau comme le prêtre d’Apollon Clarios, à Colophon, les autres se tiennent auprès des gouffres,, comme celles qui prophétisent à Delphes, d’autres enfin sont insufflés par des eaux, comme les prophétesses des Branchides » En ce qui concerne les Branchides (ou Didymes, terme qui signifie les jumeaux), il s’agit de pétres du temple d’Apollon, à Didyme en Ionie.
What is it that takes place in divination? For example, when we are asleep, we often come, through dreams, to a perception of things that are about to occur We are not in an ecstasy full of commotion, for the body lies at rest, yet we do not ourselves apprehend these things as clearly as when we are awake.
Traduction anglaise du passage de la Lettre de Porphyre à Anebo consacré à la divination:
“In like manner many also come to a perception of the future through enthusiastic rapture and a divine impulse, when at the same time so thoroughly awake as to have the senses in full activity. Nevertheless, they by no means follow the matter closely, or at least they do not attend to it as closely as when in their ordinary condition. So, also, certain others of these ecstatics become entheast or inspired when they hear cymbals, drums, or some choral chant; as for example, those who are engaged in the Korybantic Rites, those who are possessed at the Sabazian festivals, and those who are celebrating the Rites of the Divine Mother. Others, also, are inspired when drinking water, like the priest of the Klarian Apollo at Kolophon; others when sitting over cavities in the earth, like the women who deliver oracles at Delphi; others when affected by vapor from the water, like the prophetesses at Branchidæ; and others when standing in indented marks like those who have been filled from an imperceptible inflowing of the divine plerome. Others who understand themselves in other respects become inspired through the Fancy: some taking darkness as accessory, others employing certain potions, and others depending on singing and magic figures. Some are affected by means of water, others by gazing on a wall, others by the hypethral air, and others by the sun or in some other of the heavenly luminaries. Some have likewise established the technique of searching the future by means of entrails, birds, and stars.” ( trad. Alexander Wilder, London: William Rider & Son Ltd. 164 Aldersgate Street, New York: The Metaphysical Publishing Co. 1911)
Ceux qui composèrent les deux premiers quatrains ne retiennent que le deuxième et le troisième cas et encore ne citent-ils nommément que le troisième, celui des Branchides. On pourrait fort bien concevoir un quatrain reprenant des éléments concernant le premier cas. Peut- être fut-il composé, qui sait ? Toujours est-il qu’il faut attendre que le dit Abamon, que l’on identifie généralement à Jamblique, aborde l’exemple de Delphes pour que des mots fassent écho au premier quatrain :
« Que la prophétesse de Delphes rende aux hommes ses oracles grâce à un souffle subtil, igné, exhalé de quelque fissure par le gouffre ou qu’elle prophétise assise dans le sanctuaire sur un siège de bronze à trois pieds ou encore sur le siège à quatre pieds consacré au dieu, de toute manière, elle se livre ainsi au souffle divin et est illuminée par le rayon du feu divin » (trad. Edouard des Places (SJ), Les Belles Lettres, Paris 1993, Préface de François Viéri, p. 89, Livre III, 11)
Ce qui donne au niveau des quatrains nostradamiques :
Estant assis de nuit secret estude
Seul repoussé sus la selle d’airain
Flambe exigue sortant de solitude
Fait proférer qui n’est à croire vain »
On trouve « Assis » à la place d’ »assise » et « selle d’airain pour « siège de bronze » et « flambe » pour « feu » et « igné’. Visiblement, on n’aura pas souhaité garder la dimension féminine du texte en prose.
Et il en sera de même pour le troisième cas :
« La prophétesse des Branchides, elle, qu’elle soit remplie de la clarté divine en tenant la verge qui lui a été à l’origine transmise par un dieu ou qu’elle prédise l’avenir sur un essieu ou que en trempant de l’eau ses pieds ou une tresse ou en se laissant insuffler par l’eau, elle reçoive le dieu etc. «
Ce qui donne pour le deuxième quatrain de la première Centurie :
« La verge en main mise au milieu de Branches
De l’onde il moulle & le limbe & le pied
Un peur & voix frémissent par les manches
Splendeur divine. Le divin près s’assied »

Si le premier quatrain était marqué par le feu, le deuxième l’est par l’eau. On retrouve la « verge » et bien entendu le mot Branches, pour Branchides, onde pour eau.
Ajoutons que le texte même de la Préface comporte « exigue flamme » puis plus loin « flambe exigue », expressions qui se retrouvent dans le premier quatrain.
Cette Lettre apologétique d’Abamon (en hébreu Ab : le père) alias Jamblique censée être adressée à un disciple ayant été le destinataire d’une Epitre critique de Porphyre à Anébon n’est évidemment pas sans s’apparenter au genre de la révélation épistolaire, d’autant plus que le dit Abamon répliquant aux doutes de Porphyre s’adresse à lui non sans une certaine condescendance comme on le ferait à l’intention d’un fils qui a encore beaucoup à apprendre. Il nous a donc paru souhaitable de souligner que les deux premiers quatrains étaient tirés d’une correspondance.
Mais ceux, comme Pierre Brind’amour, ont relevé une telle ‘filiation » textuelle n’ont pas signalé, dans leurs travaux, que le genre même de la Préface à César relevait de la littérature « hermétique ».
Pour en revenir à l’adresse de Salomon (Clavicules de Salomon), à Roboam (Rehoboam, en hébreu) responsable du schisme qui coupera en deux le royaume-la fortune de ce texte est assez étonnante puisque le XXe siècle lui accordera encore plusieurs éditions. Ainsi, Papus, avec son Traité Elémentaire rebaptisé Méthodique de Magie Pratique, dont on connait encore une édition en 1973 chez Dangles, reprend le «Discours de Salomon à Roboam son fils « (pp 466-467) sous une forme résumée (attribuée à Mgr Barrault, archevêque d’Arles, vers 1640). Ce Discours sous sa forme concise se prête à une comparaison assez flagrante dont nous avons déjà traitée dans une version plus longue : cela commence carrément par « Mon fils Roboam » et sur le ton du testament : » « J’ai cru en mourant devoir te laisser un héritage plus précieux que toutes les richesses dont je jouis ». La forme « mon fils « apparait 4 fois sur les 2 pages. Mais cela n’aura pas suffi apparemment aux dernières générations de nostradamologues. Certes, dans la Préface à César, Nostradamus n’évoque pas directement sa mort mais tout indique que vu le très jeune âge de l’enfant, on est bel et bien dans ce cas de figure encore que Nostradamus prenne la peine de préciser « si tu vis l’âge naturel & humain » car un enfant en bas âge peut fort bien ne pas survivre à son père.
C’est probablement l’occasion de mettre en garde contre un bagage insuffisant chez nombre de chercheurs dans ce domaine qui ne connaissent que le corpus nostradamique au sens étroit du terme. Si le nom de Nostradamus ne figure pas dans un texte ils ne s’y intéressent pas. C’est ainsi que des bibliographes lyonnais comme Chomarat ou Benazra n’avaient pas intégré (en 1989/1990) la production Coloni, dont l’iconographie était pourtant, dans les années 1570, reprise du corpus nostradamique et dont la Bibliothèque Municipale de Lyon La Part Dieu comportait des exemplaires. Une Chantal Liaroutzos a enrichi en 1986 la recherche des sources dans le sens des ouvrages de voyages. En ce qui nous concerne, notre thèse d’Etat sur Le texte prophétique en France (1999, sur propheties.it) évitait de se limiter au seul corpus Nostradamus, en mettant en évidence des procédés de redatation qui étaient assez commun dans le genre et dont l’existence dans le dit corpus n’aurait pas du surprendre.
On notera que Marsile Ficin traduira tant les Mystères d’Egypte de Jamblique que le Corpus Hermeticum, les deux ouvrages recourant l’un comme l’autre au genre épistolaire.

JHB
12. 04.12
--------------------------------------------------------------------------------

[1] Letter to Anebo, ed. A.R. Sodano, Porfirio. Lettera ad Anebo, Naples: L'Arte Tipografica, 1958.
[2] Cel fait penser aux Juifs, en quelque sorte peuple de prétres, où la religion est liée à la filiation

 

 
 

49a - Les "aventures prophétiques de Michel Nostradamus" , du "par" au "de"

par Jacques Halbronn

Résumé : les éditions authentiques de Nostradamus recourent à la forme « par » (composé par) et non à la forme « de » (prophéties de Nostradamus)

On ne peut plus raisonnablement, en ce début de XXIe siècle, continuer à employer le nom "Nostradamus" pour désigner l'auteur des Centuries, comme si de rien n'était [1] .

La moindre précaution scientifique exige de s'en tenir à la désignation d'un corpus sans préjuger de son auteur, dès lors que cette attribution du dit corpus au dit auteur fait raisonnablement question.

C'est pourquoi en 1990, lors de la parution du travail de Robert Benazra, nous avions opté, en notre qualité d'éditeur pour Répertoire Chronologique Nostradamique alors que venait de paraître la Bibliographie Nostradamus de Michel Chomarat. On peut ainsi regretter la formule "Corpus Nostradamus" utilisée par Patrice Guinard [2] ou celle de "Répertoire Chronologique Nostradamus" par Mario Gregorio, en retrait par rapport à celle de l'ouvrage de Benazra.

Lors de la soutenance, en octobre 2007, à la Sorbonne, de notre post-doctorat consacré à la "naissance de la critique nostradamienne", nous avions protesté par rapport à l'utilisation par certains membres du jury de la forme "Nostradamus" pour qualifier d'office l'auteur des Centuries, dans le style "Nostradamus écrit...." [3] Un tel constat en dit long sur le retard des études nostradamologiques par rapport à d'autres domaines. Ne parle-on pas de la Bible, sans dire "Moïse à écrit", alors que c'est la fiction véhiculée par l'Ancien Testament?.

Cette insistance à garder le nom "Nostradamus" comme indiquant la paternité des Centuries nous apparaît comme la marque d'une regrettable résistance.

Il semblerait, en effet, beaucoup plus prudent, de désigner l'oeuvre par son nom, Centuries ou à la limite en complétant par "de Nostradamus". D'ailleurs, dans l' "extrait de la sénéchaussée" relatif à l'édition (antidatée) de 1555, il est indiqué "Prophéties de M. Michel Nostradamus" comme constituant un titre en soi comme l'on dirait les Aventures de Tintin ou celles de Sherlock Holmes. Nostradamus n'est plus dès lors qu'un personnage auquel l'on prête toutes sortes de quatrains prophétiques. Le fait d'ailleurs de présenter des "suites" est bel et bien avéré en ce qui concerne les Centuries, comme c'est le cas pour la Nouvelle Prophétie de M. Michel Nostradamus, Paris, Sylvestre Moreau, 1603.

Il est étonnant que les spécialistes de littérature qui se sont intéressés aux Centuries, comme Jean Céard ou Jean Dupébe, n'aient pas fait preuve de la même prudence au regard de l'auteur des Centuries que pour d'autres oeuvres dont le héros n'est visiblement pas l'auteur.

Pourquoi donc, avec Nostradamus, rechignerait-on à présenter celui-ci comme un prétexte à rassembler au sein d'un même corpus des textes étalés sur des décennies? Tout se passe comme si l'on traitait Nostradamus comme Jésus de Nazareth et encore, dans ce cas, l'on signale bien que telle Evangile est de tel "saint" (Jean, Marc, Mathieu, Luc).

Comment se fait-il donc que concernant un ensemble aussi composite, l'on préfère s'en tenir, par principe, à la fiction selon laquelle Michel de Nostredame serait l'auteur à part entière des Centuries?

Il s'agit en fait de l'interdit du signifiant. Entendons que l'on admet que les Centuries aient été commentées voire qu'elles aient pu être ici et là retouchées, délibérément ou non - c'est la question des variantes, chère à Patrice Guinard - mais l'on n'est pas, pour autant, enclin à priver Nostradamus de sa paternité totale sur le texte centurique, par delà les tribulations et les vicissitudes qu'il aurait pu subir.

Il ne s'agit, évidemment pas, de nier l'existence de Michel de Nostredame mais celle-ci ne saurait préjuger de sa paternité sur les Centuries, dont il ne serait en fait que le héros comme le Don Quichotte de Cervantés auquel on fait aussi tenir des propos. Nostradamus est, selon nous, le type même de l'auteur fictif mais en même temps, la fiction consiste précisément à en faire un auteur....

Pour en revenir aux Aventures de Sherlock Holmes, par Conan Doyle, l'on rappellera qu'elles sont censées être l'oeuvre du Dr Watson, compagnon du détective. Nous avons donc trois niveaux de protagonistes : Doyle, Holmes, Watson autour d'une seule et même oeuvre, là où pour les Centuries, il n'y en qu'un et où pour le Nouveau Testament, il y en a deux, Jésus et tel ou tel Evangéliste.

L'idée de considérer Nostradamus comme le personnage d'une sorte d'odyssée prophétique nous parait assez heureuse et cela ferait en effet basculer les Centuries dans le champ proprement littéraire. Or, il se trouve que le succès même des Centuries tend à les situer sur un autre plan, qui exige de conférer une réalité en soi à l'oeuvre, à lui conférer les attributs d'une incarnation en bonne et due forme. D'où l'omniprésence obligée du nom de Nostradamus non point seulement comme celui auquel on prête des prophéties mais qui en serait, stricto sensu, l'auteur.

.On en vient ainsi en traiter sur un même pied ce dont Michel de Nostradamus est véritablement l'auteur ou le serait vraisemblablement, comme pour sa Correspondance, certaines épîtres, quitte à s'interroger sur le travail d'édition subséquent , et ce dont il est le personnage de fiction.

Le problème, soulignons-le, tient au fait que ce personnage de fiction est supposé écrire, que c'est même son "action" par excellence, que ses "aventures" sont de l'ordre de l'écriture. Le mot aventure est d'autant plus adéquat, ici, qu'il renvoie à l'avenir,à la "bonne" aventure.

Il serait bon de consacrer une thèse de doctorat, si cela n'a pas déjà été fait, au cas de cette littérature campant des gens de lettres produisant des textes, des Madame de Sévigné imaginaires. Pourtant, les exemples ne manquent pas à commencer par les Lettres Persanes de Montesquieu. Il semble, au vrai, que les exemples sont peut-être plus nombreux qu'on le croit d'auteurs fictifs auxquels on aura fini par attribuer l'oeuvre qui les met en scène, et le cas de Moïse, pour la Genèse et l'Exode, est emblématique.

Avouons que la question de l'auteur d'une oeuvre devrait être abordée avec un certain luxe de précautions et ce d'autant plus quand il s'agit d'une oeuvre campant un ...auteur, dont les seules "aventures" sont de l'ordre de l'écriture...

D'ailleurs, l'examen des titres du corpus nostradamique ne laisse de prolonger une ambiguïté dont on peut se demander si elle existait, tant que cela, dans les premières éditions. On l'a noté plus haut, la forme "Prophéties de Nostradamus" est récurrente, quand bien même Prophéties serait-il remplacé par d'autres formules plus ou moins équivalentes. Une étude des pratiques concernant les titres des oeuvres et la mise en évidence de leur auteur serait la bienvenue. L'aspect typographique nous semble ici déterminant, selon que le nom de l'auteur est composé dans les mêmes caractères que celui de l'oeuvre. La forme "de" est en tout cas à distinguer de "composé par".

C'est ainsi que les almanachs et les pronostications du corpus nostradamique comportent la forme " composé par Maisttre Michel Nostradamus" ou tout autre équivalent tandis que les prophéties, censées être contemporaines, apparaissent sous la forme "Prophéties de M. Michel Nostradamus".

En anglais, il en est de même, notamment pour l'édition de 1672:

The true Prophecies or Prognostications of Michael Nostradamus (....) translated and commented by Theophilus de Garencières

Le code en usage serait bel et bien de réserver "de" (of) pour la fiction et "par" (by) pour la paternité avérée ou déclarée, ce qui ne vaut évidemment pas quand le "par" reste anonyme, mais vaut quand on recourt à un pseudonyme.

La forme moderne a dépassé ce cadre, l'usage voulant que l'on inscrive en tête l'auteur, et en dessous le titre de l'oeuvre sans relier ces deux éléments par une quelconque préposition.: Conan Doyle. Les aventures de Sherlock Holmes.

La forme traditionnelle "composé par'" est tombée en désuétude, ce qui explique probablement qu'on n'y ait pas accordé toute l'importance qu'elle mérite quant à sa présence ou son absence dans les titres du corpus nostradamique. Notons que les titres latins faisaient déjà précéder le nom de l'auteur comme dans Joannis Keppleri (..) De Stella Nova, Prague, 1606.

Parcourons à présent le corpus iconographique que nous avons constitué, au tome III; pour notre post doctorat, Le Dominicain Giffré de Réchac et la naissance de la critique nostradamique.

Un des rares auteurs à pratiquer le "de" est Jean Bodin

Les six Livres de la République de I. Bodin, Paris, 1577

Le Théâtre de la Nature Universelle de Jean Bodin, Lyon, 1597

Quant à Jean Aimé de Chavigny, si la Première Face du Ianus François mentionne "par Jean Aimes de Chavigny", Lyon , 1594, en revanche l'édition abrégée de 1596 adopte le titre Commentaires du Sieur de Chavigny, 1596, forme qui sera reprise en 1603 avec Les Pléiades du Sieur de Chavigny. On notera que la forme de 1594 fait ressortir deux protagonistes, le "Janus François", introduit par "de" et " Jean Aimes de Chavigny", introduit par "par".

Signalons aussi les deux bibliographies : La Bibliothèque du Sieur de la Croix du Maine, 1584 et La Bibliothèque d'Antoine du Verdier, 1585

Même les "successeurs" attitrés, en quelque sorte, de Nostradamus préfèrent la forme "par" tel Antoine Crespin, auteur de Prophéties par l'astrologue, Lyon, 1572 et c'était déjà le cas de la Prophétie Merveilleuse (...) par Mi. de Nostradamus, à la fin des années 1560.

Toutefois, il existe des cas qui demandent que l'on s'y arrête. C'est le cas des pamphlets contre Nostradamus. Il existe une parodie d'Antoine Couillard, sous le titre" Les Prophéties du Seigneur du Pavillon lez Lorriz", Paris, 1556. Cette fois, l'auteur est bien introduit par un "de" comme dans ses "Contredictz du Seigneur du Pavillon (...) aux faulses & abusifves prophéties de Nostradamus", Paris, 1560.. On trouve aussi en 1558 "La première invective du Seigneur Hercules le François contre Monstradamus", Paris. On notera dans les trois cas le mot "Seigneur". .

On pourrait en conclure qu'Antoine Couillard a recouru à cette forme du fait de sa parodie de l'oeuvre de Nostradamus, Les Prophéties de M. Michel Nostradamus, Lyon, Macé Bonhomme, 1555. Mais, nous ne voyons pas pourquoi cette publication ne suivrait pas le même schéma de présentation que tout le reste de la production de Nostradamus, y compris la Paraphrase de Galien ou ses divers traités extra-astrologiques. Nous pencherions plutôt pour une autre hypothèse, à savoir que ces pamphlets anti-nostradamiques auraient servi aux faussaires et les auraient conduits à en déduire, à tort, que le titre d'origine était Prophéties de M. Michel Nostradamus. . Nous avons montré ailleurs que la bibliothèque nostradamique dont disposèrent certains "éditeurs", à la fin du XVIe siècle, incluait un texte anti-nostradamique comme Le Monstre d'abus,(...) composé par Maistre Jean de La Daguenière, Paris, 1558..

Signalons toutefois, dès 1569, peu après la mort de Nostradamus, la Prognostication de Jaques Brochier; ¨Paris, ouvrage qui comporte un commentaire de Dorat, dont on connaît l'intérêt pour les Centuries et le rôle qu'il aurait pu jouer dans leur édition. Un correspondant du forum yahoo groups nostradamus, qui se présente sous le nom de Marvoir, nous signale la parution d’une œuvre de Marot sous le titre de L’Enfer de Clément Marot (1542). Il n’en reste pas moins que du point de vue de la production nostradamique, c’est une pratique qui n’est attestée que pour les Centuries. Ces considérations viennent compléter d’une part celles relatifs à la présentation même du nom Nostradamus qui dans les Prophéties, on l’a dit, ne revient ni sur son activité, ni sur sa ville et d’autre part les observations relatives aux vignettes de titre qui différent également quand on passe des Centuries aux pronostications de Nostradamus, dans les années 1550.

Bien entendu, au début du XVIIe siècle, on ne sera plus surpris, par imitation de la production de la fin du XVIe siècle, de trouver des Prophéties de Maistre Noël Léon Morgard, lequel texte est la première mouture imprimée des Sixains [4] et par la suite, au XVIIIe siècle, l'o trouvera les Prophéties Perpétuelles (..) de Thomas-Joseph Moult. On pourrait aussi citer le cas d'un ouvrage que nous avons édité en 1976, les Remarques astrologiques de J. B. Morin, Paris, 1654 ou encore La Pratique curieuse des Oracles de M. Comiers, Paris, 1694

Que conclure de notre inventaire? Nous réitérerons ce constat: la production de Michel de Nostredame ne recourt jamais, en dehors des Centuries qu'on lui attribue, à la forme " de". En revanche, Antoine Couillard adopte cette forme dès les années 1550 dans sa parodie et son attaque de Nostradamus qu'il refuse d'ailleurs de présenter avec ses titres ou avec la moindre forme de respect : c'est "Nostradamus" tout court dans ses Contreditz de 1560 tout comme les éditions des Prophéties de M. Michel Nostradamus de 1555 et 1557 ne mentionnent nullement sa qualité de médecin, ni sa ville.(Docteur en médecine de Salon de Craux en Provence). Il nous semble, donc, tout à fait concevable que Couillard ait été utilisé pour "calibrer" le titre des Centuries, ce qui n'enlève rien au fait que ses Prophéties soient bel et bien constituées, en partie, d'extraits d'une Epître de Nostradamus à son fils César, dont on n'a gardé, sous forme intégrale, que des versions plus tardives et certainement sensiblement retouchées.

Que Jean Bodin - ou en tout cas son éditeur- ait dès les années 1570 été publié sous la forme "de" et non "par" indique l'émergence d'un autre mode de présentation, qui fera que la forme "Prophéties de M. Michel Nostradamus" ou celle "Grandes et Merveilleuses Prédictions de M. Michel Nostradamus" ne sera pas complètement innovante. Au contraire, le précédent bodinien, Bodin étant le véritable auteur des ouvrages concernés, s'ajoutant au précédent couillardien, expliquerait cette forme "de" dans les années 1580 pour présenter une oeuvre dont on veut faire croire au public qu'elle est bien de Nostradamus. Le problème, comme souvent, c'est que toute tentative de produire des éditions antidatées se heurte à un sérieux risque d'anachronisme, la comparaison avec le corpus nostradamique attribué, par ailleurs, à Nostradamus, de son temps, étant, selon nous, assez rédhibitoire.

JH

16. 03 08

49b - Disparition et réapparition du second volet des Centuries, à la fin du XVIe siècle.

par Jacques Halbronn

Résumé : les centuries VIII à X ont une histoire distincte de celles des « premières » Centuries

Un des points les plus marquants de l'histoire des éditions centuriques est certainement celui qui concerne le sort de ce que l'on appelle généralement le "second volet" des Centuries, à savoir les centuries VIII, IX et X ainsi que celui de l'Epître à Henri II qui les introduit. Ajoutons que ce second volet peut éventuellement englober les sixains et les présages lesquels tendent, eux aussi, à apparaître et à disparaître, d'une édition à l'autre. C'est ainsi que les sixains sont absents des éditions Chevillot et présents dans les éditions Du Ruau, deux libraires troyens.

Récemment, P. Guinard a publié, sur son site [5] une étude intitulée

"Les éditions lyonnaises du début du XVIIe siècle, plus quelques autres (et la guerre éditoriale provoquée par l'assassinat de Henri IV) ". Il y signale que " Ces éditions, pour la plupart non datées, sont difficiles à situer les unes par rapport aux autres. Même l'édition Moreau, datée de l'an 1603, pose problème.".

Il convient, en effet, de s'intéresser de près à cette édition dont le titre n'est pas banal:

"Nouvelle prophétie de M. Michel Nostradamus qui n'ont (sic) iamais esté veues n'y (sic) imprimées que en ceste présente année. Dédié au Roy. A Paris, Pour Sylvestre Moreaui. Libraire. 1603. Avec permission [6] Rappelons en effet que la Bibliothèque de l'Arsenal est intégrée dans la structure de la BNF et que son catalogue est référencé informatiquement au sein de celui d la BNF)

Son contenu est plus classique : l'Epitre à Henri II, d'où le "dédié au Roy" et les centuries VIII-X, ce que le titre ne laissait pas nécessairement entendre. Tout se passe comme s'il s'agissait de l'apparition du second volet, faisant suite aux éditions à sept centuries parues entre 1588 et 1590, à Paris, Rouen et Anvers.

Mais entre ces deux états, l'on trouve avant cette date de 1603 plusieurs éditions comportant déjà un tel ensemble :il s'agit de l'édition de Cahors (Jaques Rousseau 1590, [7] et de diverses éditions telle que celle des Héritiers de Benoist Rigaud [8] non datée mais que l'on situe habituellement autour de 1597-1598, si l'on se fonde sur l'usage habituel de cette enseigne de libraire..

Ajoutons l'existence de l'édition Antoine du Rosne, 1557, de la Bibliothèque de l'Université d'Utrecht, dont le second volet est perdu mais laisse des traces dans la présentation du premier.:

Les Prophéties de M. Michel Nostradamus dont il en y a (sic) trois cents qui n'ont encores iamais esté imprimées. ADIOUSTEES DE NOU/veau par ledict Autheur

La présentation du premier volet est assez confuse, on en conviendra et ce précisément parce qu'elle inclut celle du second volet, ce qui n'avait pas été souligné jusque là. Nous voulons évidemment parler des éditions à deux volets car l'autre édition Antoine du Rosne 1557 (Bibl Budapest).ne comporte pas les lignes "ADIOUSTEES DE etc" alors qu'apparemment le contenu en est, à peu de choses près, le même. L'explication de ce "mystère" qui ne semble pas avoir attiré suffisamment l'attention des nostradamologues, c'est que dans un cas, on a une édition à 7 centuries et dans l'autre une édition à 10 centuries, le fait que le second volet ait disparu n'y changeant rien quand on sait que les deux volets sont bien distincts dans les éditions à 10 centuries de la fin du XVIe et du début du siècle suivant, lesquelles précisément comportent, en leur premier volet la dite mention "Adioustées de etc", comme on peut le relever pour les éditions rigaldiennes, et notamment dans celles datées de 1568 et à l'enseigne de Benoist Rigaud. Autrement dit, l'édition Antoine du Rosne Utrecht sera à peu près identique à celle de Benoist Rigaud 1568. Ce ne sont pas les aléas de la conservation qui devraient faire de l'édition Du Rosne Utrecht un cas unique....On notera cependant que l'édition Utrecht insiste au niveau typographique, par le recours aux capitales, sur cette addition alors que les autres éditions ne le font pas, ce qui nous semble correspondre à un état plus ancien, l'état nouveau tendant à évacuer les marques additionnelles trop voyantes. D'où l'importance du chaînon Utrecht dans l'histoire de la mise en place du second volet.

Une autre édition au titre tout à fait intéressant est celle conservée à la Bibliothèque de la Maison Nostradamus, Salon de Provence, acquise du fait de la dispersion de la Collection Ruzo:

Les Centuries et merveilleuses predictions Contenant sept Centuries, dont il en y à [sic] trois cents qui n'ont encores jamais esté imprimees. Esquelles se voit representé une partie de ce qui se passe en ce temps, tant en France, Espagne, Angleterre, qu'autres parties du monde,. Rouen, Pierre Valentin, s.d.

Le fait que cette édition non datée comporte une référence explicite à "sept centuries" pour le premier volet tranche avec les autres éditions connues, lesquelles ne le précisent point, tout comme c'est à Rouen que parut une édition à 4 centuries qui l'indique en son titre à la différence de l'édition Macé Bonhomme 1555. Nous pensons que l'indication du nombre de centuries est une marque de plus grande ancienneté du titre, même si l'éditeur qui figure est plus tardif....

Mais revenons à l'édition 1603 S. Moreau qui semble elle aussi constituer un chaînon remarquable et encore antérieur, structurellement sinon chronologiquement, au chaînon Utrecht, étant précisé que selon notre méthodologie une présentation peut être plus ancienne que l'édition qui en témoigne matériellement. Autrement dit, l'on ne saurait exclure que l'édition 1603 ne reprenne une formulation antérieure et ce, quand bien même cette édition 1603 serait elle-même antidatée, comme semblent le penser certains bibliographes, ce qui est, ici, un point assez secondaire, l'important, pour nous, étant ici de rétablir un certain nombre de chaînons, ce qui est une autre affaire que celle de leur conservation, les exemples abondant de résurgences tardives d'états anciens non conservés.(voir notamment le cas du libraire Antoine Besson, à la fin du XVIIe siècle ou même de la traduction anglaise de 1672 de Theophile de Garencières, en ce qui concerne la Préface à César)

Cette édition Moreau nous semble, bel et bien, attester d'une étape essentielle, celle de la réapparition du second volet, avant même que celui-ci ne soit réintégré au sein du canon centurique et en cela n'est pas sans nous faire songer au cas des sixains, d'abord parus sous le nom de Morgard [9] On ne devrait nullement être surpris d'une telle hypothèse car il faut respecter un certain agencement chronologique et une certaine vraisemblance dans l'ordre des choses. Selon nous, le canon à dix centuries tel qu'il se constitue à la fin du XVIe siècle aura intégré une publication séparée, ce qui expliquerait d'ailleurs pourquoi celle-ci y gardera une certaine autonomie.

Certes, l'intitulé Moreau est trompeur. Il reprend d'ailleurs une forme réservée au premier volet "qui n'ont jamais esté n'y imprimées" encore qu'il ajoute "que en ceste présente année", ce qui ne figure pas dans les autres éditions du premier volet et l'on peut d'ailleurs se demander si ce titre plus long n'est pas plus ancien et si le titre plus court n'aura pas été tronqué pour ne pas donner l'impression d'une émergence tardive : "en ceste présente année".

Autre point non négligeable, il s'en faut : la mention "Dédié au Roy", ce qui tient à la présence d'une Epître à Henri II. Mais justement, comment se fait-il que les autres éditions du second volet ne comportent pas une telle mention qui semble s'imposer? Rappelons que les Présages Merveilleux pour 1557 comportant une Epitre à Henri II le signalent sur la page de titre. Comment se fait-il notamment qu'une édition prétendument aussi ancienne que Benoist Rigaud 1568 ne comporte pas la mention "Dédié au Roy" qui figure dans l'édition Moreau 1603. Parmi les autres bizarreries de l'édition Rigaud, signalons le fait que l'on n'y indique pas que Nostradamus est décédé (1566), ce qui laisse entendre qu'il s'agit d'une reprise d'une édition censée parue du vivant de Nostradamus, à l'instar de celle d'Antoine Du Rosne 1557 Utrecht, dont on peut raisonnablement penser qu'elle devait porter, en son second volet, non pas 1557 mais 1558 pour correspondre à la date de l'Epître à Henri II.

Mais on ne peut aborder ces questions sans revenir sur la disparition de la dite Epître et des centuries VIII-X avant les éditions de la fin des années 1580..Il y a très peu d'éléments attestant d'une édition à 10 centuries avant la fin des années 1590. On a certes les quatrains cités dans le Janus Gallicus mais elle est tardive (1594). On a en 1585 la mention dans la Bibliothèque d'Antoine du Verdier d'une édition à 10 centuries de quatrains, indiquant Benoist Rigaud et 1568. C'est peu! Et l'on serait parfois tenté de dire que ce n'est pas assez si l'on ne se laisse pas, évidemment, persuader de l'existence d'une "vraie" édition 1568. Précisions, en effet, que lorsque nous débattions, tout à l'heure, des éditions Antoine du Rosne 1557, cela ne signifiait aucunement que nous entérinions la thèse d'une parution des Centuries du vivant de Nostradamus car de toute façon les Centuries, dans le meilleur des cas, sont posthumes.

On a aussi les passages des Centuries se trouvant chez Crespin, au début des années 1570, mais ils ne sont pas numérotés et d'autre part, il n'est pas exclu qu'ils n'aient été empruntés....à Crespin.....

Dans l'état actuel des choses, il semblerait que les éditions à 7 centuries introduites par une préface à César soient le vestige d'une édition à 10 centuries, dont on a dite que quelques quatrains figuraient dans le Janus Gallicus. Les Centuries VIII-X auraient été supprimées parce qu'indésirables et annonçant la victoire de la maison de Bourbon sur celle des Guises, ce qui aurait été peu apprécié par le camp ligueur. Mais n'aurait-on pu retoucher les quatrains problématiques?

Une fois les esprits calmés et Henri IV arrivé au pouvoir, il redevenait alors possible de réintroduire les centuries litigieuses, ce qui nous amène à l'époque même où parait le Janus Gallicus et des premières éditions rigaldiennes des années 1590, dans le contexte de tolérance de l'édit de Nantes (1598)

Et c'est alors que dut circuler cette Nouvelle prophétie de M. Michel Nostradamus qui n'ont (sic) iamais esté veues n'y (sic) imprimées que en ceste présente année. Dédié au Roy et dans la foulée les éditions à deux volets, toutes autant qu'elles sont, à savoir l'édition Antoine du Rosne 1557 Utrecht, toutes les éditions rigaldiennes, y compris celles indiquant comme date d'édition l'an 1568. A contrario, l'autre édition Antoine du Rosne Budapest 1557 correspond au stade des éditions à 7 centuries. La ligne de partage serait autour de 1593, avec la conversion d'Henri de Bourbon au catholicisme et son sacre à Reims.

En ce qui concerne la situation des éditions dont traite P. Guinard, dans son étude sus mentionnée, nous dirons qu'il faut prendre en considération les critères suivants:

la présence des sixains et des présages à la suite du second volet avec une épître à Henri IV datée de 1605.

le quatrain cryptogramme comportant la date de 1660.

La présence de l'Epître datée de 1605 est évidemment un critère qui aura permis d'éliminer des éditions datées... de 1568 encore que celles-ci ne prétendaient pas nécessairement à l'authenticité et tout au plus à la reproduction d'éditions supposées, hormis évidemment la dite épître

Les éditions lyonnaises de la fin du XVIe et du début du XVIIe siècles se caractérisent par le fait qu'elles ne comportent ni les sixains ni les présages.. En revanche, les éditions troyennes comportent toutes les sixains, celle de Du Ruau, comprenant en outre les Présages, telles que figurant dans le Janus Gallicus. Ces éditions troyennes comportent en outre le quatrain cryptogramme 1660, ce qui nous les fait dater d'après la naissance du futur Louis XIV en 1638, terminus post quem. La période de la Fronde, à partir de 1649, avec notamment la production de Mengau, aura été un terrain favorable pour la production centurique à l'instar de celle de la Ligue. C'est de cette époque que date un nouvel intitulé des Centuries, Les Vrayes Centuries de Me Michel Nostradamus, Rouen, 1649, Jacques Cailloué etc titre qui dès l'année suivante deviendra Les Vrayes Centuries et Prophéties de Maistre Michel Nostradamus, Leyde, Pierre Leffen, titre que l'on retrouve notamment à la fin des années 1660 dans les éditions d'Amsterdam, très proches de celles de Du Ruau mais comprenant en outre le "Brief Discours de la vie de Nostradamus", emprunté au Janus Gallicus..

Les éditions Pierre Du Ruau 1605 et Pierre Chevillot 1611 nous paraissent antidatées. Dans le cas de la première, l'on aura voulu réaliser une édition portant la date de l'Epître à Henri IV datée de 1605. Il convient en réalité de la situer, au plus tôt, à la fin des années 1630 . Dans le cas de la seconde, qui ne comporte pas les présages mais seulement les sixains, elle ne peut qu'être postérieure à l'édition Du Ruau car elle ne se comprend pas sans la connaissance des présages. En effet, elle ne retient pas les présages de l'almanach pour 1561 repris dans l'édition de Paris 1588 ("Autres propheties cy dessous imprimées soubz la Centurie septiéme"), ce qui ne fait sens que pour une édition comportant par ailleurs les dits quatrains comme c'est le cas de l'édition Du Ruau. On relèvera un autre signe de dépendance de l'édition Chevillot par rapport à l'édition Du Ruau, le fait que chez Du Ruau, le quatrain cryptogramme est indiqué en tant qu'addition à la Xe Centurie alors que dans l'édition Chevillot, il est carrément présenté, ce qui est significatif d'un état plus tardif, en tant que quatrain 101.

On nous demandera ce qui nous permet de ne pas dater les éditions troyennes d'avant la naissance du dauphin, célébrée astrologiquement par Campanella et Morin de Villefranche. On a dit que le cryptogramme placée à la fin de la Centurie X, comportait la date de 1660. On voit mal comment un tel quatrain concernant un roi de France, "l'héritier des crapaux", pourrait viser un Louis XIII - et encore moins un Henri IV!- pour subjuguer "tout l'univers". Il n'est en effet pas coutumier de fixer des échéances prophétiques à des princes pour un âge avancé et en 1660, Louis XIII, s'il avait vécu, aurait eu 59 ans. L'exaltation prophétique autour de Louis XIII se situa dans les années 1630. Mais dès la naissance tardive (1638) de son fils, les espoirs se reportèrent sur lui et lui fixèrent comme ligne de mire l'an 1660, au début de sa vingtaine..

JH

19.02 08

 


 

50 - Enseignements de l'édition rouennaise de 1589

par Jacques Halbronn

Résumé : historique des éditions élaborées du temps de la ligue

De nos jours, avec l’informatique, l’on peut retoucher un site, ni vu ni connu. Cela devrait nous édifier rétrospectivement en ce qui concerne les procédés des libraires qui n’avaient guère de scrupule à substituer une édition à une autre.

Un des secrets les mieux gardés de la bibliographie nostradamique concernait le contenu exact de l'édition réalisée, en 1589, par le libraire rouennais Raphaël du Petit Val, sous le nom "Les Grandes et merveilleuses prédictions de M. Michel Nostradamus etc"

Cet ouvrage appartenait à la collection constituée par Daniel Ruzo, il est désormais la propriété de Mario Gregorio qui nous en a communiqué, en janvier 2008, lors d'une visite que nous lui avons rendu, à côté de Londres [10]

Ruzo n'en avait pas donné une description détaillée notamment en ce qui concerne la présentation de la Centurie IV. R. Benazra ne donne aucun détail, dans le Répertoire Chronologique nostradamique (p. 125), sur la dite Centurie IV. Par ailleurs, l'exemplaire, le seul que l'on connaisse, est privé de son dernier cahier et notamment de la fin de la centurie VI - on ne sait s'il comportait l'avertissement latin, si ce n'est (cf infra) par le biais d'éditions qui peuvent en avoir dérivé, à commencer par l'édition d'Anvers 1590 de François de Sainct Jaure, qui porte le même titre et qui n'a ni l'avertissement latin, ni le quatrain 100 de la VI, et dont la centurie VII n'a que 35 quatrains contre 40 pour la plupart des éditions connues..

La comparaison avec les éditions parisiennes parues à la même époque est édifiante et elle n'avait pas été faite jusqu'à présent. On s'arrêtera notamment sur l'édition de la veuve Nicolas Roffet, datant de 1588 et donc antérieure à l'édition de Rouen de 1589 dont il vient d'être question , laquelle porte un titre différent, qui est celui figurant sur les éditions datées de 1555, 1557, 1568 et sur les éditions rigaldiennes des années 1590, sans oublier celle de Cahors, 1590, chez Jaques Rousseau et plus loin dans le siècle suivant, sur les éditions troyennes de Pierre Du Ruau et Pierre Chevillot.

Si, en effet, la centurie IV des éditions parisiennes (ce qui inclut donc celle de Charles Roger et celle de Pierre Mesnier, 1589) indique une addition après le quatrain 53, il n'en est pas de même pour la dite édition rouennaise de 1589, c'est à dire que la centurie IV se présente d'un seul tenant, comme si de rien n'était.

Pour nous, il doit s'agir d'un toilettage rouennais de l'édition parisienne de 1588, ce qui signifie là un terminus post quem. Ce n'est qu'à partir de 1589 que la centurie IV sera sans marque d'addition. Ce qui, évidemment, a pour effet, de souligner le caractère contrefait et antidaté des éditions portant la date des années 1550 ou 1560.

Il nous apparaît donc que l'édition rouennaise dérive de l'édition parisienne, qu'elle l'améliore sensiblement, non seulement au niveau de la centurie IV mais aussi à celui de la centurie VII, même si celle-ci a été soustraite à l'exemplaire dont on dispose. Si l'on étudie l'édition d'Anvers qui est probablement très proche de celle de Rouen, la centurie VII a été totalement remaniée, on a évacué les quatrains empruntés à l'almanach pour 1561 et l'on a produit un nouveau lot de quatrains constituant la dite centurie VII, à hauteur d'une trentaine. Il nous semble donc improbable que les éditions 1557 et 1568 qui comportent une centurie VII à 40 voire, pour celle conservée à Utrecht, à 42 quatrains, puissent être antérieures à 1589.

Jusqu'à l'étude que nous avons eu récemment le loisir de mener concernant l'exemplaire Ruzo de l'édition de 1589 - précédé d'une édition à 4 centuries que nous n'avons pas eu le loisir de consulter et qui fait également partie de la collection Ruzo, dispersée l'année dernière, ,nous pensions que l'on pouvait supposer que la centurie IV de l'édition de Rouen se présentait de la même façon que celle de Paris. Nous ne savions pas non plus laquelle des deux était la plus ancienne, laquelle dérivait de l'autre. Nous soutiendrons désormais que l'édition de Paris 1588 a précédé celle de Rouen 1589, non seulement en raison des dates dont elles sont porteuses mais aussi du fait de la disposition de la dite Centurie IV. R. Benazra place à juste titre l'édition de Rouen 1589 après les éditions parisiennes de la même année. En fait, comme on le verra plus loin, l'édition de Rouen ne s'est pas faite à partir de l'édition de Paris mais aura recouru à une autre édition non conservée dont l'édition de Paris est issue.

Rappelons qu'une précédente édition de la dite Centurie IV ne comportait que 53 quatrains, bien que, note R. Benazra, qui en donne une description dans son Répertoire Chronologique Nostradamique [11] l' exemplaire rouennais de 1588.à 4 centuries comprenait un quatrain terminal 53 mais avec les quatrains 44 à 47 sautés.

On comprend ainsi que les éditions de Rouen et d'Anvers à 7 centuries comportent en leur titre la mention "dont il en y a ( édition de Rouen) ou dont il y en a) trois cens qui n'ont encores jamais esté imprimées).", ce qui indique que les choses ne se sont pas faites en un seul temps. Les éditions comportant 10 centuries sont annoncées sur la page de titre du premier volet: "Adioustées de nouveau par le dit Autheur", une telle mention ne figurant donc pas dans l'édition de Rouen de 1589.. On ne reviendra pas ici sur la nature des 300 quatrains annoncés sur la page de titre.

Que l'on en conclue que les éditions de 1555 et de 1557 (pas celle de la bibliothèque universitaire d'Utrecht mais celle de Budapest) soient dérivées des éditons respectivement de 1588 et 1589 ne saurait sérieusement surprendre et l'on notera le faible écart de date au sein de deux ensembles, par ailleurs séparés d'une trentaine d'années.

Abordons à présent la question des dates de rédaction de la Préface à César laquelle ouvre les diverses éditions conservées, parues à Rouen, Paris ou Anvers.

Les éditions rouennaises donnent la date du 22 juin 1555. Benazra n'indique pas que cette date figure également sur l'édition de Rouen 1589 et ne l'indique que pour celle, à 4 centuries seulement, de 1588.: "De Salon, le vingt deuxiesme iour de Iuin Mil cinq cens cinquante cinq".

Or, tout nostradamologue un tant soit peu averti sait que l'édition de 1555 Macé Bonhomme et celles de 1557 ont leur préface datée du Ier mars 1555, tout comme l'édition de 1568. Quant aux éditions parisiennes, elles portent la mention du Ier mars 1557......Ainsi, la forme Ier mars 1555 pourrait avoir été un compromis entre les deux autres : le 1555 des éditions rouennaises et le Ier mars des éditions parisiennes(cf l'édition numérisée sur le site BNF Gallica, du parisien Pierre Mesnier, 1589) . Ce qui nous conduirait à considérer la dite forme du Ier mars 1555 comme tardive.

Pourquoi cet écart de près de deux ans dans les dates de rédaction de la Préface à César? Si l'on admet comme on l'a fait que les éditions parisiennes sont antérieures à l'édition Du Petit Val 1589, l'on serait tenté de considérer comme la première mouture, celle qui propose le Ier mars 1557, ce qui voudrait dire que la date de 1555 en place de 1557 ne sera avancée que dans l'édition de Rouen 1589 et Anvers 1590, mais avec la date du 22 juin. Ce n'est qu'ensuite que la forme Ier mars 1555 se serait imposée, ce qui repousse d'autant la date de fabrication des éditions portant les dates de 1555, de 1557 ou de 1568.

On notera que l'on a un décalage comparable entre la première Epître à Henri II datée de janvier 1556, in Présages Merveilleux pour 1557, et la seconde du 27 juin 1558, la date du 27 juin étant proche de celle du 22 juin. .

Essayons de reprendre une fois de plus la question de cette pseudo-chronologie rétroactive des années 1555-1557. Il s'agissait pour les faussaires de gérer un ensemble de 7 centuries, la question des centuries VIII-X n'étant pas alors à l'ordre du jour. Le second volet s'ouvre par une Epître à Henri II, datée de 1558. Nous avons exposé dans une précédente étude la thèse selon laquelle l'édition Antoine du Rosne 1557-Utrecht avait du comporter un second volet, si l'on s'en tient à la présentation de la page de titre qui comporte,à la différence de l'édition Budapest, la mention "Adioustées de nouveau par le dict autheur". Croire que ces deux éditions seraient véritablement parues en 1557 est anachronique. On aura simplement à des dates différentes se rapporter à une seule et même année, encore que selon nous le second volet Utrecht était daté de 1558, puisque l'"Epître au Roi l'est.

Revenons en à la seule question de la Préface à César et aux deux dates de 1555 et 1557 qui correspondent à deux années indiquées en bas de la dite pseudo-préface. Il ne faudrait pas croire que l'édition Budapest 1557 comportât, pour autant, une préface à César datée de 1557. Elle est bel et bien datée de 1555, ce qui pourrait surprendre. Signalons que dans l'Epître au Roi figure la mention du 14 mars 1557 : "mesmes de l'année 1585 & de l'année 1606 accomençant depuis le temps présent qui est le 14. de Mars 1557"

L'édition 1555 a 4 centuries dont la dernière s'arrêtant à 53 quatrains et l'édition 1557 Budapest a 7 centuries, la 4e étant cette fois "complète" et sans marque d'addition à la différence des éditions parisiennes de 1588 et 1589. La centurie VII est à 40 quatrains, sans avertissement latin entre la VI et la VIIe, ce qui selon nous correspond à une volonté de supprimer la trace d'un état à 6 centuries qui n'est pas attesté par une édition spécifique mais par l'étude de certains traces dans des éditions augmentées. Cette notion d'augmentation, nous l'avons déjà abordée pour la centurie IV. Les éditions parisiennes 1588-1589 ne comportent pas "la" centurie VII canonique. Il semble qu'entre ces éditions et celles d'Anvers 1590, il y ait eu un état intermédiaire à six centuries pleines, suivies d'un avertissement latin puis d'une centurie additionnelle, la VIIe n'atteignant pas plus de 40 quatrains.

Il faut bien comprendre que la chronologie centurique est un véritable dédale qui n'a rien de linéaire. C'est ainsi que des états plus anciens peuvent réemerger à des dates tardives: l'édition 1557 Utrecht comporte en effet l'avertissement latin (Legis Cantio pour Legis Cautio) à la fin de la VIe centurie, mais avec seulement 99 quatrains à la VIe centurie.

Il est clair qu'une épître n'est pas censée être redatée sous prétexte qu'elle ouvre un ensemble qui aura été entre temps augmenté. Ce qui fait que la date de cette épître peut induire en erreur, si l'on part du principe que la date de l'Epître pourrait servir de terminus post quem. Mais l'on peut aussi supposer que la date de l'épître ait pu être changée, repoussée, précisément en raison d'une addition, d'où la cohabitation de deux dates entre les diverses éditions, 1555 et 1557. Apparemment, les éditions parisiennes auraient changé la date de 1555 en celle de 1557 mais cette initiative aurait fait long feu et l'on serait revenu à 1555..

Mais l'on ne sait si la date initialement proposée était Ier mars 1555 ou 22 juin 1555, comme cela est attestée dans les deux éditions rouennaises dont celle à 4 centuries de 1588. Pourquoi deux dates différentes pour deux éditions à 4 centuries, Macé Bonhomme 1555 et Raphaël du Petit Val 1588? Nous avons signalé plus haut la date du Ier mars 1557 sur les éditions parisiennes.(cf R. Benazra, RCN, p. 118) Il semble que cette date ait été la nouvelle date faisant suite à celle du 22 juin 1555 et que les éditions de Rouen ont maintenue. Soulignons que les éditions de Rouen ne seraient, en fin de compte, point dépendantes de celles de Paris mais probablement d'une source commune qui aura été toilettée à Rouen- suppression de la marque d'addition à la IVe centurie notamment - et laissée telle quelle à Paris, sauf en ce qui concerna la date de la Préface à César.

Cette édition perdue de référence date vraisemblablement de quelques années plus tôt, autour de 1582. Elle comportait alors dix centuries. La préface à César devait y être datée du 22 juin 1555 et il n'est pas certain qu'elle ait alors comporté une Epître à Henri II. Cette édition était elle-même le recueil de pièces antérieures. En combinant les éditions de Rouen, d'Anvers et de Paris, l'on peut parvenir à restituer grosso modo le dit ensemble encore qu'il faille y ajouter l'édition de Cahors pour la fin de la centurie VI et la présence d'un avertissement latin car il ne s'agit point à l'évidence d'une addition tardive. Rappelons que l'édition 1557 Utrecht est fort proche du premier volet de l'édition de Cahors et que le second volet de Cahors recoupe probablement le second volet disparu de la dite édition antoine du Rosne 1557 Utrecht, étant entendu que cette édition 1557 n'est pas à l'origine de l'édition Cahors Rousseau mais calquée sur elle à l'instar de l'édition Rosne Budapest calquée sur une édition assez proche de l'édition Anvers 1590, voire de l'édition de Rouen 1557, dont nous n'avons pas la partie finale dans le seul exemplaire conservé.

. Que dire des travaux d'un Patrice Guinard quant à l'étude des variantes des éditions au niveau des quatrains (voir son site Cura.free.fr, Corpus Nostradamus)? Il est certes intéressant de rétablir les quatrains en leur forme la plus plausible mais cela ne signifie ni qu'ils sont le fait d'un seul et même auteur ni ne permet de déterminer la date de leur composition. Des variantes peuvent se succéder en un temps très court voire coexister, leur valeur diachronique reste très minime dans le domaine centurique. Ce qu'il faut comprendre en effet, c'est qu'une chose est la date véritable de publication, une autre celle qui est affichée. Dans un cas, deux éditions peuvent se suivre à quelques mois d'intervalle et se présenter comme étant parues à des intervalles beaucoup plus grands. Le temps des faussaires appartient à une dimension particulière.

Notre sentiment, jusqu'à nouvel ordre, est que la préface à César fut d'abord datée du 22 juin 1555, ce qui ne correspond ni à l'achevé d'imprimer du 4 mai 1555 figurant à la fin de l'édition Macé Bonhomme, ni au 30 avril 1555 de l'Extraict des registres de la Sénéchaussée de Lyon, placé en tête de la dite édition et qui s'ajustent en revanche sur la date du Ier mars 1555, date d'ailleurs assez problématique car elle ne semble pas tenir compte du style de Pâques et pourrait être lue comme correspondant au début de l'an 1556, si l'on part du Ier janvier : il faudrait lire alors Ier mars 1556. En revanche, la date du 22 juin 1555 ne pose pas ce problème et serait paradoxalement antérieure à celle du Ier mars 1555, selon les pratiques de calendrier de l'époque. Or, si la préface est du Ier mars 1556 (ancien style 1555), elle serait postérieure à l'achevé d'imprimer et à la permission d'imprimer. Rappelons que les Prophéties de Couillard sont datées de janvier 1555 et qu'il faut lire janvier 1556, comme le note Olivier Millet, ce qui serait gênant autrement pour un texte censé réagir à une publication de 1555.

Il convient donc de distinguer dans le champ nostradamologique, ceux qui sont spécialisés dans l'histoire des éditions centuriques et ceux qui le sont dans l'histoire des quatrains. Pour notre part, nous appartenons à la première catégorie.

Nous dirons en conclusion que le profane peut avoir du mal à suivre notre propos, ce qui nous conduit à penser que seuls des spécialistes de la question, au courant des dernières méthodes et découvertes, peuvent en juger, preuve que les études nostradamologiques sont une discipline à part entière que l'on ne peut aborder sans ridicule au hasard d'un jury de thèse et encore moins de post doctorat. C'est malheureusement ce qui s'est passé pour notre post-doctorat soutenu en octobre 2007 [12] le jury étant dans son ensemble assez peu compétent et ceux qui avaient étudié certains aspects du corpus Nostradamus n'ayant pas une connaissance à jour, ce qui exigea de leur part un effort démesuré pour appréhender notre travail dans sa globalité, sans parler du fait que nos conclusions remettaient largement en question leurs conclusions ou/et soulignaient certains carences de leurs travaux. Peut-on être juge et partie? Nous pensons que dans ce cas, la soutenance devrait tenir en un véritable cours magistral de 3 heures tenu par le candidat aux fins de former le jury à la recherche en cours.. Les professeurs d'université s'accrochent à ce privilège exclusif de peupler les jurys, arguant de leur compétence générale, souvent aux dépens des vrais spécialistes. Ces généralistes, portant le nom d'enseignants-chercheurs, jugeront les travaux sur des critères formels qui ne rendent pas justice à la qualités des dits travaux, confondant souvent les enjeux pédagogiques qui impliquent une certaine simplification et ceux de la recherche qui exigent de considérer un processus dans toute sa complexité..

NB On peut commander à Mario Gregorio deux DVD intitulés Répertoire Chronologique Nostradamus, le titre étant évidemment en référence à l'ouvrage de Robert Benazra, paru à nos éditions de la Grande Conjonction, en 1990, Répertoire Chronologique Nostradamique.

JH

26. 01. 08

[2] (site curaonline.fr)

[3] (cf l'extrait disponible sur Daily Motion de la dite soutenance et sur TV Urania, abcart.fr et le texte complet de notre travail sur le site propheties.it/halbronn)

[4] (cf nos Documents inexploités sur le phénoméne Nostradamus, Feyzin, Ed. Ramkat, 2002)

[5] (Corpus Nostradamus, Cura.free.fr)

[6] (BNF, site de l'Arsenal. 8°S 14343.

[7] Bib de la Société des Lettres, Sciences et Arts de l'Aveyron, Rodez)

[8] (Bibl Université de Londres, fonds Harry Price)

[9] (cf nos Documents inexploités sur le phénomène Nostradamus, Feyzin, Ed. Ramkat, 2002) .

[10] , une copie, l'ouvrage étant d'ailleurs téléchargeable sur son site propheties.it, à la section Répertoire Chronologique Nostradamus.(propheties.it)

[11] (Paris, La Grande Conjonction 1990

[12] (voir les vidéos sur TV urania et Daily motion),

 

 
 

Read my blog below, or check it online at: 

Mario Freedom's Space

 

Note: All reasonable attempts have been made to contact the copyright
holders of any images that are not either the author's own, kindly made available to him or already in the public domain.

We would be grateful if any whom we have been unable to contact would get in touch with us.

 

 

Updated Tuesday, 07 April 2015

© All Rights Reserved 2009 - Designed by Mario Gregorio